Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 octobre 2009, 08-43.322, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Aix en Provence, 7 mai 2008), que Mme X..., engagée à compter du 25 mai 1992 en qualité de maître d'hôtel par la compagnie hôtelière aéroport de Marseille Provence a fait l'objet les 27 février et 5 mai 2006 de deux mises à pied disciplinaires, ainsi que d'un avertissement le 12 juillet suivant ; qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes de Martigues d'une demande d'annulation de ces sanctions et de dommages intérêts pour harcèlement moral ; qu'elle a fait l'objet d'une nouvelle mise à pied le 16 décembre 2006, en cours d'instance ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire son comportement constitutif d'un harcèlement moral et de le condamner en conséquence au paiement de dommages intérêts, alors, selon le moyen,

1°/ que l'exercice, par l'employeur, de son pouvoir disciplinaire, ne caractérise pas, à lui seul, un harcèlement moral ; qu'en se bornant à déduire l'existence d'un harcèlement moral de la délivrance de trois mises à pied disciplinaires et un avertissement à la salariée dont elle a expressément constaté, pour la mise à pied du 27 février 2006, qu'elle n'avait pas justifié de ses absences dans les délais prévus, que pour la mise à pied du 5 mai 2006, les faits reprochés étaient « pour partie caractérisés », et que pour la mise à pied du 18 décembre 2006, elle avait insulté la qualité du travail du personnel de cuisine, paroles qui « n'avaient pas à être prononcées », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152 1 du code du travail ;

2°/ que la cour d'appel a expressément constaté que, d'une part, pour la mise à pied du 27 février 2006, la salariée n'avait pas justifié de ses absences dans les délais prévus, que pour la mise à pied du 5 mai 2006, les faits reprochés étaient « pour partie caractérisés » et, enfin, que pour la mise à pied du 18 décembre 2006, elle avait insulté la qualité du travail du personnel de cuisine, paroles qui « n'avaient pas à être prononcées » ; qu'en ne recherchant pas, comme il lui était demandé, si la société n'apportait pas ainsi la preuve que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152 1 et L. 1154 1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a annulé les sanctions disciplinaires prononcées aux motifs soit, s'agissant des mises à pied, qu'elles étaient disproportionnées au regard des faits qui pouvaient être reprochés à une salariée de 14 ans d'ancienneté sans antécédents disciplinaires, soit, s'agissant de l'avertissement, que les faits reprochés ne constituaient pas un manquement susceptible d'être sanctionné ; qu'ayant retenu que la multiplication de sanctions disciplinaires injustifiées dans une période où la salariée était particulièrement vulnérable en raison de l'état de santé de son compagnon, et la délivrance d'un avertissement pour avoir répondu à une convocation de la juridiction prud'homale pendant un arrêt de travail devaient être interprétées comme une volonté de l'employeur de déstabiliser la salariée en la poussant à la démission ou à la faute, elle a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, l'existence d'un harcèlement moral ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société compagnie Hôtelière aéroport Marseille Provence aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société compagnie Hôtelière aéroport Marseille Provence à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour de la société compagnie Hôtelière aéroport Marseille Provence.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit et jugé que le comportement de la société CHAMP était constitutif de harcèlement moral et condamné en conséquence cette dernière à payer à Mme X... la somme de 10.000 à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral avéré, outre intérêts légaux ;

AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE les faits se déclinent par l'annulation des sanctions prises à l'encontre de Mme X... ; que si des difficultés relationnelles existent entre les parties, cela est incontestable mais aucun fait relaté dans les courriers n'a un caractère de gravité à lui attribuer des sanctions qui demeurent totalement disproportionnées aux « fautes » reprochées qui sont plus des réglages liés au fonctionnement quotidien et normal au sein d'une activité eu égard à la fonction de maître d'hôtel occupée par Mme X... ; que la société défenderesse n'a de guerre lasse d'adresser une nouvelle convocation pour un entretien du 20 novembre 2006, veille de l'audience de jugement, qu'elle s'exerce à lui confier des tâches qui sont autres qu'accessoires à sa fonction dans le domaine du ménage et qu'il est fort de se réfugier derrière la reprise d'aptitude du médecin du travail en date du 30 août 2006, comment ce dernier aurait-il pu imaginer qu'il devait envisager de mettre des restrictions d'aptitude sur des tâches qui ne sont nullement celles attribuées dans sa fonction ; que Mme X... étant certainement déstabilisée par la santé précaire de son compagnon, puis témoin d'un grave événement survenu à l'hôtel un soir, l'employeur n'aurait-il pas le devoir, eu égard précisément à son pouvoir d'organisation, d'harmoniser, de comprendre et non de s'acharner à un rythme de quatre avertissements dont deux assortis d'une mise à pied sur une collaboratrice qui a tout de même 14 années d'ancienneté dans la fonction ; que Mme X... devra toujours écrire pour obtenir ses documents de sécurité sociale pour se faire indemniser ; que lorsqu'elle soulève le fait qu'elle s'estime victime d'un harcèlement moral de la part de la direction, c'est le conseil de M. Y... qui lui répond que c'est M. Y... qui s'estimera alors, lui, victime du harcèlement de Mme X... ; qu'en conséquence, le conseil estime que l'affaire relève suffisamment d'éléments concrets constitutifs d'un harcèlement moral, Mme X... formule des faits multiples et répétés, précis puisqu'apportés directement par la société défenderesse ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est par une exacte appréciation des motifs que la cour adopte que le conseil de prud'hommes a considéré qu'il y avait lieu à condamnation de la société CHAMP sur le fondement d'un harcèlement moral ; que le fait notamment de multiplier les sanctions injustifiées dans une période où il n'est pas contesté que la salariée était particulièrement vulnérable en raison de l'état de santé de son compagnon, et d'infliger à celle-ci un avertissement pour avoir répondu à une convocation de justice alors qu'elle était en arrêt de travail ne peut s'interpréter que par la volonté de l'employeur de déstabiliser la salariée, en la poussant à la démission ou à la faute ;

1°/ ALORS QUE l'exercice, par l'employeur, de son pouvoir disciplinaire, ne caractérise pas, à lui seul, un harcèlement moral ; qu'en se bornant à déduire l'existence d'un harcèlement moral de la délivrance, par la société CHAMP, de trois mises à pied disciplinaires et un avertissement Mme X... dont elle a expressément constaté, pour la mise à pied du 27 février 2006, qu'elle n'avait pas justifié de ses absences dans les délais prévus, que pour la mise à pied du 5 mai 2006, les faits reprochés étaient « pour partie caractérisés », et que pour la mise à pied du 18 décembre 2006, elle avait insulté la qualité du travail du personnel de cuisine, paroles qui « n'avaient pas à être prononcées », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail ;

2°/ ALORS QUE la cour d'appel a expressément constaté que, d'une part, pour la mise à pied du 27 février 2006, Mme X... n'avait pas justifié de ses absences dans les délais prévus, que pour la mise à pied du 5 mai 2006, les faits reprochés étaient « pour partie caractérisés » et, enfin, que pour la mise à pied du 18 décembre 2006, elle avait insulté la qualité du travail du personnel de cuisine, paroles qui « n'avaient pas à être prononcées » ; qu'en ne recherchant pas, comme il lui était demandé, si la société n'apportait pas ainsi la preuve que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.
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