Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 septembre 2009, 09-81.014, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Olivier, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 3e section, en date du 23 janvier 2009, qui dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée du chef de contrefaçon, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

Vu l'article 575, alinéa 2, 2° et 6°, du code de procédure pénale ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1108 et 1134 du code civil, dénaturation du contrat, violation des articles L. 131-1 et L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'action en contrefaçon de droits d'auteur exercée par la partie civile ;

"aux motifs qu'il n'est en effet pas contesté qu'Olivier X... était lié à la société Capavocat par un contrat aux termes duquel il s'engageait à lui céder tous les documents qu'il avait élaborés pour les cours, galops d'essai et jurys ; que cette clause particulière ne constitue pas une cession globale des oeuvres futures, qui seraient prohibée en application des dispositions de l'article 131-1 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en conséquence, la partie civile, n'étant pas titulaire des droits d'auteur, est irrecevable à agir du chef de contrefaçon ;

"1°) alors que les termes clairs et précis du contrat de travail liant Olivier X... et la société Capavocat ne prévoient une cession de droits d'auteur que sur les documents écrits élaborés à l'occasion des cours, galops d'essai et jury ; que la cession de droits contractuellement prévue ne s'applique donc aucunement aux cours oraux dispensés par le demandeur, objets de la contrefaçon commise par Mikaël Y... ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la chambre de l'instruction a dénaturé le contrat liant Olivier X... à la société Capavocat ;

"2°) alors qu'en toute hypothèse, une cession de droits d'auteur n'est valable qu'à la condition que le droit d'exploiter porte sur un domaine d'exploitation réellement délimité de sorte que la cour d'appel, en ne vérifiant pas la précision des modalités d'exploitation de la cession de droits d'auteur consentie par le demandeur, n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3°) alors qu'en tout état de cause, une cession de droits d'auteur ne peut consister en une cession globale des oeuvres futures de sorte que la cour d'appel qui ne s'est pas expliquée sur l'étendue exacte de la cession de droits d'auteur consentie par le demandeur n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle et 591 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'action en contrefaçon de droits d'auteur exercée par la partie civile ;

"aux motifs qu'il n'est en effet pas contesté qu'Olivier X... était lié à la société Capavocat par un contrat aux termes duquel il s'engageait à lui céder tous les documents qu'il avait élaborés pour les cours, galops d'essai et jurys ; que cette clause particulière ne constitue pas une cession globale des œuvres futures, qui seraient prohibée en application des dispositions de l'article 131-1 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en conséquence, la partie civile, n'étant pas titulaire des droits d'auteur, est irrecevable à agir du chef de contrefaçon ;

"alors que, en tant qu'auteur d'un cours oral de droit pénal, Olivier X... se voit reconnaître par la loi des droits moraux perpétuels, inaliénables et imprescriptibles, tels que le droit de paternité et le droit de divulgation, qui n'ont donc pu être cédés à la société Capavocat ; qu'en conséquence, en supposant même que le contrat ait prévu une cession de droits d'auteur relative au cours oral de droit pénal, cette cession ne pouvait porter sur les droits moraux perpétuels, inaliénables et imprescriptibles, de telle sorte qu'Olivier X... disposait bien de la qualité et de l'intérêt à agir du chef de contrefaçon; qu'en statuant comme elle l'a fait, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a violé les articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'Olivier X..., enseignant et chercheur au sein de l'Université de Paris-1, chargé de travaux dirigés de droit pénal général et de procédure pénale, a déposé plainte avec constitution de partie civile contre Mikaël Y... pour contrefaçon de ses droits d'auteur relativement à un cours oral de droit pénal destiné aux étudiants d'un établissement privé , géré par la société Capavocat, de préparation d'entrée aux centres régionaux de formation professionnelle des avocats ; qu'il lui a reproché d'avoir repris le plan, de larges extraits, des idées et des concepts originaux dans la rédaction d'un ouvrage intitulé "CRFPA/ENM l'épreuve de droit pénal" et de s'être attribué la paternité de l'oeuvre illicitement reproduite ; que l'information a été clôturée par une ordonnance de non-lieu ;

Attendu que, pour sur le seul appel de la partie civile, constater que celle-ci n'avait pas qualité à agir et déclarer en conséquence son appel irrecevable, l'arrêt attaqué se borne à énoncer qu'il n'est pas contesté que cette partie était liée à l'établissement privé par un contrat de travail contenant une clause intitulée "cession des droits d'auteur" aux termes de laquelle elle s'engageait à lui céder tous les documents qu'elle avait élaborés pour les cours, galops d'essai et jurys ; que les juges ajoutent que cette clause particulière ne constitue pas une cession globale des oeuvres futures, qui serait prohibée en application des dispositions de l'article L. 131-1 du code de la propriété intellectuelle ; qu'ils en déduisent que n'étant pas titulaire des droits d'auteur, la partie civile est irrecevable à agir du chef de contrefaçon ;

Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte, alors que la cession ne pouvait porter sur les droits moraux perpétuels, inaliénables et imprescriptibles, la chambre de l'instruction, à qui il appartenait, par ailleurs, de s'expliquer sur le champ d'application de cette cession et de vérifier si le domaine d'exploitation des droits cédés avait été délimité par la clause litigieuse selon les modalités prévues par l'article L. 131-3 du code précité, n'a pas justifié sa décision ;

Que, dès lors, la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen proposé :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 23 janvier 2009, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit d'Olivier X..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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