Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 30 septembre 2009, 08-15.007, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu que Lucienne X... et Georges Y... sont respectivement décédés les 15 mai 1979 et 22 octobre 1991, en laissant pour leur succéder leurs deux enfants, Daniel et André ; qu'après le décès de son épouse, Georges Y... avait vécu avec Suzanne Z... veuve A..., elle même décédée le 4 février 1990, en l'état d'un premier testament olographe du 10 avril 1987 instituant Georges Y... légataire universel, et d'un second testament du 3 janvier 1988 instituant M. André Y... légataire universel ; que par jugement du 17 février 1994, confirmé en appel le 7 novembre 1994, le tribunal correctionnel a condamné M. André Y... pour faux en écriture privée pour avoir rédigé un faux testament daté du 8 juin 1991 aux termes duquel son père l'instituait légataire universel ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. André Y... fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 12 décembre 2006) d'avoir déclaré valable le testament en date du 10 avril 1987, alors, selon le moyen, que pour être valable, un testament doit être entièrement écrit de la main du testateur ; que la cour d'appel qui a constaté que l'expert graphologue avait relevé que deux des mentions apposées sur le testament litigieux n'étaient pas de la main de Suzanne A... et qui a cru néanmoins conclure que ces mentions apposées par un tiers n'affecteraient pas les conditions légales de validité du testament au motif inopérant que ces mentions ne contrediraient ni ne modifieraient la volonté de la testatrice, a violé l'article 970 du code civil ;

Mais attendu que l'apposition par un tiers de mentions sur un testament n'en affecte pas la validité ; qu'ayant constaté que le testament litigieux avait été rédigé de la main de Suzanne A..., qui l'avait également daté et signé, et que seules les mentions relatives à son adresse et à sa date de naissance avaient été écrites par un tiers, la cour d'appel a décidé à bon droit que ces mentions n'affectaient pas la validité du testament ; que le moyen n'est pas fondé ;


Sur les première et deuxième branches du deuxième moyen et sur le troisième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur les troisième et quatrième branches du deuxième moyen :

Attendu que M. André Y... fait grief à l'arrêt d'avoir annulé le testament du 3 janvier 1988 par lequel Suzanne A... l'instituait légataire universel, d'avoir constaté qu'il s'était rendu coupable d'un recel successoral par production et usage du faux testament du 3 janvier 1988 et d'avoir dit en conséquence qu'il serait privé de tous les effets provenant de la succession de Suzanne A... dans celle de son père et que la succession de Suzanne A... serait dévolue en son entier à M. Daniel Y..., en sa qualité d'ayant droit de Georges Y..., (d'avoir envoyé M. Daniel B... en possession de ce legs universel et d'avoir déclaré nulle et de nul effet l'ordonnance de M. le président du tribunal de grande instance de Nantes en date du 29 janvier 1993 envoyant M. André Y... en possession du legs universel de Suzanne A... ainsi que l'attestation de propriété reçue par M. C..., notaire à Nantes, du 16 août 1993,) alors, selon le moyen :

1°/ que le recel implique la démonstration de manoeuvres frauduleuses intentionnelles de la part du prétendu receleur ; que la cour d'appel qui s'est contentée de relever qu'il aurait excipé du faux testament pour hériter sans caractériser l'intention frauduleuse de ce dernier faute d'être l'auteur du faux ou de rapporter la connaissance que ce dernier aurait eu de l'origine malhonnête de l'acte, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a entaché ce faisant sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 792 (778 nouveau) du code civil, ensemble l'article 730-5 du même code ;

2°/ que la cour d'appel qui a cru pouvoir l'écarter de la succession de son père dans la mesure de ce que ce dernier aurait acquis de la succession de Suzanne A... au motif qu'il aurait été l'auteur d'un recel successoral dans le cadre de la succession de Suzanne A..., a violé les dispositions de l'article 792 (778 et 730-5 nouveaux) du code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que M. André Y... avait produit un faux testament, qu'il avait déclaré avoir découvert par hasard en débarrassant la cave de Suzanne A..., et l'avait utilisé en effectuant immédiatement une déclaration de succession et en se faisant envoyer en possession, la cour d'appel, qui a retenu que cette utilisation tendait à modifier le partage à son profit, a caractérisé l'élément intentionnel du recel et a légalement justifié sa décision ;

Attendu, ensuite, qu'ayant fait ressortir que le partage dont M. André Y... avait entendu rompre l'égalité à son profit, au préjudice de son frère, en produisant et en usant du faux testament du 3 janvier 1988,concernait la succession de leur père Georges Y..., institué légataire universel par le testament du 10 avril 1987, dont elle avait retenu la validité, de sorte que le recel portait sur cette dernière succession, la cour d'appel a exactement décidé que M. André Y... devait être privé de tous les effets provenant de la succession de Suzanne A... et transmis à celle de son père par l'effet du testament valide ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli dans aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. André Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. André Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille neuf.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour M. André Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef d'avoir déclaré valable le testament en date du 10 avril 1987 et d'avoir ainsi déclaré recevable Monsieur Daniel Y... en ses demandes ;

AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article 970 du Code civil le testament olographe ne sera point valable, s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ; il n'est assujetti à aucune autre forme ; que ce texte impose une rédaction intégrale de la main du testateur ; que toutefois une mention apposée par un tiers ne porte pas atteinte à sa validité et se trouve simplement dépourvue d'effet si le testament était antérieurement sorti des mains du testateur complet et revêtu de toutes les formes légales, à moins qu'elle ne concerne une condition de validité du testament ou qu'elle ne modifie la volonté du testateur ; que dans le cas présent, André Y... demande à la Cour de déclarer que le testament en date du 10 avril 1987 rédigé par Madame A... au profit de leur père, Georges Y... est nul pour ne pas respecter les dispositions de l'article 970 du Code civil ; qu'à l'appui de sa demande, il fait valoir que le testament du 10 avril 1987 attribué à Madame A... a été rédigé par deux personnes distinctes ; qu'en page 8 de son rapport Madame D..., à qui ce testament avait été remis à titre de pièce de comparaison, indique que deux des mentions apposées ne sont pas de la main de Madame A... : celle relative à son adresse et celle relative à sa date de naissance ; que toutefois ces mentions apposées par un tiers n'affectent pas les conditions légales de validité du testament, celui-ci étant rédigé de la main de l'intéressée qui l'a également daté et signé ; qu'elles ne contredisent ni ne modifient la volonté de la testatrice et sont étrangères au testament qui se suffit à lui-même ; que la sommation interpellative du 29 octobre 2003 aux termes de laquelle Maître E..., notaire à REZE, reconnaît l'existence de deux écritures et indique que Georges Y... ne lui demanda jamais de déposer ce testament au rang des minutes n'est pas de nature à mettre en doute la validité de ce testament ; que dès lors, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une mesure d'instruction, ce testament sera déclaré valable et André Y... sera débouté de sa demande tendant à voir déclarer son frère irrecevable en ses demandes, faute d'intérêt à agir ;

ALORS QUE pour être valable, un testament doit être entièrement écrit de la main du testateur ; que la Cour d'appel qui a constaté que l'expert graphologue avait relevé que deux des mentions apposées sur le testament litigieux n'étaient pas de la main de Madame A... et qui a cru néanmoins conclure que ces mentions apposées par un tiers n'affecteraient pas les conditions légales de validité du testament au motif inopérant que ces mentions ne contrediraient ni ne modifieraient la volonté de la testatrice, a violé l'article 970 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir annulé le testament du 3 janvier 1988 par lequel Madame A... instituait Monsieur André Y... légataire universel, d'avoir constaté que ce dernier s'était rendu coupable d'un recel successoral par production et usage du faux testament du 3 janvier 1988 et d'avoir dit en conséquence qu'il serait privé de tous les effets provenant de la succession de Madame A... dans celle de son père et que la succession de Madame A... serait dévolue en son entier à Monsieur Daniel Y..., en sa qualité d'ayant droit de Monsieur Georges Y... ; d'avoir envoyé Monsieur Daniel Y... en possession de ce legs universel et d'avoir déclaré nulle et de nul effet l'ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal de grande instance de NANTES en date du 29 janvier 1993 envoyant Monsieur André Y... en possession du legs universel de Madame A... ainsi que l'attestation de propriété reçue par Maître C..., notaire à NANTES, du 16 août 1993 ;

AUX MOTIFS QU' en application de l'article 792 du Code civil l'héritier qui a diverti ou recelé les effets de la succession est privé de sa portion dans les dits effets ; que constitue un recel toute manoeuvre dolosive, toute fraude commise sciemment qui a pour but de rompre l'égalité du partage, quelques soient les moyens employés pour y parvenir que celui qui a cherché à s'approprier toute une succession en produisant un faux testament l'instituant légataire universel s'est rendu coupable d'un recel et ne recevra aucun bien de la succession, tout en restant tenu des dettes ; que dans le cas présent, il ressort du rapport d'expertise que le testament du 3 janvier 1988 dont se prévaut André Y... au préjudice de son frère est un faux ; qu'il est encore acquis aux débats que ce dernier, qui déclarait l'avoir découvert par hasard en débarrassant la cave, utilisa ce faux en effectuant immédiatement une déclaration de succession et en se faisant envoyer en possession ; que l'utilisation par André Y... de ce faux testament tendant à modifier le partage à son profit, constitue un recel successoral ; qu'en conséquence la décision du premier juge sera infirmée, l'ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de NANTES du 29 janvier 1993 envoyant André Y... en possession de son legs universel sera déclarée nulle et de nul effet ainsi que l'attestation de propriété reçue par Monsieur C..., notaire à NANTES le 16 août 1993, le testament du 10 avril 1987 par lequel Madame A... a institué Monsieur Georges Y... comme légataire universel sera déclaré bon et valable et produira son plein et entier effet ; qu'André Y... sera privé de tout effet dans la succession de Madame A... et, par l'effet de ce recel, de tout bien provenant de la succession A... dans celle de son père ; qu'en conséquence, Madame A... n'ayant aucun héritier réservataire, Monsieur Daniel Y..., venant aux droits de son père, sera envoyé en possession du legs universel de celle-ci ;

ALORS, d'une part, QU' il appartient au juge, dans chaque cas d'espèce, de s'expliquer sur les éléments de fait et sur les preuves ; que la Cour d'appel qui s'est contentée d'estimer qu' « il ressort du rapport d'expertise » que le testament serait un faux, sans analyser, ne serait-ce que sommairement le rapport, alors que Monsieur André Y... ne manquait pas de mettre en cause sa crédibilité (p. 9 et 10), a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, d'autre part, QUE ce faisant et pour les mêmes motifs, la Cour d'appel n'a pas mis en mesure la Cour de cassation d'exercer son contrôle et a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 792 ancien du Code civil applicable à l'espèce ;

ALORS, encore, à titre subsidiaire, QUE le recel implique la démonstration de manoeuvres frauduleuses intentionnelles de la part du prétendu receleur ; que la Cour d'appel qui s'est contentée de relever que Monsieur André Y... aurait excipé du faux testament pour hériter sans caractériser l'intention frauduleuse de ce dernier faute d'être l'auteur du faux ou de rapporter la connaissance que ce dernier aurait eu de l'origine malhonnête de l'acte, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a entaché ce faisant sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 792 (778 nouveau) du Code civil, ensemble l'article 730-5 du même code ;

ET ALORS, enfin, toujours à titre subsidiaire, QUE la Cour d'appel qui a cru pouvoir écarter Monsieur André Y... de la succession de son père dans la mesure de ce que ce dernier aurait acquis de la succession de Madame A... au motif que Monsieur André Y... aurait été l'auteur d'un recel successoral dans le cadre de la succession de Madame A..., a violé les dispositions de l'article 792 (778 et 730-5 nouveaux) du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que Monsieur André Y... s'est rendu coupable de détournements et dissimulations de biens au préjudice de Madame A..., et par voie de conséquence d'un recel successoral dans la succession de son père à concurrence de quarante deux mille francs, soit six mille quatre cents deux euros et quatre vingt cinq centimes et de vingt six mille francs, soit trois mille neuf cent soixante trois euros et soixante sept centimes et d'avoir en conséquence condamné Monsieur André Y... à restituer ces deux sommes, et dit qu'il sera privé de tous droits sur la succession de son père ;

AUX MOTIFS QUE constitue également un recel successoral la dissimulation soit de biens ayant fait l'objet de dons manuels, soit la dissimulation de retraits de fonds effectués sur les comptes de cujus ; que Daniel Y... demande à la Cour de dire et juger que son frère a détourné de la succession de Madame A... diverses sommes qui doivent être réintégrées dans la masse successorale ; que lors du contrôle fiscal l'administration constata que, dans l'année ayant précédé le décès de Madame MEDARD, André Y... avait bénéficié de deux chèques, l'un daté du 30 janvier 1989 de 42 000 francs, l'autre daté du 14 septembre 1989 de 26 000 francs tirés sur le compte ouvert à la société Générale au nom de Madame A... ; qu'André Y... ne conteste pas avoir reçu ces chèques mais soutient qu'ils correspondaient au remboursement de frais par lui engagés au profit de la de cujus ; qu'à l'appui de ses dires il verse aux débats la photocopie d'un relevé bancaire afférent à la période du 6/2/1988 au 8/2/1989 sur lequel figure la mention suivante : « André fait mes course tous les jours et ce 30/1/1989 par chèque de 42000 francs le rembourse de toutes les dépenses des 7 derniers mois » suivie de la signature : Madame A... ; qu'il verse encore aux débats un courrier du Crédit Mutuel en date du 24 août 1989 sur lequel figure une mention manuscrite, manifestement écrite de sa main, suive de la signature « Madame Veuve A... », indiquant : « Ne pouvant me déplacer chaque jour André m'achète des repas préparés et le rembourserai plus tard. Ma dernière participation est de fin janvier » ; que si ces deux chèques ont été manifestement libellés par André Y... il semble que leurs signatures puissent être attribuées à Madame A... ; que toutefois l'écrit du 30 janvier 1989 aux termes duquel Madame A... déclare rembourser une dette ne saurait avoir aucune valeur probante ; en effet, il s'agit d'une simple photocopie et non d'un original ; qu'il est manifestement écrit et signé de la main d'André Y... ; qu'en outre cette reconnaissance de dette est datée du 30 janvier 1989, alors qu'elle est rédigée sur un extrait de compte en date du 8 février 1989, soit postérieur à la reconnaissance de dette ; que de même la mention figurant sur le courrier du Crédit mutuel est également produite en simple photocopie ; qu'elle est, là encore, incontestablement écrite et signée de la main d'andré Y... ; que ces pièces ne rapportant pas la preuve que les deux versements litigieux correspondaient au remboursement d'une dette, ces deux chèques doivent être considérés comme des dons manuels ; que l'existence de ces dons manuels ayant été dissimulée et n'ayant été révélée qu'à l'occasion d'un contrôle fiscal, andré Y... s'est rendu coupable d'un recel successoral ; qu'André Y... est malvenu à soutenir que la demande en restitution de ces sommes relève de la responsabilité civile délictuelle et se trouve prescrite alors que, s'agissant d'un recel successoral, la prescription de dix ans n'est pas applicable ; que le montant de ces chèques, augmenté des intérêts devra être restitué et inclus à l'actif de la succession de Madame A..., et par voie de conséquence dans l'actif de la succession de Monsieur Georges Y... en sa qualité de bénéficiaire du testament de cette dernière et André Y... sera privé de tout droit dans cette partie de l'actif de la succession de son père ;

ALORS QUE tout payement suppose une dette, la charge de la preuve d'une libéralité exercée en fraude des droits des tiers incombant à ces derniers ; que la Cour d'appel qui cru pouvoir conclure à deux dons manuels aux motifs que Monsieur André Y... ne rapporterait « pas la preuve que les deux versements litigieux correspondaient au remboursement d'une dette » a renversé la charge de la preuve, en violation des articles 1235, 1315 et 792 (art. 778 et 730-5 nouveaux) du Code civil.



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