Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 septembre 2009, 08-42.277, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 15 février 2008), que Mme X..., engagée en 1985 par l'Association du foyer nancéien du jeune travailleur, désormais l'ADHAJ, et exerçant en dernier lieu les fonctions de directrice d'une garderie périscolaire, a été licenciée pour motif économique le 19 septembre 2005 ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'ADHAJ :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique autonome de licenciement ; que dans le cadre d'une association à but non lucratif, une réorganisation justifie les licenciements opérés chaque fois qu'elle répond à un souci de bonne gestion et de sauvegarde de sa pérennité, la notion de "sauvegarde de la compétitivité" étant ici indifférente ; qu'en estimant que la modification du contrat de travail de Mme X... ne reposait pas sur un motif économique, dès lors que cette modification "ne fait pas suite à des difficultés économiques mais à une réorganisation engagée pour occuper une meilleure gestion de l'association et dans le but de se recentrer sur son activité principale", cependant que la régularité du licenciement prononcé n'était pas liée à l'existence de difficultés économiques ni au souci qu'aurait eu l'association de sauvegarder sa compétitivité, mais précisément à un souci de meilleure gestion en vue de sauvegarder sa pérennité, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du code du travail ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel, (elle) faisait valoir que la fermeture de la garderie périscolaire était "motivée par des impératifs budgétaires et un souci de retrouver un équilibre financier au sein de l'association", que "les recettes n'ont cessé de diminuer alors que les charges ont augmenté à fin 2004" et qu'une aggravation de l'endettement se serait produit à la fin 2005 si la fermeture n'avait pas été décidée ; que dans les mêmes écritures (elle) soutenait en outre qu'elle avait connu un résultat déficitaire en 2003 (- 26 248 euros) et en 2004 (- 31 959 euros) et que la situation allait s'aggraver en 2005 ; qu'en affirmant que l'existence d'une menace pesant sur la pérennité de l'association n'était pas établie sans répondre aux conclusions précitées de l'association faisant état de la nécessité pour elle de retrouver un équilibre budgétaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en se bornant à affirmer qu'(elle) n'avait "fait aucune recherche en vue du reclassement de la salariée", cependant qu'il était indiqué dans la lettre de licenciement que Mme X... avait précisément refusé le poste de reclassement qui lui était proposé et qu'il n'existait au sein de l'association pas d'autre poste disponible correspondant à ses compétences, la cour d'appel, qui a statué par voie d'affirmation, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'indépendamment du motif surabondant critiqué par la troisième branche du moyen, la cour d'appel, qui appréciant souverainement les éléments soumis à son examen, a retenu que la réorganisation invoquée par l'association n'était justifiée ni par la nécessité de sauvegarder sa compétitivité afin d'en assurer la pérennité, ni par des difficultés économiques, a légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué de Mme X... :

Et attendu que, par suite du rejet du pourvoi de l'ADHAJ, le pourvoi éventuel de Mme X... est devenu sans objet ;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE tant le pourvoi formé à titre principal par l'ADHAJ que le pourvoi provoqué de Mme X... ;

Condamne l'ADHAJ aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'ADHAJ à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils pour l'ADHAJ, demanderesse au pourvoi principal

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Madame X... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné l'association AFJNT, devenue l'association ADHAJ, d'une part, à payer à Madame X... la somme de 15.000 à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, d'autre part, à rembourser à l'organisme concerné les indemnités de chômage versées à la salariée à la suite de son licenciement dans la limite d'un mois ;

AUX MOTIFS QU' il n'est pas discuté que l'activité de garderie périscolaire a été arrêtée au sein de l'Association du Foyer Nancéien du Jeune Travailleur ; que cette décision qui a entraîné la suppression du poste de directrice de la garderie a été prise par le conseil d'administration de l'association soucieux de recentrer son activité principale d'aide aux jeunes travailleurs au vu de la baisse de recettes procurées par cette activité, des difficultés éprouvées pour recruter du personnel (suppression des contrats CES) et de la baisse de la subvention allouée par le conseil général de Meurthe-et-Moselle ; que s'il apparaît que l'Association du Foyer Nancéien du Jeune Travailleur était animée d'une volonté de bonne gestion et que de plus aucun reproche n'était fait à Madame X..., il ne résulte ni de la lettre de licenciement, ni des éléments du dossier que cette association éprouvait des difficultés économiques la contraignant à réduire ses effectifs et à envisager sa réorganisation ; que la lettre de licenciement fait état du refus d'une modification du contrat de travail consécutive à la réorganisation de l'association mais que les pièces produites au dossier ne permettent nullement d'établir que cette réorganisation était destinée à sauvegarder sa compétitivité et qu'une menace pesait sur sa pérennité ; qu'il n'est donc pas démontré que c'est en raison de difficultés économiques de l'association que le poste occupé par Madame X... a été transformé, la simple suppression du poste faisant suite à l'arrêt de l'activité garderie n'étant pas suffisante pour caractériser une difficulté économique ; que la modification du contrat de travail de Madame X... ne fait pas suite à des difficultés économiques mais à une réorganisation engagée pour occuper une meilleure gestion de l'association et dans le but de se recentrer sur son activité principale ; qu'en conséquence, le licenciement qui est intervenu suite au refus de Madame X... de voir modifier ses attributions au sein de l'association ne repose pas sur un motif économique ; que de plus, il résulte de la lettre de licenciement et des pièces versées au dossier qu'en dehors du poste proposé à Madame X... et refusé par elle, l'Association du Foyer Nancéien du Jeune Travailleur n'a fait aucune recherche en vue du reclassement de la salariée ; que la cour ne peut que constater que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique autonome de licenciement ; que dans le cadre d'une association à but non lucratif, une réorganisation justifie les licenciements opérés chaque fois qu'elle répond à un souci de bonne gestion et de sauvegarde de sa pérennité, la notion de "sauvegarde de la compétitivité" étant ici indifférente ; qu'en estimant que la modification du contrat de travail de Madame X... ne reposait pas sur un motif économique, dès lors que cette modification "ne fait pas suite à des difficultés économiques mais à une réorganisation engagée pour occuper une meilleure gestion de l'association et dans le but de se recentrer sur son activité principale" (arrêt attaqué, p. 6 § 6), cependant que la régularité du licenciement prononcé n'était pas liée à l'existence de difficultés économiques ni au souci qu'aurait eu l'association de sauvegarder sa compétitivité, mais précisément à un souci de meilleure gestion en vue de sauvegarder sa pérennité, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.321-1 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE dans ses conclusions d'appel (p. 10 § 6 et 7), l'association faisait valoir que la fermeture de la garderie périscolaire était "motivée par des impératifs budgétaires et un souci de retrouver un équilibre financier au sein de l'association", que "les recettes n'ont cessé de diminuer alors que les charges ont augmenté à fin 2004" et qu'une aggravation de l'endettement se serait produit à la fin 2005 si la fermeture n'avait pas été décidée ; que dans les mêmes écritures (p. 11 § 3), l'association soutenait en outre qu'elle avait connu un résultat déficitaire en 2003 (- 26.248 ) et en 2004 (-31.959 ) et que la situation allait s'aggraver en 2005 ; qu'en affirmant que l'existence d'une menace pesant sur la pérennité de l'association n'était pas établie (arrêt attaqué, p. 6 § 6), sans répondre aux conclusions précitées de l'association faisant état de la nécessité pour elle de retrouver un équilibre budgétaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QU' en se bornant à affirmer que l'association n'avait "fait aucune recherche en vue du reclassement de la salariée" (arrêt attaqué, p. 6 § 8), cependant qu'il était indiqué dans la lettre de licenciement que Madame X... avait précisément refusé le poste de reclassement qui lui était proposé et qu'il n'existait au sein de l'association pas d'autre poste disponible correspondant à ses compétences, la cour d'appel, qui a statué par voie d'affirmation, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.321-1 du Code du travail.

Moyen produit par la SCP MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocat aux Conseils pour Mme X..., demanderesse au pourvoi provoqué éventuel

Madame X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande tendant à voir condamner la Commune de NANCY au paiement de la somme de 55.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE Madame X... estime que l'activité de garde périscolaire a été transférée à la Ville de NANCY en application des dispositions de l'article L 122-12 alinéa 2 du Code du Travail ; ces dispositions prévoient que s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; la seule circonstance que le repreneur soit un établissement public administratif lié à son personnel par des rapports de droit public ne suffit pas à écarter l'article L 122-12 ; le domaine d'application de l'article L 122-12 du Code du Travail suppose le transfert d'une entité économique autonome constituée par un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels qui poursuit un objectif économique propre et qui à la suite de ce transfert conserve son identité et maintient son activité ; il résulte des éléments du dossier que contrairement à ce qu'affirmé Madame X... l'activité de garde périscolaire exercée par L'Association du Foyer Nancéien du Jeune Travailleur n'avait pas, et bien que ce terme ait été employé par les dirigeants de l'association au cours d'une réunion du personnel en date du 4 avril 2005, fait l'objet d'une délégation de service public ; une telle délégation supposait "l'existence d'un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé dont la rémunération est liée aux résultats de l'exploitation du service" ; en l'espèce, seule une convention définissant l'objet et le montant des subventions allouées, les aides en nature, les modalités de contrôle de l'association et les obligations des deux parties a été conclue entre la Ville de NANCY et L'Association du Foyer Nancéien du Jeune Travailleur le 30 juin 2003 ; cette convention précisait le montant des subventions allouées pour l'organisation de l'accueil périscolaire assuré par l'association en contrepartie de l'alignement des tarifs pratiqués sur les tarifs municipaux appliqués aux enfants des écoles publiques fréquentant un accueil périscolaire ; la garde périscolaire a ainsi été municipalisée à compter de l'année 1995, et était subventionnée par la Mairie de NANCY en contrepartie du respect de certains objectifs ; les comptes rendus de Conseils d'Administration de l'association produits révèlent que le Conseil d'Administration de l'association a, au vu de la perte des contrats aidés qui permettaient de faire fonctionner la Garderie des Abeilles (retrait des postes CES) décidé de recentrer l'activité du Foyer Les Abeilles autour du logement et de l'accompagnement des jeunes travailleurs ; la Garderie périscolaire a été fermée à la fin du mois de juillet 2005 ; selon le compte rendu de la réunion du personnel du 4 avril 2005, les salariés en contrat CES ont été maintenus à leur poste jusqu'au terme de leurs contrats (pour la plupart avant juin 2005), un autre salarié a trouvé un C.D.D. d'un an en tant qu'éducateur, le poste de CES a été basculé sur l'accueil et un nouveau poste d'animatrice a été proposé à Madame X... ; il n'est pas discuté que la Municipalité de NANCY a, à partir du mois de septembre 2005, exploité une garderie périscolaire à l'Ecole Jean Jaurès et que d'autres Garderies Périscolaires fonctionnaient déjà dans d'autres écoles publiques de la ville ainsi qu'à la Maison des Jeunes et de la Culture ; les éléments du dossier établissent que l'activité de Garderie périscolaire ainsi poursuivie n'a pas été exercée dans les locaux du Foyer des Abeilles, que le matériel éducatif de l'association nécessaire à l'exercice de l'activité n'a pas été cédé à la Municipalité de NANCY et que l'organisation par laquelle s'exerçait l'activité n'a pas plus été transmise ; du personnel municipal a été employé, même si quelques postes ont pu être proposés à certains salariés de l'association en fin de contrat ; il résulte de ces éléments que la poursuite par la Municipalité de NANCY de l'activité de garderie périscolaire ne s'est pas exercée dans les mêmes locaux avec les mêmes moyens et d'exploitation et avec le même personnel ; en conséquence, la Cour ne peut que constater qu'il n'y a pas eu de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et que seule l'activité de garderie a été reprise ; la simple poursuite de l'activité de garderie périscolaire n'est pas suffisante pour caractériser le transfert d'une entité économique autonome ; en conséquence, et en l'absence de tout transfert, le contrat de travail de Madame X... qui de plus n'était affectée à la garderie que pour les 3/4 de son temps de travail, ne s'est pas poursuivi avec la Ville de NANCY en application des dispositions de l'article L122-12 du Code du Travail ; la demande en dommages et intérêts dirigée par Madame X... contre la Mairie de NANCY n'est pas fondée et doit être rejetée ; le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ;

Et AUX MOTIFS éventuellement adoptés des premiers juges QUE la partie demanderesse se réfère à l'article L 122-12 alinéa 2 du Code du Travail et à l'article 20 de la loi du 26 juillet 2005 traitant de mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique ; toutefois, l'article 20 spécifie qu'il concerne le transfert d'une entité économique donc ayant des moyens propres et une indépendance économique autonome, ce qui n'était pas le cas de l'association du foyer nancéien du jeune travailleur qui agissait en tant que délégataire de la Ville de NANCY ; les conditions de l'article L 122-2 et de la loi du 20 juillet 2005 n'étant pas remplies, il y a lieu de mettre hors de cause la Ville de NANCY et de ne pas retenir l'ensemble de la demande à son égard ;

ALORS QUE les contrats de travail en cours sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité dont l'activité est poursuivie ou reprise, une entité économique autonome étant caractérisée par un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; que la Commune soutenait avoir repris en régie directe le service de garderie périscolaire auquel Madame X... était affectée ; qu'en refusant d'en déduire que les conditions de transfert du contrat de travail de Madame X... étaient réunies, aux motifs inopérants de la rupture des contrats de travail, du transfert de l'activité dans d'autres locaux avec d'autre matériel, sans caractériser ainsi en quoi l'activité dont elle constatait la poursuite ne constituait pas une entité économique autonome ayant conservé son identité, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1224-1 du code du travail (anciennement L 122-12, alinéa 2) et de l'article 20 de la loi du 26 juillet 2005.

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