Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 septembre 2009, 08-41.377, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu , selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société François Charles Oberthur fiduciaire à compter du 16 septembre 2002 en qualité d'ingénieur commercial export ; qu'il a conclu une convention de forfait jours en application d'un accord d'entreprise du 14 mai 2001 prévoyant que "le contrôle du nombre de journées de travail de la catégorie des cadres autonomes s'effectuera au moyen d'un système déclaratif mensuel, chaque salarié remplissant le formulaire mis à sa disposition à cet effet et le transmettant pour accord à sa hiérarchie, puis pour enregistrement au service du personnel, les salariés devant renseigner sur ce formulaire les rubriques relatives au nombre de journées et demi journées travaillées dans le mois et le cumul atteint depuis le début de I"exercice" ; qu'ayant été licencié le 19 juillet 2004, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes de paiement, notamment, d'un rappel de salaire à titre de dépassement du nombre de jours travaillés prévu par la convention de forfait jours, d'un bonus contractuel et de l'indemnité conventionnelle de licenciement en application de l'article 509 de la convention collective nationale de l'imprimerie de labeur et des industries graphiques ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement, alors, selon le moyen, qu'il résulte des dispositions de l'article 509 de la convention collective nationale de l'imprimerie de labeur, suivant lesquelles, lorsqu'un salarié aura exercé, dans l'entreprise, pendant au moins deux ans une fonction de cadre, d'agent de maîtrise ou d'assimilé, il bénéficiera, sauf faute grave ou lourde, d'une indemnité de licenciement d'un mois après deux ans de fonctions, que la période de préavis, sauf inexécution de celui ci par le salarié, est prise en compte pour le calcul de l'ancienneté en vue de déterminer le droit à l'indemnité conventionnelle de licenciement ; qu'en déboutant M. X... de sa demande motif pris de ce qu'il n'avait pas deux ans d'ancienneté dans l'entreprise à la date du licenciement et qu'il n'y avait pas lieu de prendre en compte la durée du préavis, la cour d'appel a violé les dispositions conventionnelles précitées, ainsi que l'article L. 122 8 devenu L. 1234 5 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement décidé qu'en l'absence de clause plus favorable de la convention collective, l'ancienneté ouvrant droit au bénéfice de l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue par l'article 509 de ladite convention s'appréciait, conformément au droit commun, à la date de la rupture, soit en l'espèce à celle de la notification du licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu les articles L. 3121 45, dans sa version alors applicable, L. 3171 4 et D. 3171 10 du code du travail, ensemble l'article 5.1.1 de l'accord d'entreprise relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail du 14 mai 2001 ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison des trois premiers textes qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d'une convention de forfait jours, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'ainsi la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir ;

Attendu que pour rejeter la demande de paiement d'une somme au titre des jours travaillés au delà du forfait de 215 jours, l'arrêt retient que les articles 2 et 5 du contrat de travail prévoient que le salarié disposait d'une large autonomie compte tenu de la nature de ses fonctions pour organiser son travail dans le cadre des missions confiées ; qu'il bénéficiait d'une rémunération forfaitaire ; que dès lors, compte tenu de ces considérations, il n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce qu'il a travaillé au delà du temps prévu ; que notamment il n'est pas discutable que dans les déplacements effectués, il disposait de temps pour s'organiser et jouissait d'une latitude certaine à son retour dans la fixation des ses congés, ainsi qu'il l'a prétendu et qu'il l'a été jugé ci dessus pour considérer qu'il ne pouvait lui être reproché de manquement vis à vis de sa hiérarchie ; qu'un examen approfondi des pièces produites ne permet pas à la cour de considérer qu'il établit la réalité des dépassements de temps allégués ;

Qu'en statuant comme elle a fait, en faisant reposer sur le seul salarié la charge de la preuve des jours travaillés en dépassement des 215 jours fixés par la convention de forfait jours, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de paiement d'une somme au titre des jours travaillés au delà du forfait de 215 jours, l'arrêt rendu le 21 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la Société François Charles Oberthur fiduciaire aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société François Charles Oberthur fiduciaire à payer à M. X... la somme de 2 500 uros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille neuf.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de paiement d'une somme au titre de la prime d'objectifs contractuelle ainsi que des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 2 du contrat de travail prévoit le versement d'un bonus annuel «calculé en fonction de la réalisation de ses objectifs» et que Alexandre X... explique n'avoir jamais reçu de somme à ce titre à la différence de ses collègues ; qu'il demande à ce titre, s'appuyant sur les sommes reçues dans son précédent emploi et relevant qu'il a prospecté une zone vaste et difficile pour laquelle il a obtenu des résultats une somme de 57.000 , selon les usages dans son secteur professionnel ;

QUE, cependant, la Société FRANÇOIS-CHARLES OBERTHUR FIDUCIAIRE est la seule à vendre des documents sécurités et qu'il n'existe pas en conséquence d'usage professionnel ; que, par ailleurs, le bonus convenu ne prévoyait aucun caractère d'automaticité et présentait un caractère discrétionnaire ; qu'en toute hypothèse, Alexandre X... ne produit ni n'offre de produire d'éléments de nature à établir la réalité de cet usage et le caractère automatique de cette prime, excepté les explications qu'il fournit sur son ancien emploi, qui concernait un domaine différent, à savoir les détecteurs de drogues et d'explosifs ; qu'enfin, il ressort des explications de la Société FRANÇOIS-CHARLES OBERTHUR FIDUCIAIRE que Alexandre X... n'aurait effectivement conclu qu'avec la Géorgie, qui était déjà client ; qu'Alexandre X... ne produit aucun élément de nature à permettre de discuter ses affirmations ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QUE pour l'année 2003, Monsieur X... n'a enregistré que deux commandes de passeports avec la Géorgie alors que ce pays était déjà client de la SA FCOF avant l'arrivée de la partie demanderesse dans l'entreprise et qu'un accord cadre existait avec ce pays depuis 1993 ; que le Conseil en déduira que les commandes auraient été enregistrées même sans la présence du requérant et justifie le fait qu'aucun bonus ne sera versé à Monsieur X... ; que concernant les objectifs très bas pour l'année 2004, ils étaient fixés à 907 F ; que le requérant n'a réalisé que 29 K et ce, grâce à la Géorgie ;

ALORS, D'UNE PART, QUE lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail et à défaut d'un accord entre l'employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il incombe aux juges de la déterminer ; qu'en écartant, aux motifs de l'absence d'usage professionnel et du caractère discrétionnaire du bonus convenu, après avoir constaté que le contrat de travail prévoyait le versement d'un bonus annuel calculé en fonction de la réalisation des objectifs, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE le contrat s'exécute de bonne foi ; qu'en s'abstenant de rechercher si, comme il était soutenu par Monsieur X..., aucun objectif chiffré ne pouvait véritablement lui être fixé compte tenu du caractère de « friche commerciale » de la zone qui lui était confiée, et de ce que le type de produits et de service proposé relevait au minimum du moyen terme, les contrats se négociant sur de longues périodes, ce dont il résultait que le bonus contractuel ne pouvait être attribué principalement en fonction des marchés passés avec les clients, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de paiement de 12.133,12 d'indemnité pour dépassement du forfait jour ;

AUX MOTIFS QUE les articles 2 et 5 du contrat de travail pourvoient que, ainsi qu'il l'a été relevé ci-dessus, Alexandre X... disposait d'une large autonomie, compte tenu de la nature de ses fonctions, pour organiser son travail dans le cadre des missions confiées ; qu'il bénéficiait d'une rémunération forfaitaire ; que dès lors, compte tenu de ces considérations, il n'établit aucunement, ainsi qu'il en a la preuve, de façon certaine avoir travaillé au-delà du temps prévu ; que notamment, il n'est pas discutable que dans les déplacements effectués, il disposait de temps pour s'organiser et jouissait d'une latitude certaine à son retour dans la fixation de ses congés, ainsi qu'il l'a prétendu et qu'il l'a été jugé ci-dessus pour considérer qu'il ne pouvait lui être reproché de manquement vis-à-vis de sa hiérarchie ; qu'un examen approfondi des pièces produites ne permet pas à la Cour de considérer qu'il établit la réalité des dépassements de temps allégués ; qu'il y a lieu en conséquence de le débouter de ses demandes ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la production de l'agenda personnel de Monsieur X... relatant ses jours travaillés pour les années 2002, 2003, 2004 ne sera pas validée par la SA FCOF ; que le requérant ne fera jamais la demande à son employeur relative à sa durée de travail ;

ALORS, D'UNE PART, QUE lorsqu'un cadre non soumis à l'horaire collectif relève d'un forfait en jours sur l'année, il appartient à l'employeur, en cas de contestation, de rapporter la preuve de ce que les journées de repos résultant de ce forfait ont été effectivement prises par l'intéressé ; qu'en déboutant Monsieur X... de sa demande d'indemnité pour dépassement du forfait jours, faute pour lui d'apporter la preuve de ce dépassement, la Cour d'appel a violé l'article L. 212-15-3.III ancien devenu L. 3121-45 nouveau du Code du travail et l'article 1315 du Code civil ;

ET ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles, sans que la preuve incombe en particulier à l'une des parties ; qu'en déboutant Monsieur X... de sa demande faute pour lui d'apporter la preuve certaine qu'il avait travaillé au-delà du temps prévu, la Cour d'appel a violé l'article L. 212-1-1, devenu L. 3171-4 nouveau du Code du travail.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE Alexandre X... a pris ses fonctions au sein de la Société FRANÇOIS-CHARLES OBERTHUR FIDUCIAIRE le 16 septembre 2002 ; qu'il a été licencié le 19 juillet 2004 ; que le droit à l'indemnité de licenciement naît à la date où le licenciement est notifié et que ce sont les dispositions légales ou conventionnelles en vigueur à cette date qui déterminent les droits du salarié ; que Alexandre X... ne jouissait pas de deux années d'ancienneté dans l'entreprise à la date du licenciement ; que les règles de l'article L. 122-8 du Code du travail, relatives aux modalités de rémunération du travail effectué au cours du préavis, ne sauraient avoir pour effet, comme le prétend Alexandre X..., de modifier les droits ouverts au salarié ou les obligations pesant sur l'employeur nées du licenciement et du fait de ce dernier ; qu'il ne peut voir cette demande aboutir ;

QUE l'indemnité conventionnelle est ouverte pour les salariés bénéficiant de plus de deux ans d'ancienneté ; qu'en l'espèce, Alexandre X... ne peut se prévaloir d'une telle ancienneté ;

ALORS QU'il résulte des dispositions de l'article 509 de la convention collective nationale de l'imprimerie de labeur, suivant lesquelles, lorsqu'un salarié aura exercé, dans l'entreprise, pendant au moins deux ans une fonction de cadre, d'agent de maîtrise ou d'assimilé, il bénéficiera, sauf faute grave ou lourde, d'une indemnité de licenciement d'un mois après deux ans de fonctions, que la période de préavis, sauf inexécution de celui-ci par le salarié, est prise en compte pour le calcul de l'ancienneté en vue de déterminer le droit à l'indemnité conventionnelle de licenciement ; qu'en déboutant Monsieur X... de sa demande motif pris de ce qu'il n'avait pas deux ans d'ancienneté dans l'entreprise à la date du licenciement et qu'il n'y avait pas lieu de prendre en compte la durée du préavis, la Cour d'appel a violé les dispositions conventionnelles précitées, ainsi que l'article L. 122-8 devenu L. 1234-5 nouveau du Code du travail.

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