Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 2 septembre 2009, 09-83.950, Publié au bulletin
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 2 septembre 2009, 09-83.950, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 09-83.950
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 02 septembre 2009
Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, du 15 mai 2009- Président
- M. Pelletier
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X...-Y... Patxi,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1re section, en date du 15 mai 2009, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de tentatives d'extorsion de fonds, recels en bande organisée et en lien avec une entreprise terroriste, infractions à la législation sur les armes et sur les explosifs, détention frauduleuse de faux documents administratifs, recel de faux en écritures privées et usage de faux, usage de fausses plaques d'immatriculation en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme, a prolongé sa détention provisoire pour une durée de six mois ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 137 à 148-2, 181 du code de procédure pénale, violation des articles 137 à 142, 181 du code de procédure pénale, de l'article préliminaire dudit code, des articles 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit bien fondée la requête du procureur général de la cour d'appel de Paris, en date du 14 mars 2009, et a ordonné la prolongation à titre exceptionnel de la détention provisoire de Patxi X...-Y... pour une seconde durée exceptionnelle de six mois à partir du délai de l'article 181 du code de procédure pénale à compter de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive, soit à compter du 11 juin 2009 à 0 heure ;
" aux motifs que Patxi X...-Y... est mis en accusation et renvoyé devant la cour d'assises de Paris, spécialement composée, des crimes et délits connexes indiqués ci-dessus ; qu'il ressort suffisamment des éléments plus haut rappelés qu'il existe à son encontre des charges suffisantes d'avoir commis les infractions qui lui sont reprochées ; qu'il résulte de la requête du procureur général que l'encombrement du rôle de la cour d'assises spéciale de Paris n'a pas permis de faire comparaître l'accusé dans le délai de un an, même prolongé exceptionnellement pour six mois par arrêt de la présente chambre de l'instruction du 14 novembre 2008 ; que la cour d'assises de Paris, spécialement composée, étant seule compétente pour le jugement de crime terroriste commis sur tout le territoire français, sa charge de travail a pour conséquence l'utilisation, dans certaines affaires, du délai maximal prévu par le code de procédure pénale ; que ce délai demeure dans les limites raisonnables prévues par les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que la durée de l'information a, quant à elle, été justifiée par la complexité des investigations, concernant plusieurs auteurs et plusieurs faits, alors que le choix du mutisme total des personnes mises en cause a nécessité la réalisation de nombreuses expertises successives qui ont entraîné des délais d'instruction importants ; que, s'agissant d'actes de terrorisme dans lesquels des individus utilisent le territoire français comme base de repli et dont l'activité consiste à organiser des attentats pour semer la terreur et imposer leurs vues, les faits sont de ceux qui troublent de manière exceptionnelle et permanente l'ordre public ; que les personnes qui y sont impliquées, comme l'accusé, ne disposent d'aucune garantie de représentation alors qu'il vit dans la clandestinité et a tout moyen de s'y maintenir et que les risques de réitération sont, compte tenu du mode de vie qu'il a choisi, en compagnie de personnes recherchées pour plusieurs attentats, considérables ; que les obligations du contrôle judiciaire sont, dans ces conditions, notoirement insuffisantes pour remplir ces objectifs au regard des prescriptions de l'article 137 du code de procédure pénale ; qu'il y a donc lieu à prolongation de la détention provisoire, à titre exceptionnel, comme il sera indiqué au dispositif ;
" 1°) alors que la détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable et que toute personne arrêtée ou détenue a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure ; qu'excède une durée raisonnable et méconnaît le droit de l'accusé d'être jugé dans un délai raisonnable ou libéré pendant la procédure, au sens de l'article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, la prolongation de la détention provisoire pour une nouvelle période de six mois au delà de celle de cinq ans et six mois déjà subie, lorsque cette prolongation est exclusivement motivée par des considérations tenant à l'organisation et au fonctionnement de la justice, tel l'encombrement ou la charge de travail de la juridiction spéciale compétente pour juger l'accusé, au surplus, lorsque c'est précisément cet encombrement du rôle de la juridiction compétente qui a déjà été invoqué pour justifier la prolongation de la détention provisoire depuis la fin de l'instruction, plus de dix-huit mois auparavant ; qu'en se fondant exclusivement sur l'encombrement du rôle de la cour d'assises spéciale de Paris, juridiction compétente pour le jugement de crimes terroristes commis sur tout le territoire français et sur la charge de travail de cette juridiction pour retenir qu'était justifiée la prolongation de la détention provisoire du demandeur pour une nouvelle durée de six mois au-delà de celle de cinq ans et six mois déjà courue, la cour d'appel a méconnu le droit du demandeur d'être jugé dans un délai raisonnable ou libéré pendant la procédure et violé les textes visés au moyen ;
" 2°) alors que, saisi d'un moyen en ce sens, il appartient aux juges du fond d'apprécier, au regard des circonstances propres à l'espèce, si la durée de la détention provisoire n'a pas excédé la limite du raisonnable et si, au regard de la durée déjà courue, une nouvelle prolongation de la détention ne méconnait pas le droit de l'intéressé d'être jugé dans un délai raisonnable ou libéré pendant la procédure, comme prévu par l'article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que, pour ordonner la prolongation de la détention du demandeur pour une nouvelle période de six mois, au delà des cinq ans et six mois déjà subis, la chambre de l'instruction, qui se borne à énoncer, par des motifs généraux, abstraits et impersonnels, détachés de toutes circonstances propres à l'espèce, que le délai maximal de deux ans prévu par l'article 181 du code de procédure pénale « demeure dans les limites raisonnables prévues par les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme », n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;
" 3°) alors que le demandeur avait fait valoir que sa détention provisoire durant près de six ans était contraire à l'article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors, notamment, que seuls des motifs d'ordre matériel étaient invoqués pour justifier le délai de deux ans ayant couru depuis la fin de l'instruction et que de telles considérations ne pouvaient lui être valablement opposées ; que, pour ordonner, néanmoins, la prolongation à titre exceptionnel de la détention provisoire du demandeur pour une nouvelle durée de six mois, la cour d'appel, qui se fonde sur des considérations tenant aux circonstances ayant justifié la durée de l'instruction, cependant que celle-ci était achevée depuis près d'un an et six mois, s'est prononcée par des motifs inopérants et n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Vu les articles 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et 181, alinéa 9, du code de procédure pénale ;
Attendu que, d'une part, en vertu du premier de ces textes, toute personne détenue a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure ;
Attendu que, d'autre part, selon l'article 181, alinéa 9, du code de procédure pénale, si l'audience sur le fond ne peut débuter avant l'expiration du délai d'un an à compter de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive, la chambre de l'instruction ne peut qu'à titre exceptionnel, par une décision rendue conformément à l'article 144 du code de procédure pénale et mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation de la détention provisoire pour une nouvelle durée de six mois ; que cette prolongation peut être renouvelée une fois dans les mêmes formes ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, par ordonnance, devenue définitive, du 6 décembre 2007, Patxi X...-Y..., placé sous mandat de dépôt criminel le 7 décembre 2003, a été renvoyé devant la cour d'assises de Paris, spécialement composée, sous l'accusation, notamment, de tentatives d'extorsion de fonds, infractions à la législation sur les armes et sur les explosifs, recels en bande organisée en lien avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme ; que la détention provisoire de Patxi X...-Y... a été prolongée une première fois pour six mois, à compter du 11 décembre 2008, en application de l'article 181, alinéa 9, du code de procédure pénale ;
Attendu que, pour prolonger, à la demande du ministère public, la détention provisoire de Patxi X...-Y... pour une nouvelle durée de six mois, sur le fondement du même texte, et répondre à l'argumentation de l'accusé prise du droit à être jugé dans un délai raisonnable, la chambre de l'instruction, après avoir relevé qu'il résultait de la requête du procureur général que l'encombrement du rôle de la cour d'assises spécialement composée n'avait pas permis de faire comparaître Patxi X...-Y... dans le délai d'un an, même prolongé exceptionnellement une première fois pendant six mois, énonce que cette dernière juridiction étant seule compétente pour le jugement de crimes terroristes commis sur l'ensemble du territoire français, sa charge de travail a pour conséquence l'utilisation, dans certaines affaires, du délai maximal de détention institué par le code de procédure pénale, mais qu'un tel délai demeure dans les limites raisonnables prévues par les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que les juges ajoutent que la durée de l'information judiciaire était par ailleurs justifiée par la complexité des investigations à mener, compte tenu du mutisme des personnes mises en cause ayant conduit à des expertises dont la réalisation a entraîné l'allongement des délais d'instruction ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction, qui ne pouvait justifier la mesure de prolongation de la détention à titre exceptionnel par les difficultés récurrentes de fonctionnement de la juridiction appelée à statuer au fond, et qui n'a pas recherché si les autorités compétentes avaient apporté une diligence particulière à la poursuite de la procédure, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 15 mai 2009, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, Mmes Chanet, Anzani, Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, MM. Corneloup, Pometan, M. Foulquié, Mme Palisse, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori, Monfort conseillers de la chambre, Mmes Leprieur, Lazerges conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lucazeau ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X...-Y... Patxi,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1re section, en date du 15 mai 2009, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de tentatives d'extorsion de fonds, recels en bande organisée et en lien avec une entreprise terroriste, infractions à la législation sur les armes et sur les explosifs, détention frauduleuse de faux documents administratifs, recel de faux en écritures privées et usage de faux, usage de fausses plaques d'immatriculation en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme, a prolongé sa détention provisoire pour une durée de six mois ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 137 à 148-2, 181 du code de procédure pénale, violation des articles 137 à 142, 181 du code de procédure pénale, de l'article préliminaire dudit code, des articles 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit bien fondée la requête du procureur général de la cour d'appel de Paris, en date du 14 mars 2009, et a ordonné la prolongation à titre exceptionnel de la détention provisoire de Patxi X...-Y... pour une seconde durée exceptionnelle de six mois à partir du délai de l'article 181 du code de procédure pénale à compter de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive, soit à compter du 11 juin 2009 à 0 heure ;
" aux motifs que Patxi X...-Y... est mis en accusation et renvoyé devant la cour d'assises de Paris, spécialement composée, des crimes et délits connexes indiqués ci-dessus ; qu'il ressort suffisamment des éléments plus haut rappelés qu'il existe à son encontre des charges suffisantes d'avoir commis les infractions qui lui sont reprochées ; qu'il résulte de la requête du procureur général que l'encombrement du rôle de la cour d'assises spéciale de Paris n'a pas permis de faire comparaître l'accusé dans le délai de un an, même prolongé exceptionnellement pour six mois par arrêt de la présente chambre de l'instruction du 14 novembre 2008 ; que la cour d'assises de Paris, spécialement composée, étant seule compétente pour le jugement de crime terroriste commis sur tout le territoire français, sa charge de travail a pour conséquence l'utilisation, dans certaines affaires, du délai maximal prévu par le code de procédure pénale ; que ce délai demeure dans les limites raisonnables prévues par les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que la durée de l'information a, quant à elle, été justifiée par la complexité des investigations, concernant plusieurs auteurs et plusieurs faits, alors que le choix du mutisme total des personnes mises en cause a nécessité la réalisation de nombreuses expertises successives qui ont entraîné des délais d'instruction importants ; que, s'agissant d'actes de terrorisme dans lesquels des individus utilisent le territoire français comme base de repli et dont l'activité consiste à organiser des attentats pour semer la terreur et imposer leurs vues, les faits sont de ceux qui troublent de manière exceptionnelle et permanente l'ordre public ; que les personnes qui y sont impliquées, comme l'accusé, ne disposent d'aucune garantie de représentation alors qu'il vit dans la clandestinité et a tout moyen de s'y maintenir et que les risques de réitération sont, compte tenu du mode de vie qu'il a choisi, en compagnie de personnes recherchées pour plusieurs attentats, considérables ; que les obligations du contrôle judiciaire sont, dans ces conditions, notoirement insuffisantes pour remplir ces objectifs au regard des prescriptions de l'article 137 du code de procédure pénale ; qu'il y a donc lieu à prolongation de la détention provisoire, à titre exceptionnel, comme il sera indiqué au dispositif ;
" 1°) alors que la détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable et que toute personne arrêtée ou détenue a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure ; qu'excède une durée raisonnable et méconnaît le droit de l'accusé d'être jugé dans un délai raisonnable ou libéré pendant la procédure, au sens de l'article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, la prolongation de la détention provisoire pour une nouvelle période de six mois au delà de celle de cinq ans et six mois déjà subie, lorsque cette prolongation est exclusivement motivée par des considérations tenant à l'organisation et au fonctionnement de la justice, tel l'encombrement ou la charge de travail de la juridiction spéciale compétente pour juger l'accusé, au surplus, lorsque c'est précisément cet encombrement du rôle de la juridiction compétente qui a déjà été invoqué pour justifier la prolongation de la détention provisoire depuis la fin de l'instruction, plus de dix-huit mois auparavant ; qu'en se fondant exclusivement sur l'encombrement du rôle de la cour d'assises spéciale de Paris, juridiction compétente pour le jugement de crimes terroristes commis sur tout le territoire français et sur la charge de travail de cette juridiction pour retenir qu'était justifiée la prolongation de la détention provisoire du demandeur pour une nouvelle durée de six mois au-delà de celle de cinq ans et six mois déjà courue, la cour d'appel a méconnu le droit du demandeur d'être jugé dans un délai raisonnable ou libéré pendant la procédure et violé les textes visés au moyen ;
" 2°) alors que, saisi d'un moyen en ce sens, il appartient aux juges du fond d'apprécier, au regard des circonstances propres à l'espèce, si la durée de la détention provisoire n'a pas excédé la limite du raisonnable et si, au regard de la durée déjà courue, une nouvelle prolongation de la détention ne méconnait pas le droit de l'intéressé d'être jugé dans un délai raisonnable ou libéré pendant la procédure, comme prévu par l'article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que, pour ordonner la prolongation de la détention du demandeur pour une nouvelle période de six mois, au delà des cinq ans et six mois déjà subis, la chambre de l'instruction, qui se borne à énoncer, par des motifs généraux, abstraits et impersonnels, détachés de toutes circonstances propres à l'espèce, que le délai maximal de deux ans prévu par l'article 181 du code de procédure pénale « demeure dans les limites raisonnables prévues par les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme », n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;
" 3°) alors que le demandeur avait fait valoir que sa détention provisoire durant près de six ans était contraire à l'article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors, notamment, que seuls des motifs d'ordre matériel étaient invoqués pour justifier le délai de deux ans ayant couru depuis la fin de l'instruction et que de telles considérations ne pouvaient lui être valablement opposées ; que, pour ordonner, néanmoins, la prolongation à titre exceptionnel de la détention provisoire du demandeur pour une nouvelle durée de six mois, la cour d'appel, qui se fonde sur des considérations tenant aux circonstances ayant justifié la durée de l'instruction, cependant que celle-ci était achevée depuis près d'un an et six mois, s'est prononcée par des motifs inopérants et n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Vu les articles 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et 181, alinéa 9, du code de procédure pénale ;
Attendu que, d'une part, en vertu du premier de ces textes, toute personne détenue a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure ;
Attendu que, d'autre part, selon l'article 181, alinéa 9, du code de procédure pénale, si l'audience sur le fond ne peut débuter avant l'expiration du délai d'un an à compter de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive, la chambre de l'instruction ne peut qu'à titre exceptionnel, par une décision rendue conformément à l'article 144 du code de procédure pénale et mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation de la détention provisoire pour une nouvelle durée de six mois ; que cette prolongation peut être renouvelée une fois dans les mêmes formes ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, par ordonnance, devenue définitive, du 6 décembre 2007, Patxi X...-Y..., placé sous mandat de dépôt criminel le 7 décembre 2003, a été renvoyé devant la cour d'assises de Paris, spécialement composée, sous l'accusation, notamment, de tentatives d'extorsion de fonds, infractions à la législation sur les armes et sur les explosifs, recels en bande organisée en lien avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme ; que la détention provisoire de Patxi X...-Y... a été prolongée une première fois pour six mois, à compter du 11 décembre 2008, en application de l'article 181, alinéa 9, du code de procédure pénale ;
Attendu que, pour prolonger, à la demande du ministère public, la détention provisoire de Patxi X...-Y... pour une nouvelle durée de six mois, sur le fondement du même texte, et répondre à l'argumentation de l'accusé prise du droit à être jugé dans un délai raisonnable, la chambre de l'instruction, après avoir relevé qu'il résultait de la requête du procureur général que l'encombrement du rôle de la cour d'assises spécialement composée n'avait pas permis de faire comparaître Patxi X...-Y... dans le délai d'un an, même prolongé exceptionnellement une première fois pendant six mois, énonce que cette dernière juridiction étant seule compétente pour le jugement de crimes terroristes commis sur l'ensemble du territoire français, sa charge de travail a pour conséquence l'utilisation, dans certaines affaires, du délai maximal de détention institué par le code de procédure pénale, mais qu'un tel délai demeure dans les limites raisonnables prévues par les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que les juges ajoutent que la durée de l'information judiciaire était par ailleurs justifiée par la complexité des investigations à mener, compte tenu du mutisme des personnes mises en cause ayant conduit à des expertises dont la réalisation a entraîné l'allongement des délais d'instruction ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction, qui ne pouvait justifier la mesure de prolongation de la détention à titre exceptionnel par les difficultés récurrentes de fonctionnement de la juridiction appelée à statuer au fond, et qui n'a pas recherché si les autorités compétentes avaient apporté une diligence particulière à la poursuite de la procédure, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 15 mai 2009, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, Mmes Chanet, Anzani, Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, MM. Corneloup, Pometan, M. Foulquié, Mme Palisse, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori, Monfort conseillers de la chambre, Mmes Leprieur, Lazerges conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lucazeau ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;