Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 juillet 2009, 09-83.090, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


-
Z... Angelo,


contre l'arrêt n° 155 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de POITIERS, en date du 24 mars 2009, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viol et agressions sexuelles aggravés, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire ;

Vu les mémoires personnel et ampliatif produits ;

Sur le premier moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles préliminaire, et 593 du code de procédure pénale et de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que la chambre de l'instruction n'ait pas répondu au chef de son mémoire qui reprochait au juge des libertés et de la détention, saisi aux fins de prolongation d'une mesure de détention provisoire, d'avoir omis de lui communiquer les réquisitions du procureur de la République, dès lors que, d'une part, l'article 114 du code de procédure pénale limite aux avocats des parties, la possibilité de se faire délivrer la copie des pièces du dossier d'une information en cours et que, d'autre part, il a nécessairement eu connaissance de ces réquisitions lors du débat contradictoire tenu conformément aux dispositions de l'article 145 du code précité ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation de l'article 145-2 du code de procédure pénale ;

Sur le moyen unique de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 5 § 1 et 3 et 6 § 1 et 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 138, 143-1, 144, 144-1, 145-1, 145-2, 145-3, 148-1 et 591 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance rejetant la demande de mise en liberté d'Angelo Z... ;

" aux motifs propres que le point de départ de la détention provisoire subie par Angelo Z... est le 5 septembre 2007, jour de l'ordonnance de placement en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention, et non le 16 décembre 2005, date du mandat de dépôt délivré par la juridiction de jugement ; qu'il a été mis en examen pour des faits de viol commis sur une personne vulnérable, encourant ainsi une peine de vingt ans de réclusion criminelle, en sorte que la durée totale de la détention provisoire peut être portée à quatre ans ; que le mis en examen est détenu dans le cadre de l'instruction depuis une période qui, au regard de la complexité des faits et de sa personnalité, constitue un délai raisonnable ; que l'information, ralentie par l'exercice légitime et parfois fondé de certaines voies de recours, a été continue et n'a pas subi d'interruption injustifiée ; que le magistrat instructeur tente actuellement de procéder à des confrontations avec Françoise X..., qui était son épouse et a déposé plainte contre lui pour viol et agression sexuelle, et la mère de Françoise X..., lesquelles n'ont pu se rendre à la convocation du juge d'instruction en raison de difficultés liées à leur état de santé ; que des investigations sont actuellement en cours afin de déterminer l'état de santé actuel de Françoise X... et rechercher tout élément pouvant constituer un facteur de vulnérabilité ; qu'il résulte de l'ensemble de ces considérations qu'il convient de prévenir tout risque de pression sur les témoins et sur la victime, compte tenu des investigations actuellement diligentées par le magistrat instructeur à la suite de l'arrêt rendu par la chambre de l'instruction le 9 décembre 2008 ; qu'aux termes de leurs rapports les experts ont émis des réserves sur la réadaptabilité d'Angelo Z... ; qu'il présente dès lors en l'état un risque de récidive ; qu'une injonction de soins serait manifestement inefficace ; qu'une telle mesure ne peut être efficacement ordonnée dans le cadre d'un contrôle judiciaire ; qu'il a antérieurement été condamné à une peine criminelle qui n'a pas été dissuasive puisque les faits objet de la procédure sont en partie constitués par des simulacres de meurtres ; qu'il a également subi plusieurs condamnations pour des faits de faux, d'escroquerie et de dissimulation d'identité ; qu'il sait encourir une lourde sanction devant la cour d'assises et a acquis une pratique de la dissimulation qui peut lui permettre d'organiser une fuite qu'aucune mesure de contrôle judiciaire ne peut prévenir, les garanties de représentation étant actuellement insuffisantes, compte tenu notamment du caractère restrictif de l'offre d'hébergement produite ; que les faits commis à plusieurs reprises sur une personne gravement malade ont causé un trouble persistant à l'ordre public ; que l'information doit encore se poursuivre pendant six mois, compte tenu des investigations en cours ;

" aux motifs réputés adoptés que la détention provisoire constitue l'unique moyen d'empêcher une pression sur la victime, Françoise X..., extrêmement fragilisée et qui a subi un accident vasculaire cérébral, et sa mère, âgée de 83 ans ; que la détention provisoire constitue également l'unique moyen de garantir le maintien du mis en examen à la disposition de la justice, en l'absence de domicile personnel et d'emploi ou de perspective d'activité professionnelle ; qu'un mandat de comparution a dû être délivré pour qu'il se présente devant le juge d'instruction après l'ouverture de l'information judiciaire ; que la détention provisoire constitue aussi l'unique moyen de prévenir le renouvellement de l'infraction ; que figure à son casier judiciaire une condamnation à 15 années de réclusion criminelle prononcée le 29 juin 1990 par la cour d'assises de Seine-et-Marne à la suite de faits au cours desquels une prostituée serait morte après avoir subi une séance dite de « bondage » utilisant des méthodes de strangulation ; que ces faits présentent une similitude troublante avec ceux figurant sur les photographies qui sont à l'origine de la présente procédure ; que les autres condamnations figurant à son casier judiciaire ont trait à la délinquance astucieuse, notamment pour abus de confiance, escroquerie, faux et usage de faux ; que l'expertise psychiatrique versée au dossier le 28 mars 2008 note que l'on a affaire à une personne qui présente une intelligence dans des limites supérieures de la normale, une personnalité avec des traits de nature perverse et de nature paranoïaque ; qu'elle conclut que sa dangerosité sociale est réelle et le risque de récidive vis-à-vis d'actes médico-légaux est important ; que l'expert psychiatrique ayant examiné l'intéressé dans le cadre de la procédure qui s'est traduite par le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Poitiers le 11 octobre 2005 pour les faits qui font l'objet de la présente procédure notait qu'il présentait un trouble grave dans l'organisation de sa personnalité à titre de personnalité borderline avec prévalence des traits narcissiques associés à des traits pervers, c'est à dire une perversité du caractère ; que l'expert Y... en déduisait l'existence d'une dangerosité criminologique élevée, qu'il s'agisse des atteintes aux personnes ou aux biens ; qu'il considérait que le pronostic sur l'évolution ultérieure de son comportement était réservé, compte tenu de l'organisation spécifique de sa personnalité peu susceptible de changement et de possibilités psychothérapeutiques quasi-nulles ; que dans ces conditions il existe un risque extrêmement important de réitération d'un comportement délictueux ; que la poursuite de l'information est nécessaire ; qu'en effet des confrontations doivent être organisées avec une expertise préalable de la victime ;

" 1°) alors que c'est à tort que la chambre de l'instruction a refusé de tenir compte des treize mois de détention, du 23 décembre 2005 au 9 février 2007, accomplis en exécution du mandat de dépôt ordonné par la cour d'appel de Poitiers, dont l'arrêt a été cassé, s'agissant de la détention pour les mêmes faits d'une personne présumée innocente et non condamnée définitivement, peu important que la qualification sous laquelle il est poursuivi ait été modifié depuis lors ;

" 2°) alors qu'au jour où la chambre de l'instruction a statué, le 24 mars 2009, Angelo Z... avait effectué, outre ces treize mois, dix-huit mois et demi de détention depuis le 5 septembre 2007, date de l'ordonnance du juge des libertés le plaçant en détention, soit au total plus de trente et un mois de détention ; qu'en s'abstenant de rechercher si cette privation de liberté d'une personne présumée innocente n'était pas excessive au regard de son âge, Angelo Z... étant né le 15 octobre 1946 (arrêt, p. 1), la chambre de l'instruction a privé sa détention de base légale " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'Angelo Z... a été poursuivi, sur citation directe, du chef d'atteintes sexuelles aggravées et condamné pour ce délit à sept ans d'emprisonnement par un arrêt de la cour d'appel de Poitiers, en date du 16 décembre 2005, qui a décerné un mandat de dépôt ; que cette décision a été cassée, par un arrêt du 10 janvier 2007, au motif que les faits poursuivis, qui entraient dans les prévisions de l'article 222-23 du code pénal, relevaient de la compétence de la cour d'assises ; qu'Angelo Z... a été libéré le 9 février 2007 ; qu'une information ayant été ouverte, le 22 mai 2007, du chef, notamment, de viol aggravé, l'intéressé a été placé en détention provisoire par une ordonnance en date du 5 septembre 2007 ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance rejetant la demande de mise en liberté formée par Angelo Z... qui soutenait que la période de détention résultant de la mise à exécution du mandat de dépôt délivré par la chambre des appels correctionnels devait être prise en compte au titre de la détention provisoire, l'arrêt énonce que les règles de prolongation édictées par les articles 145-1 à 145-3 du code de procédure pénale ne sont applicables qu'à la seule détention provisoire ordonnée par le juge des libertés et de la détention dans le cadre de la procédure d'instruction ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et dès lors que, la détention provisoire résultant du mandat de dépôt qui assortissait la condamnation à sept ans d'emprisonnement ne constituait pas le point de départ de la détention provisoire ordonnée par le juge des libertés et de la détention, la chambre de l'instruction qui n'était pas invitée à rechercher si la privation de liberté n'était pas excessive au regard de l'âge de la personne mise en examen, n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens ;

Qu'ainsi, les moyens ne peuvent qu'être écartés ;

Sur le deuxième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation de l'article 144 du code de procédure pénale ;

Attendu que le moyen qui reproche à l'arrêt attaqué d'avoir prolongé une mesure de détention provisoire en retenant des motifs autres que ceux figurant dans une ordonnance antérieure du juge des libertés et de la détention, est inopérant, dès lors qu'en raison de l'effet dévolutif de l'appel, la juridiction du second degré peut substituer ses motifs à ceux du premier juge ;

Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le quatrième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des arrêts de la Cour de cassation relatifs aux arrêts et à leur rédaction ;

Attendu que le moyen qui reproche à l'arrêt attaqué d'être rédigé dans les mêmes termes qu'un arrêt n° 154, rendu le même jour par la même juridiction, manque en fait ;

Et attendu que l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Pelletier président, M. Finidori conseiller rapporteur, M. Corneloup conseiller de la chambre ;




Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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