Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 16 juin 2009, 08-88.283, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 08-88.283
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Claudine, épouse Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 27 octobre 2008, qui, dans la procédure suivie contre Philippe Z..., notamment du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 1er et 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit que l'impossibilité de travailler présentée par Claudine Y... n'était pas due à l'accident du 25 février 2005 et décidé que le préjudice de Claudine Y... avait été justement fixé à la somme de 28 423,29 euros ;
"aux motifs qu'il a été demandé à l'expert, le Dr A..., de : « vérifier l'éventualité d'un état antérieur, déjà connu ou latent, au cas où cet état antérieur aurait entraîné une incapacité partielle antérieure, fixer la part imputable à l'état antérieur et celle imputable au fait dommageable, en l'absence d'incapacité permanente partielle, dire si le traumatisme a été la cause déclenchante du déficit physiologique actuel ou si celui-ci se serait, de toute façon, manifesté spontanément dans l'avenir ; que, dans son rapport, en date du 17 septembre 2007, l'expert écrit dans la partie « discussion » : « l'accident du 25 février 2005 a été générateur d'un ébranlement touchant aussi bien le rachis cervical, avec comme conséquence une entorse cervicale dont la traduction était corrélée par les radiographies initiales et à l'étage lombaire, de lombalgies suivies de lomboradiculite à bascule (sciatique) ayant dû justifier de nombreuses explorations qui ont révélé l'existence d'un état antérieur à type d'arthrose cervicale et lombaire dont les manifestations cliniques et algiques, sans l'accident, se seraient révélées dans le temps très probablement. On ne peut nier, ni exclure la part de l'accident dans la genèse des troubles présentés ». « Nous sommes un peu frappés par la longueur de l'arrêt de travail et nous considérons après analyse du contexte que la consolidation peut être envisagée à la date du 22 novembre 2005 ». Il écrit dans ses conclusions : L'incapacité totale temporaire de travail a été médicalement justifiée du 25 février 2005 au 22 novembre 2005, au-delà, l'arrêt de travail n'est plus justifié au titre de l'accident et s'inscrit dans le cadre d'une pathologie révélée au détour de l'accident qui évolue pour son propre compte. « Le taux de l'incapacité permanente partielle est définitivement évalué à 5 % pour les séquelles en relation directe avec le fait dommageable. Il existe un état antérieur qui, selon les dires de la blessée et de son médecin traitant, n'était pas connu mais latent. Elle était porteuse d'une arthrose vertébrale évoluée touchant la région cervicale et lombaire. Après analyse de l'ensemble du dossier radiologique et scanners réalisés, le traumatisme a été la cause déclenchante des séquelles indemnisées à hauteur de 5 % ».
Le Docteur B..., dans son rapport du 27 mars 2006, avait conclu dans le même sens en écrivant que : « l'accident a joué un rôle de révélateur ; en aucun cas, il n'a provoqué ces lésions et même, il ne les a aggravées » et en fixant le taux d'incapacité permanente partielle directement lié à l'accident à 2 %. Il résulte clairement de ces rapports que l'impossibilité de travailler n'est pas due à l'accident mais à un état antérieur latent qui, s'il a été révélé à la suite de l'accident, aurait de toute façon évolué pour son propre compte et causé le déficit fonctionnel actuel. Il ne s'agit pas d'un cas où les séquelles de l'accident sont aggravées en raison d'une prédisposition antérieure, hypothèse dans laquelle l'ensemble des séquelles doit être prise en compte dans l'indemnisation, mais d'un cas où le déficit est composé de séquelles de l'accident et de troubles distincts dus à un état antérieure. Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé l'incapacité temporaire totale du 25 février au 25 novembre 2005 et en ce qu'il a exclu de l'indemnisation les pertes de gain professionnels futurs. Par ailleurs, les autres chefs de préjudice ont été justement appréciés. La somme totale restant due après déduction de la provision s'élève à 28 423,29 euros » ;
"et aux motifs adoptés que l'auteur d'un dommage est tenu à réparation... ; que cette somme sera donc mise à la charge de Philippe Z... (...) que, sur le déficit fonctionnel permanent (après consolidation), l'indemnité lui revenant s'élève donc à 4 050 euros ; que la période d'incapacité postérieure, qui va jusqu'au 30 novembre 2006, n'est pas directement imputable à l'accident, mais qu'elle résulte de la pathologie antérieure de la victime qui s'est révélée à la suite de cet accident et qui doit donc être indemnisée ; que, sur la base des justificatifs fournis, et déduction faite des indemnités versées par la CLAM, la perte de salaire pendant cette période s'élève à 20 223,29 euros ; que cette somme sera donc mise à la charge de Philippe Z... ; que, sur les préjudices professionnels futurs (après consolidation), l'expert a précisé que les conséquences du dommage n'étaient pas de nature à entraîner un préjudice professionnel ; qu'il est d'ailleurs manifeste que les cervicalgies et les lombalgies qui subsistent n'interdisent pas à Claudine Y... d'exercer son métier d'assistante maternelle ; que Claudine Y... ne verse d'ailleurs aux débats aucun justificatif de son inaptitude à exercer son métier ; que, sur le déficit fonctionnel permanent après consolidation, ce préjudice non économique lié à la réduction définitive, après consolidation du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel a été estimé à 5 % par l'expert ; que ce déficit est la conséquence de l'état latent révélé par l'accident, ainsi que l'expert l'a expressément indiqué dans son rapport ; que ce taux prend donc en compte les séquelles relevant de l'état antérieur, contrairement à ce qu'indique Claudine Y... ; que, compte tenu de l'âge de la victime, la valeur du point d'incapacité sera chiffrée à 810 euros ; que l'indemnité lui revenant s'élève donc à 4 050 euros ; que, sur le préjudice d'agrément (après consolidation), Claudine Y... justifie de la pratique de la randonnée, du vélo et du jardinage mais que cette pratique est désormais limitée en raison des séquelles de l'accident ; que ce préjudice sera indemnisé par la somme de 1 100 euros ;
"alors que constitue un préjudice réparable le dommage latent que révèle l'accident, et notamment le dommage né de ce que l'accident a accéléré la révélation d'un processus latent ; qu'en l'espèce, les juges du fond, qui ont admis que le déficit fonctionnel actuel avait été révélé à la suite de l'accident, auraient dû prendre en compte l'ensemble des séquelles subies par Claudine Y... à la suite de l'accident pour fixer l'indemnisation du préjudice réparable ; qu'en reprenant strictement les conclusions de l'expert qui excluaient totalement de l'indemnisation la part due à une prédisposition de la victime, les juges du fond ont privé leur décision de base légale" ;
Vu les articles 1382 du code civil, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que le droit de la victime d'une infraction à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique, lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que du fait de l'infraction ;
Attendu que, pour arrêter à une certaine somme l'indemnité réparant le préjudice de la victime et exclure, notamment, de l'indemnisation les pertes de gains professionnels futurs, l'arrêt énonce qu'il résulte des rapports d'expertise que l'impossibilité de travailler n'est pas due à l'accident mais à un état antérieur latent qui, s'il a été révélé à la suite de l'accident, aurait de toute façon évolué pour son propre compte et causé le déficit fonctionnel actuel ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a pris en considération, pour fixer le montant de l'indemnité, une pathologie préexistante à l'accident, sans pour autant constater que, dès avant cet événement, les effets néfastes de cette pathologie s'étaient déjà révélés, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse, en date du 27 octobre 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 500 euros la somme que Philippe Z... devra payer à Claudine Y..., au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Toulouse et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.