Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 23 juin 2009, 08-88.016, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 08-88.016
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Joly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Michel, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES, chambre correctionnelle, en date du 23 octobre 2008, qui a annulé la poursuite suivie contre Christine Y..., épouse Z..., du chef de diffamation publique envers un particulier ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 29, 50, 53 et 65 de la loi du 29 juillet 1881 et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a constaté la nullité de la plainte avec constitution de partie civile déposée le 30 mars 2007 par Jean-Michel X... entre les mains du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance d'Avignon et de la procédure subséquente, a constaté la prescription de l'action publique et a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Jean-Michel X... ;
"aux motifs qu'en matière d'infractions de presse la plainte avec constitution de partie civile qui met en mouvement l'action publique dès que la consignation est intervenue, doit répondre aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, qui sont prescrites à peine de nullité, ladite nullité étant d'ordre public ; que la plainte avec constitution de partie civile doit non seulement articuler les faits mais encore les qualifier précisément et viser les articles de la loi correspondant à cette qualification ; que la plainte avec constitution de partie civile de Jean-Michel X... vise l'article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881, et qualifie juridiquement de diffamation publique les faits dénoncés ; que, toutefois, les faits tels qu'ils sont exposés dans la plainte englobent la diffamation et l'injure ; qu'en effet que Jean-Michel X... dans cette pièce, qualifie les propos qu'il rapporte de "propos injurieux, insultants et très gravement diffamatoires" par deux fois en page 2, "d'injurieux et gravement diffamatoires" en page 7 et fait état de "mentions injurieuses et gravement diffamatoires" à cinq reprises page 8, à quatre reprises page 9, à six reprises page 10 ; que page 11 Jean-Michel X... précise que les propos ci-dessus repris
constituent des "propos infamants, injurieux, insultants et gravement diffamatoires" et se réfère tant à l'article 29 qu'à l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 et poursuit en visant expressément la diffamation et l'injure ; que Jean-Michel X... écrit en effet : "ainsi, en l'espèce, si l'on est en présence de messages, d'annonces, rubriques et publications injurieuses (pour celles qui traitent Me Jean-Michel X... d'avocat véreux, d'escroc
sans autre indication) lesquels comportent bien des propos profondément injurieux en désignant nommément Me Jean-Michel X..., l'on est bien en présence de messages, annonces, rubriques et publication gravement diffamatoires relevant donc de la diffamation telle que définie à l'article 29, alinéa 1, précité (pour celles qui complètent les injures de l'allégation d'un fait déterminé
qui désignent nommément Me X... et présentent que Me X... serait malhonnête et aurait extorqué 1 800 euros à une personne qu'il aurait ainsi escroquée et volée" ; que le réquisitoire introductif, qui se réfère à la plainte avec constitution de partie civile, rend la poursuite parfaite s'il répare les insuffisances contenues dans la plainte ; que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque le réquisitoire, s'il retient la qualification de diffamation publique, vise la plainte avec constitution de partie civile sans pour autant articuler les faits susceptibles de constituer le délit de diffamation publique ; qu'il apparaît que les propos incriminés tels qu'ils sont rapportés par Jean-Michel X... visent à la fois la diffamation et l'injure, qu'il existe une incertitude sur l'objet précis de la poursuite qui ne permet pas à Christine Y... de connaître la qualification des faits qui lui sont reprochés, qu'ainsi il y a lieu de constater la nullité de la plainte du 29 mars 2007 déposée le 30 mars 2007 et de la procédure subséquente laquelle emporte prescription de l'action publique et de déclarer irrecevable la constitution de partie civile de Jean-Michel X... (cf., arrêt attaqué, p. 13 et 14) ;
"1)alors que, lorsque des expressions outrageantes ou appréciations injurieuses sont indivisibles d'une imputation diffamatoire, le délit d'injure est absorbé par celui de diffamation et ne peut être relevé seul ; qu'en énonçant, dès lors, pour constater la nullité de la plainte avec constitution de partie civile déposée le 30 mars 2007 par Jean-Michel X... et de la procédure subséquente et pour constater, en conséquence, la prescription de l'action publique et déclarer irrecevable la constitution de partie civile de Jean-Michel X..., que les faits tels qu'ils étaient exposés dans cette plainte englobaient la diffamation et l'injure et que les propos tels qu'ils étaient rapportés par Jean-Michel X... visaient à la fois la diffamation et l'injure et en en déduisant qu'il existait une incertitude sur l'objet précis de la poursuite qui ne permettait pas à Christine Y... de connaître la qualification des faits qui lui étaient reprochés, quand les expressions outrageantes et les appréciations injurieuses mentionnées dans la plainte avec constitution de partie civile, déposée le 30 mars 2007 par Jean-Michel X..., étaient indivisibles des imputations diffamatoires qu'elle exposait et quand, en conséquence, le délit d'injure étant absorbé par celui de diffamation, la plainte avec constitution de partie civile, déposée le 30 mars 2007 par Jean-Michel X..., répondait aux exigences posées par les dispositions de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, dès lors que, comme elle l'a elle-même relevé, cette plainte visait l'article 29, alinéa premier, de la loi du 29 juillet 1881 et qualifiait juridiquement de diffamation publique les faits dénoncés, la cour d'appel a violé les stipulations et dispositions susvisées ;
"2) alors que, à titre subsidiaire, une plainte avec constitution de partie civile n'est nulle en raison de la double qualification des faits incriminés qu'elle comporte que si cette double qualification concerne les mêmes faits ; qu'en énonçant, par conséquent, pour constater la nullité de la plainte avec constitution de partie civile déposée le 30 mars 2007 par Jean-Michel X... et de la procédure subséquente et pour constater, en conséquence, la prescription de l'action publique et déclarer irrecevable la constitution de partie civile de Jean-Michel X..., que les faits tels qu'ils étaient exposés dans cette plainte englobaient la diffamation et l'injure et que les propos tels qu'ils étaient rapportés par Jean-Michel X... visaient à la fois la diffamation et l'injure et en en déduisant qu'il existait une incertitude sur l'objet précis de la poursuite qui ne permettait pas à Christine Y... de connaître la qualification des faits qui lui étaient reprochés, quand elle relevait que la plainte avec constitution de partie civile, déposée le 30 mars 2007 par Jean-Michel X..., distinguait expressément les allégations traitant Jean-Michel X... d'avocat véreux et d'escroc, qu'elle qualifiait d'injurieuses, des imputations selon lesquelles Jean-Michel X... était malhonnête et avait extorqué la somme de 1 800 euros à une personne qu'il avait ainsi escroquée et volée, qu'elle qualifiait de diffamatoires, et quand, dès lors, il résultait de ses propres constatations que les qualifications de diffamation et d'injure que comportait cette plainte avec constitution de partie civile ne concernaient pas les mêmes faits, la cour d'appel a violé les stipulations et dispositions susvisées" ;
Vu les articles 50 de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que, d'une part, lorsque les expressions outrageantes ou appréciations injurieuses sont indivisibles d'une imputation diffamatoire, le délit d'injure est absorbé par celui de diffamation ;
Attendu que, d'autre part, en obligeant la partie poursuivante à préciser, à qualifier le fait incriminé, et à indiquer le texte applicable à la poursuite, la loi a voulu seulement, dans l'intérêt de la défense, que l'objet de la prévention fût d'avance expressément déterminé ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Jean-Michel X..., avocat, a porté plainte et s'est constitué partie civile contre Christine Y..., épouse Z..., pour diffamation publique envers un particulier, en raison de sa mise en cause dans plusieurs propos diffusés sur le réseau internet ; qu'étaient articulés, sous cette qualification, au visa des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, divers passages dans lesquels le plaignant était traité "d'avocat véreux et d'escroc" et se voyait imputé par cette cliente de lui avoir "extorqué et volé" la somme de 1 800 euros ;
Attendu que le tribunal, après avoir annulé la plainte, a constaté la prescription ;
Attendu que, pour confirmer la décision entreprise, sur l'appel de la partie civile, l'arrêt retient que ladite plainte ne répond pas aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 en ce que, au visa de l'article 29, alinéa 1, de la loi précitée et sous la qualification de diffamation publique, elle incrimine des propos qualifiés d"'insultants et injurieux" mais également de "gravement diffamatoires" et laisse subsister, sur l'objet de la poursuite, une incertitude ne permettant pas à la prévenue de connaître la qualification des faits qui lui sont reprochés ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, les expressions outrageantes et injurieuses étant, en l'espèce, indivisibles des imputations diffamatoires et se confondant avec elles, le délit d'injure se trouvait absorbé par celui de la diffamation, et que la plainte ne créait aucune incertitude dans l'esprit de la prévenue quant à la nature des faits poursuivis sous cette dernière qualification, la cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue, tant sur l'action publique que sur l'action civile, dès lors qu'il n'a été statué que sur la validité de la poursuite ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 23 octobre 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, tant sur l'action publique que sur l'action civile,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Guérin conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;