Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 24 juin 2009, 08-14.674, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 08-14.674
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Lacabarats (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 145-1 du code de commerce, ensemble l'article L. 145-5 du même code ;
Attendu que les dispositions du code de commerce relatives au bail commercial s'appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité ; que les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger à ces dispositions à la condition que le bail soit conclu pour une durée égale au plus à deux ans ; que si, à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du code de commerce relatives au bail commercial ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 26 février 2008), que par acte du 30 octobre 2001, la société civile immobilière Immos a donné à bail pour douze mois à la société Enova des locaux à usage de bureaux ; que laissée dans les lieux au terme de cette période, la société Enova a donné congé le 4 mars 2004 avec effet au 4 septembre 2004 ; que la bailleresse l'a assignée pour voir dire qu'un bail soumis au statut des baux commerciaux s'était opéré à l'issue du bail dérogatoire et que le congé ne pouvait avoir d'effet qu'au terme de la première période triennale, et la voir condamner à payer les loyers courant sur cette période ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient qu'il ne suffit pas que le local n'ait pas reçu de clientèle ou n'ait pas été indispensable à l'exploitation du fonds de commerce pour que les parties soient soustraites aux exigences de la législation spéciale et que si le preneur a immobilisé l'ensemble des locaux que lui proposait le bailleur, il est réputé avoir eu besoin du tout ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que les locaux loués constituaient le lieu d'exploitation d'un fonds de commerce ou étaient indispensables à l'exploitation d'un fonds de commerce, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société Immos aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Immos à payer à la société Enova la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Immos ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt ;
Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la société Enova ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que le maintien dans les lieux de la société Enova s'était fait en vertu d'un bail commercial verbal à compter du 1er novembre 2002, D'AVOIR dit que le congé donné par la société Enova ne pouvait être délivré qu'à l'effet du 31 octobre 2005 et D'AVOIR condamné, en conséquence, la société Enova à payer à la société civile immobilière Immos les loyers jusqu'à cette date, soit, déduction faite des paiements effectués par la société Enova jusqu'à son départ le 4 septembre 2004, la somme de 13 189, 95 euros ttc, taxes foncières à ajouter outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 janvier 2005 ;
AUX MOTIFS QUE « les parties s'accordent, à juste titre, sur le fait que le bail souscrit en 2001 était précaire, conformément à ce que permet la jurisprudence ; / attendu qu'à l'issue d'un bail précaire, le maintien dans les lieux, s'il est consenti par le propriétaire, s'analyse en un bail de droit commun applicable ; qu'il n'en est autrement qu'en présence d'un accord, écrit ou verbal mais circonstancié, entre les parties ; qu'en l'espèce, les modalités précises du rapprochement des parties en 2002, à l'issue du bail précaire ne sont pas connues ; qu'il règle même une certaine confusion sur les intentions des parties, Immos proposant un bail commercial puis recherchant un successeur à Enova, celle-ci refusant l'application du droit du bail commercial mais délivrant finalement un congé régulier pour le 31.10.2005 conformément à cette législation spéciale ; qu'à plus forte raison, les motifs exceptionnels qui auraient éventuellement permis de demeurer en situation de bail précaire ne sont pas énoncés ; en quoi, les premiers juges ne pouvaient pas affirmer qu'un deuxième bail précaire avait succédé au premier ; / Attendu que soumis ainsi au droit commun applicable au local considéré et à l'activité considérée, le preneur devait se soumettre aux règles normales de délivrance du congé ; / qu'en l'occurrence, le droit qui était applicable était bien celui du bail commercial et non pas celui du bail de maison ; qu'en effet, il ne suffit pas que le local n'ait pas reçu de clientèle ou n'ait pas été indispensable à l'exploitation du fonds de commerce, pour que les parties, ici le preneur, soient soustraites aux exigences de la législation spéciale ; que si le preneur a immobilisé l'ensemble des locaux que lui proposait le bailleur, alors il est réputé avoir eu besoin du tout, et ne peut opposer ultérieurement au bailleur une division artificielle qui ferait se côtoyer à sa seule convenance différents régimes juridiques ; /
attendu que du tout, il résulte que Enova ne pouvait quitter valablement les lieux qu'au 31.10.2005, en quoi le premier jugement sera infirmé ; que le décompte proposé par Immos est conforme aux pièces versées aux débats et n'est d'ailleurs pas contesté par Enova en ses dernières écritures » (cf. arrêt attaqué, p. 3) ;
ALORS QUE, de première part, il ne s'opère un nouveau bail soumis à la législation relative aux baux commerciaux, à l'expiration d'un précédent bail conclu pour une durée au plus égale à deux ans, lorsque le preneur reste et est laissé en possession des lieux loués, que si les conditions d'application de la législation relative aux baux commerciaux sont réunies, c'est-à-dire que si le preneur exploite un fonds de commerce dans les lieux loués ou que si, tout à la fois, les lieux loués constituent des locaux accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce et appartiennent au même propriétaire que celui du local ou immeuble où est situé l'établissement principal et leur privation est de nature à compromettre l'exploitation de ce fonds de commerce ou que si, tout à la fois, les lieux loués constituent des locaux accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce, leur privation est de nature à compromettre l'exploitation d'un tel fonds et, n'appartenant pas au même propriétaire que celui du local ou immeuble où est situé l'établissement principal, ils ont été loués au vu et au su du bailleur en vue de leur utilisation jointe ; qu'en énonçant, dès lors, pour dire que le maintien dans les lieux de la société Enova s'était fait en vertu d'un bail commercial verbal à compter du 1er novembre 2002 et que le congé donné par la société Enova ne pouvait être délivré qu'à l'effet du 31 octobre 2005 et pour condamner, en conséquence, la société Enova à payer à la société civile immobilière Immos la somme de 13 189 euros, taxes foncières à ajouter, qu'il ne suffit pas que le local loué n'ait pas reçu de clientèle ou n'ait pas été indispensable au fonds de commerce exploité par le preneur pour que les parties soient soustraites aux exigences de la législation spéciale relative aux baux commerciaux, quand la fourniture, dans les lieux loués, de prestations à la clientèle, condition essentielle de l'existence d'un fonds de commerce, et l'existence, dans les lieux loués, d'aménagements destinés à recevoir la clientèle sont nécessaires pour que les lieux loués puissent être regardés comme le siège de l'exploitation d'un fonds de commerce et quand le bail portant sur un local accessoire à l'exploitation d'un fonds de commerce n'est un bail commercial que si sa privation est de nature à compromettre l'exploitation de ce fonds de commerce, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 145-1 et L. 145-5 du code de commerce ;
ALORS QUE, de deuxième part, il ne s'opère un nouveau bail soumis à la législation relative aux baux commerciaux, à l'expiration d'un précédent bail conclu pour une durée au plus égale à deux ans, lorsque le preneur reste et est laissé en possession des lieux loués, que si les conditions d'application de la législation relative aux baux commerciaux sont réunies, c'est-à-dire que si le preneur exploite un fonds de commerce dans les lieux loués ou que si, tout à la fois, les lieux loués constituent des locaux accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce et appartiennent au même propriétaire que celui du local ou immeuble où est situé l'établissement principal et leur privation est de nature à compromettre l'exploitation de ce fonds de commerce ou que si, tout à la fois, les lieux loués constituent des locaux accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce, leur privation est de nature à compromettre l'exploitation d'un tel fonds et, n'appartenant pas au même propriétaire que celui du local ou immeuble où est situé l'établissement principal, ils ont été loués au vu et au su du bailleur en vue de leur utilisation jointe ; qu'en disant, dès lors, que le maintien dans les lieux de la société Enova s'est fait en vertu d'un bail commercial verbal à compter du 1er novembre 2002 et que le congé donné par la société Enova ne pouvait être délivré qu'à l'effet du 31 octobre 2005 et en condamnant, en conséquence, la société Enova à payer à la société civile immobilière Immos la somme de 13 189 euros, taxes foncières à ajouter, sans relever que la société Enova fournissait, dans les lieux loués, des prestations à une clientèle et que les lieux loués comportaient des aménagements destinés à recevoir la clientèle, ni constater que les lieux loués étaient accessoires et indispensables à l'exploitation du fonds de commerce de la société Enova situé dans son établissement principal de Bondues et appartenaient au même propriétaire que celui du local ou immeuble de Bondues où était situé l'établissement principal de la société Enova ou qu'ils étaient accessoires et indispensables à l'exploitation du fonds de commerce de la société Enova situé dans son établissement principal de Bondues et que la société civile immobilière Immos avait connaissance, au moment de la prise d'effet du bail, de leur utilisation pour l'activité principale exploitée par la société Enova dans les locaux, appartenant à un propriétaire différent, de son établissement principal de Bondues, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 145-1 et L. 145-5 du code de commerce ;
ALORS QUE, de troisième part, les conventions peuvent être révoquées du consentement mutuel des parties ; qu'en disant, dès lors, que le congé donné par la société Enova ne pouvait être délivré qu'à l'effet du 31 octobre 2005 et en condamnant, en conséquence, la société Enova à payer à la société civile immobilière Immos la somme de 13 189 euros, taxes foncières à ajouter, sans rechercher, comme elle y avait été invitée par la société Enova, si la société civile immobilière Immos et la société Enova n'étaient pas convenues, au mois de mars 2004, d'un commun accord, de résilier amiablement le contrat de bail litigieux avec effet au 6 septembre 2004, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1134, alinéa 2, du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR donné acte à la société civile immobilière Immos de son intention de restituer le dépôt de garantie de 1 372 euros hors taxes (1 640 euros toutes taxes comprises) à la société Enova ;
ALORS QUE sauf à commettre un déni de justice, le juge est légalement tenu de statuer sur les demandes dont il est saisi ; qu'en se bornant, dès lors, à donner acte à la société civile immobilière Immos de son intention de restituer le dépôt de garantie de 1 372 euros hors taxes (1 640 euros toutes taxes comprises) à la société Enova, quand elle était légalement tenue de statuer sur la demande de la société Enova tendant à la condamnation de la société civile immobilière Immos à lui payer la somme de 1 640 euros toutes taxes comprises au titre de la restitution du dépôt de garantie dont elle était saisie, la cour d'appel a entaché sa décision d'un excès de pouvoir négatif, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du code civil.