Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 juin 2009, 08-42.154, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 2511-1 du code du travail ;

Attendu, selon le jugement attaqué, qu'un accord d'entreprise conclu le 2 février 2007 par la société Sico-Cherre prévoit le versement d'une prime d'assiduité mensuelle, laquelle n'est pas due en cas d'absence du salarié sur le mois de référence, quelle qu'en soit la cause et que ces absences soient ou non autorisées, les jours RTT, congés payés et congés de formation économique ou syndicale n'étant pas assimilés à des absences et ouvrant droit de ce fait au paiement de la prime ; que l'employeur ayant refusé le versement de la prime à M. X... et neuf autres salariés de l'entreprise pour le mois de janvier 2007 au cours duquel ils avaient participé à des journées de grève, ces derniers ont saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour condamner la société à payer aux salariés la prime litigieuse, le jugement énonce que si l'employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour l'attribution d'une prime destinée à récompenser l'assiduité, c'est à la condition que toutes les absences, autorisées ou non, entraînent les mêmes conséquences et qu'en l'espèce, le fait que l'accord d'entreprise prévoit trois cas d'absences ouvrant droit au paiement de la prime, peu important qu'ils soient assimilés à du travail effectif, ce qui ne répond pas à cette condition, implique que la suppression de la prime du fait de la participation à la grève constitue une mesure discriminatoire au sens de l'article L. 521-1 du code du travail ;

Attendu cependant que si l'employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour le paiement d'une prime, c'est à la condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution ;

Qu'en statuant comme il l'a fait, alors que les périodes d'absence ouvrant droit au paiement de la prime énumérées par l'accord d'entreprise sont légalement assimilées à un temps de travail effectif et que toutes les autres absences, quelle qu'en soit la cause, donnent lieu à sa suppression, ce dont il résulte que le non-paiement pour absence pour fait de grève ne revêt pas de caractère discriminatoire, le conseil de prud'hommes a violé par fausse application le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 11 mars 2008, entre les parties, par le conseil de prud'hommes du Mans ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute les salariés de leurs demandes ;

Condamne les dix défendeurs aux dépens de cassation et à ceux afférents à l'instance devant les juges du fond ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société Sico-Cherre.

Le moyen fait grief au jugement attaqué d'avoir condamné la société SICO CHERRE au paiement d'une prime d'assiduité et de divers dommages et intérêts, sur le fondement d'une discrimination à raison de l'exercice du droit de grève,

AUX MOTIFS QUE l'article L. 521-1 du Code du travail interdit les mesures discriminatoires en matière de rémunération en cas d'exercice du droit de grève ; il est de jurisprudence constante de la Cour de cassation que, si l'employeur peut tenir compte des absences, mêmes motivées par la grève, pour l'attribution d'une prime destinée à récompenser l'assiduité, c'est à la condition que toutes les absences, autorisées ou non, entraînent les mêmes conséquences ; dans le cas d'espèce, l'accord d'entreprise en vigueur prévoit que les jours RTT, les congés payés et les congés de formation économique, sociale et syndicale ne sont pas assimilés à des absences et, de ce fait, ouvrent droit au paiement de la prime d'assiduité ; toutes les autres absences, sauf donc ces trois motifs, provoquent selon l'accord la suppression de la prime d'assiduité, ce qui ne répond pas à la condition exprimée par la Cour de cassation ; le fait que les trois absences mentionnées par l'accord soient assimilées à du travail effectif n'apporte pas d'élément de fond venant modifier ce constat ; il en résulte que la suppression de la prime d'assiduité du fait de la participation à la grève constitue une mesure discriminatoire.

ALORS D'UNE PART QUE si l'employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour l'attribution d'une prime destinée à récompenser une assiduité profitable à l'entreprise, c'est à la condition que toutes les absences autorisées ou non, entraînent les mêmes conséquences ; qu'il en est autrement de périodes légalement assimilées à du temps de travail effectif, qui ne peuvent être assimilées à des absences ; qu'en décidant que l'accord du 2 février 2007, qui maintenait le bénéfice de la prime d'assiduité aux cas de jours RTT, congés payés et congés de formation économique et syndicale, comportait une mesure discriminatoire à raison de l'exercice du droit de grève sans rechercher si les absences autorisant le bénéfice de la prime d'assiduité étaient légalement assimilées à du travail effectif, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 521-1 du code du travail ;

ALORS D'AUTRE PART QUE dans ses écritures, la société SICO CHERRE faisait précisément valoir que pour l'appréciation de la légalité d'une prime d'assiduité par rapport à l'article L. 521-1 du code du travail le conseil de prud'hommes devait rechercher si l'une des absences, dérogatoire au principe de la suppression de la prime, était ou non assimilée à un travail effectif ; qu'en omettant de répondre à ce moyen déterminant le conseil de prud'hommes a privé son jugement de motifs et violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

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