Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 19 mai 2009, 08-86.485, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


- L'AGENT JUDICIAIRE DU TRÉSOR,
partie intervenante,


contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 3 septembre 2008, qui, dans la procédure suivie contre Céline X... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 31 de la loi du 5 juillet 1985, 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, 1382 du code civil et 593 du code de procédure pénale .

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté la demande de l'agent judiciaire du Trésor tendant au remboursement par le tiers responsable de la pension militaire d'invalidité concédée à Jean-Yves Y..., militaire de la gendarmerie, sur le poste déficit fonctionnel permanent, limitant ainsi le recours subrogatoire de l'Etat à la somme de 15 034,96 euros ;

"aux motifs que l'agent judiciaire du Trésor public prétend que la pension militaire d'invalidité dont bénéficie Jean-Yves Y... correspond à l'indemnisation d'un préjudice personnel, identique au déficit fonctionnel permanent indemnisé par le premier juge par la somme de 4 500 euros ; qu'il demande ainsi à être admis à exercer son recours sur ce poste ; qu'il avance en effet pouvoir prétendre à l'application de l'alinéa 5 de l'article 376-1 du code de la sécurité sociale ; que le déficit fonctionnel permanent se caractérise par des atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, par la douleur permanente qu'elle ressent, la perte de sa qualité de vie et les troubles dans les conditions de vie qu'elle rencontre au quotidien après sa consolidation ; que l'agent judiciaire du Trésor public n'établit d'aucune manière que la pension versée à Jean-Yves Y... a pour objet d'indemniser les troubles qualifiant le déficit fonctionnel permanent ; qu'il se borne à exposer que la pension ne saurait être considérée comme indemnisant un préjudice patrimonial puisqu'elle est cumulable avec le traitement du militaire ; que, par ailleurs, il n'établit pas non plus que ladite pension a été effectivement et préalablement versée à la victime ;

"alors que l'agent judiciaire rappelait, en droit, que la pension militaire d'invalidité réparait de manière forfaitaire l'incapacité permanente partielle compatible avec l'emploi occupé, et démontrait en fait, en produisant l'ensemble des éléments nécessaires, que Jean-Yves Y... avait bénéficié à compter du 22 novembre 2004 d'une pension d'invalidité au taux de 25% dont 15% rémunérant les séquelles de l'accident retenues par l'expert, soit une somme de 1 853,69 euros au titre des arrérages échus qui indemnisait le déficit fonctionnel permanent jusqu'au 31 décembre 2007, cependant qu'à compter du 22 novembre 2007 la pension lui avait été concédée à titre définitif de sorte que le versement d'arrérages à échoir à vie était certain et justifiait la demande de remboursement du capital représentatif en application de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ; que la cour d'appel ne pouvait, alors, estimer que l'agent judiciaire n'établissait pas que la pension avait pour objet d'indemniser le déficit fonctionnel permanent ni que la pension, qui avait fait l'objet du versement d'arrérages échus puis d'une concession définitive, avait effectivement et préalablement été versée à la victime pour écarter son recours subrogatoire et allouer à Jean-Yves Y... le montant du préjudice déficit fonctionnel permanent, le faisant ainsi bénéficier d'une double réparation de ce chef de préjudice" ;

Vu l'article 1382 du code civil, ensemble les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006, L. 2 et L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu que, statuant sur les conséquences dommageables d'un accident de la circulation, dont Céline X..., reconnue coupable de blessures involontaires sur la personne de Jean-Yves Y..., militaire de la Gendarmerie nationale, a été déclarée tenue à réparation intégrale, l'arrêt, pour débouter l'agent judiciaire du Trésor de sa demande, tendant à obtenir l'imputation sur le poste déficit fonctionnel permanent du montant de la rente versée à la victime au titre de la pension militaire d'invalidité, énonce que le demandeur prétend que cette prestation correspond à l'indemnisation d'un préjudice personnel identique au déficit fonctionnel permanent, alors qu'il n'établit ni que cette pension a pour objet d'indemniser les troubles correspondant à ce poste, se bornant à exposer qu'elle ne saurait être considérée comme indemnisant un préjudice patrimonial puisqu'elle est cumulable avec le traitement militaire, ni que son montant a été effectivement et préalablement versé ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans la mesure où son montant excède celui des pertes de revenus et l'incidence professionnelle, la pension militaire d'invalidité servie en application des articles L. 2 et L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, répare nécessairement, en tout ou en partie, l'atteinte objective à l'intégrité physique de la victime que représente le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Qu'en application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la cassation aura effet tant entre l'agent judiciaire du Trésor, demandeur au pourvoi, et la victime, qu'entre l'assuré et cette victime ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Riom, en date du 3 septembre 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT que la cassation produira effet dans les rapports tant entre l'agent judiciaire du Trésor, demandeur au pourvoi, et la victime, qu'entre l'assuré et cette victime ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Céline X... et de la société Le Gan, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Riom et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, M. Delbano conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Le Corroller, Mmes Radenne, conseillers de la chambre, Mme Agostini, M. Chaumont, Mme Harel-Dutirou conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Boccon-Gibod ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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