Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 mai 2009, 07-42.227, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 07-42.227
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 5 octobre 1999, en qualité de consultante senior en gestion de patrimoine, selon un contrat de travail à durée indéterminée par la société JP Morgan Fleming investissement aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Patrimoine management et associés ; que, le 5 décembre 2003, l'employeur a adressé à ses salariés une proposition de modification du contrat de travail dans le cadre de l'article L. 321-1-2 du code du travail alors applicable ; que Mme X... a refusé cette modification le 16 décembre 2003 et a été licenciée pour motif économique le 23 janvier 2004 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes au titre d'une rémunération au moins égale au SMIC, de remboursement de frais professionnels, et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors selon le moyen, que repose sur une cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié fondé sur un motif économique lorsque son reclassement dans l'entreprise s'est avéré impossible en l'absence de tout poste disponible compatible avec son refus de se voir appliquer le nouveau statut social mis en place dans l'entreprise par la réorganisation ; que pour démontrer l'impossibilité de reclasser Mme X..., il faisait valoir que la salariée avait refusé le nouveau contrat de travail mis en place dans le cadre de la réorganisation, et sur la base duquel tous les collaborateurs avaient par la suite été engagés, de sorte qu'il n'existait aucun poste disponible compatible avec son refus ; qu'en affirmant qu'il ne démontrait pas l'impossibilité de reclasser la salariée, sans rechercher comme elle y était invitée si les postes à pourvoir dans l'entreprise n'étaient pas tous soumis au nouveau statut social du personnel que la salariée avait refusé de se voir appliquer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du code du travail ;
Mais attendu que la proposition d'une modification du contrat de travail que le salarié peut toujours refuser, ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a retenu que l'employeur ne justifiait d'aucune proposition précise et individuelle de reclassement en son sein ou au niveau du groupe, en a exactement déduit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi incident de la salariée :
Vu l'article L. 3232-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en rappel de salaire, la cour d'appel a retenu que le contrat de travail prévoyait une rémunération à la commission, l'activité de la salariée n'étant soumise à aucun horaire contrôlable, et que les agendas produits ne constituaient pas des rapports d'activité permettant un contrôle et la détermination de la durée du travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, sauf les cas où la loi en dispose autrement, un salarié a droit à une rémunération au moins égale au SMIC, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen du pourvoi incident de la salariée :
Vu les articles L. 3211-1 du code du travail et 1135 du code civil ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en remboursement de frais professionnels, la cour d'appel a retenu que le contrat de travail prévoyait une rémunération brute sous forme de commissions couvrant l'ensemble des frais, avances et débours que le collaborateur serait amené à exposer ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes en rappel de salaire et en remboursement de frais professionnels, l'arrêt rendu le 12 décembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Patrimoine management et associés aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Patrimoine management et associés.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que le licenciement pour motif économique de Madame X... était dépourvu de cause réelle e sérieuse et d'avoir en conséquence condamné la société PATRIMOINE MANAGEMENT et ASSOCIES à lui verser la somme de 6000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que 1500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE « constitue un licenciement économique celui qui est effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une modification refusée par ce dernier d'un élément essentiel du contrat de travail consécutive à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, à la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; dans sa lettre de licenciement, la société invoque une baisse en 2002 de son revenu, de sa marge opérationnelle et de son chiffre d'affaires, le contexte économique difficile dans le secteur de l'investissement financier confronté à une compétitivité accrue, les causes de la dégradation de ses résultats, la nécessité afin de sauvegarder sa compétitivité, d'atteindre la taille critique lui permettant de lutter efficacement contre la concurrence impliquant une fidélisation du personnel et d'attirer de nouveaux collaborateurs, et, à cet effet, d'une refonte des conditions d'emploi pour les rendre plus conformes aux pratiques du marché et plus attrayantes ; elle justifie de sa situation par la production des comptes annuels et de la note présentée au comité d'entreprise dans le cadre de sa consultation au titre IV du code du travail et par conséquent du motif économique de la modification du contrat proposée et refusée par Madame X... ; la proposition faite à un salarié d'une modification de son contrat de travail ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement, laquelle ne peut se satisfaire d'un résumé des mesures d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi présenté au comité d'entreprise ; la société ne justifie d'aucune proposition précise et individuelle de reclassement en son sein ou au niveau du groupe ; faute de démontrer l'impossibilité d'un tel reclassement, le licenciement de la salariée doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse ; il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et d'allouer à la salariée, compte tenu de son ancienneté et du montant de ses six derniers salaires mensuels, une somme de 6000 euros »
ALORS QUE repose sur une cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié fondé sur un motif économique lorsque son reclassement dans l'entreprise s'est avéré impossible en l'absence de tout poste disponible compatible avec son refus de se voir appliquer le nouveau statut social mis en place dans l'entreprise par la réorganisation ; que pour démontrer l'impossibilité de reclasser Madame X..., la société PATRIMOINE MANAGEMENT et ASSOCIES faisait valoir que la salariée avait refusé le nouveau contrat de travail mis en place dans le cadre de la réorganisation, et sur la base duquel tous les collaborateurs avaient par la suite été engagés, de sorte qu'il n'existait aucun poste disponible compatible avec son refus ; qu'en affirmant que la société PATRIMOINE MANAGEMENT et ASSOCIES ne démontrait pas l'impossibilité de reclasser la salariée, sans rechercher comme elle y était invitée si les postes à pourvoir dans l'entreprise n'étaient pas tous soumis au nouveau statut social du personnel que la salariée avait refusé de se voir appliquer, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 321-1 du code du travail. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la salariée de ses demandes tendant à obtenir un rappel de salaires sur la base du SMIC ainsi que le paiement de diverses indemnités calculées sur la base d'un salaire conforme au SMIC ;
AU MOTIF QUE : « Sur la demande en rappel de salaire depuis 1999
Que Madame Anne-Elisabeth X... ne justifie aucunement de manoeuvres dolosives de la part de l'employeur ayant vicié son consentement lors de la signature du contrat de travail du 5 octobre 1999 ;
Que ce contrat prévoit en son article 3 une rémunération de la salariée à la commission et en son annexe 1 que, compte tenu de la nature de ses fonctions et de l'autonomie dont elle dispose, son activité n'est soumise à aucun horaire contrôlable ;
Que c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le Conseil de prud'hommes a considéré que les agendas produits, mêlant activités privées et professionnelles ne constituaient pas des rapports d'activités visés par l'employeur permettant un contrôle et la détermination de la durée du travail et a estimé en raison des particularités d'exercice par Madame X... de sa profession qu'elle ne pouvait prétendre à l'application du SMIC lequel est dû par heure de travail effectif et non d'après la durée légale hebdomadaire (
) ;
Qu'il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise qui a débouté Madame X... de sa demande en rappel de salaire et de toutes celles en découlant ;
ALORS QUE sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, quels que soient le mode de rémunération pratiqué et les stipulations du contrat de travail et quand bien même le salarié ne serait pas soumis à un horaire contrôlable, ce dernier a droit à une rémunération au moins égale au salaire minimum de croissance ; que pour décider en l'espèce que Madame X... ne pouvait prétendre à un rappel de salaires sur la base du SMIC la Cour d'appel a énoncé que les agendas produits, mêlant activités privées et professionnelles ne constituaient pas des rapports d'activité visés par l'employeur permettant un contrôle et la détermination de la durée du travail et qu'en raison des particularités d'exercice par la salariée de sa profession cette dernière ne pouvait prétendre à l'application du SMIC lequel serait dû par heure de travail effectif et non d'après la durée légale hebdomadaire ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à justifier sa décision dès lors que la profession de consultant n'est pas exclue par la loi du domaine du SMIC et que la jurisprudence ne fait pas du caractère contrôlable de l'activité du salarié une condition d'application du SMIC, la réalité d'une activité professionnelle découlant des agendas litigieux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 141-1 du Code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la salariée de ses demandes tendant à obtenir le remboursement de ses frais professionnels ;
AU MOTIF QUE : « Sur les frais professionnels
Que les modalités de remboursement des frais professionnels sont définies dans l'annexe 2 article 1. 1 du contrat de travail signé par Madame X... qui prévoit que la « rémunération brute, calculée suivant le barème des commissions ci-joint, couvre l'ensemble des frais, avances et débours que le collaborateur serait amené à exposer dans l'exercice de ses fonctions et est donc exclusive de toute autre indemnité » et correspondent à l'activité exercée ;
Que le barème des commissions étant contractuellement fixé de telle sorte qu'il couvre les frais professionnels c'est à juste titre que le Conseil de prud'hommes a écarté la demande formée à ce titre ;
ALORS QUE les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC ; qu'en l'espèce, Madame X... ne bénéficiait pas d'une rémunération de son travail au moins égale au SMIC de telle sorte que, bien que son contrat de travail ait prévu que ses commissions couvriraient ses frais professionnels, l'une des deux conditions cumulatives précitées n'étant pas remplie, la salariée ne pouvait être déboutée de sa demande ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel de PARIS a violé les articles 141-1 du Code du travail et l'article 1135 du Code civil.