Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 7 avril 2009, 08-16.884, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 6 mai 2008) et les productions, que le 8 juin 2005, la société HS investissement, alors dénommée Investimmo région, a conclu une promesse de vente d'un terrain situé à Deauville au profit des sociétés SNC Boieldieu (la SNC) et Life Developpement ; que le 10 août 2005, la ville de Deauville a notifié sa décision d'exercer son droit de préemption ; que le 28 juin 2006, la SNC Boieldieu a fait signifier à la ville de Deauville un acte intitulé "délégation de paiement", consenti à son bénéfice le 20 septembre 2005 par la société Investimmo portant sur le prix de vente du terrain ; que le 3 juillet 2006, la société HS investissement a été mise en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Meaux qui a provisoirement fixé la date de cessation des paiements au 24 avril 2006 ; que par ordonnance du 22 février 2007, le juge-commissaire a autorisé l'administrateur judiciaire à signer l'acte de vente du terrain au profit de la ville de Deauville au prix initialement prévu ; que la vente a été réalisée le 24 avril 2007 devant M. X..., notaire, entre les mains duquel la ville de Deauville s'est acquittée du prix ; que la société HS investissement a été mise en liquidation judiciaire le 23 avril 2007, la SCP Angel-Hazane étant désignée liquidateur ; que le 18 juillet 2007, la SNC et la société Life Developpement ont assigné la ville de Deauville et M. X... devant le tribunal de grande instance de Lisieux pour voir juger qu'en application de la "cession de créance" du 20 septembre 2005, la ville de Deauville était débitrice de la SNC pour une somme de 322 920 euros représentant le prix de vente du terrain ; que le liquidateur judiciaire est intervenu volontairement devant ce tribunal et en a soulevé l'incompétence au profit du tribunal de commerce de Meaux qu'il avait saisi par assignation du 3 septembre 2007 d'une demande de nullité de la "cession de créance" consentie, selon lui, en période suspecte ; que par jugement du 19 novembre 2007, le tribunal de commerce de Meaux a reporté la date de cessation des paiements de la société HS investissement au 24 octobre 2004 ; que par jugement du 13 décembre 2007, le tribunal de grande instance de Lisieux s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Meaux ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir réformé le jugement, dit que le tribunal de grande instance de Lisieux était compétent pour connaître de l'affaire et de lui avoir renvoyé le dossier, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il faisait valoir que le tribunal de grande instance s'était déclaré à bon droit incompétent dès lors que la SNC fondait sa demande sur un acte dont il était fait valoir qu'il était nul compte tenu des règles qui s'appliquait au cours de la période suspecte, si bien que le litige était soumis à l'influence juridique de la procédure collective et relevait donc, rationae materiae, de la compétence du juge de la procédure collective ; qu'en écartant ce moyen pris de l'incompétence matérielle du tribunal de grande instance par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé l'article 33 du code de procédure civile ensemble l'article R. 662-3 du code de commerce ;

2°/ que le litige était soumis à l'influence juridique de la procédure collective dès lors que la SNC fondait sa demande sur un acte dont il était fait valoir qu'il était nul compte tenu des règles qui s'appliquent au cours de la période suspecte ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 33 du code de procédure civile ensemble l'article R. 662-3 du code de commerce ;

Mais attendu que lorsque deux litiges connexes sont pendants, l'un devant le tribunal de grande instance, juridiction de droit commun compétente pour en connaître en application de l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire, et l'autre devant le tribunal de commerce, juridiction d'exception dotée, s'agissant d'une action en nullité d'un acte conclu en période suspecte, née de la procédure collective et soumise à son influence juridique, d'une compétence exclusive d'ordre public, par application de l'article R. 662-3 du code de commerce, chacune des deux juridictions saisies doit conserver la connaissance de l'affaire qui lui est soumise ; qu'ayant retenu, d'un côté, que, si l'acte litigieux devait être qualifié de cession de créance, la discussion sur sa validité conditionnerait le destinataire du paiement, mais que, dans cette hypothèse, des solutions procédurales pouvaient être trouvées devant le tribunal de grande instance pour éviter une contradiction de décisions, et de l'autre, que la qualification de délégation de paiement soutenue par la ville de Deauville qui contestait l'avoir acceptée, permettait d'envisager des développements autonomes, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs du moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCP Angel-Hazane, ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille neuf.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour la SCP Angel-Hazane, ès qualités.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que le Tribunal de grande instance de Lisieux était compétent pour connaître de l'affaire présentée devant lui et d'avoir renvoyé le dossier devant ce Tribunal ;

AUX MOTIFS QUE le Tribunal de Lisieux a été saisi aux fins de « Dire qu'en application de la cession de créance en date du 20 septembre 2005, la Mairie de DEAUVILLE est débitrice de la société SNC BOIELDIEU 76 pour un montant de 322.920 s'agissant du prix de vente du terrain sis à DEAUVILLE (14800 CALVADOS) 14 et 16 rue de Verdun, cadastré section AK n° 379, entre les mains de la société SNC BOIELDIEU 76 ; avant dire droit, ordonner le séquestre des fonds versés à Maître X... par la Mairie de DEAUVILLE dans le cadre de cette préemption » ; que Maître X... conteste cette qualification d'acte s'agissant selon lui de délégation ; que la validité de cette cession de créance, si cette qualification était retenue, conditionne en effet le destinataire du paiement ; mais que, dans cette hypothèse, d'autres solutions peuvent être retenues pour éviter une contradiction de décisions ; mais que personne n'explique pourquoi la Ville de « Lisieux » - Deauville - serait obligée d'aller plaider devant le Tribunal de commerce de Meaux ; qu'il n'est pas prétendu qu'elle ait eu un rôle dans cet acte ; que la compatibilité des décisions ne nécessite pas d'imposer cela à la Ville de Deauville et que le Tribunal n'explique pas en quoi ce serait la seule solution, sans expliquer non plus pourquoi la ville de Deauville devrait participer à une discussion sur la validité de la cession de créance ; que par ailleurs le document reçu par la Ville de Deauville et versé au dossier est intitulé délégation de paiement et que cette qualification permet d'envisager des développements autonomes, d'autant que la ville de Deauville conteste avoir accepté la délégation ; que le blocage des fonds n'est pas contesté et que la Ville de Deauville ne fait pas état d'une urgence particulière ; que le cours normal de la procédure doit reprendre, sans évocation ; qu'il appartiendra au tribunal d'examiner l'affaire au fond ;

1°) ALORS QUE la SCP ANGEL HAZANE, ès qualités, faisait valoir que le Tribunal de grande instance s'était déclaré à bon droit incompétent dès lors que la société SNC BOIELDIEU 76 fondait sa demande sur un acte dont il était fait valoir qu'il était nul compte tenu des règles qui s'appliquent au cours de la période suspecte, si bien que le litige était soumis à l'influence juridique de la procédure collective et relevait donc, rationae materiae, de la compétence du juge de la procédure collective ; qu'en écartant ce moyen pris de l'incompétence rationae materiae du Tribunal de grande instance, par de tels motifs, proprement inopérants, la Cour a violé l'article 33 du Code de procédure civile ensemble l'article R 662-3 du Code de commerce ;

2°) ALORS QUE le litige était soumis à l'influence juridique de la procédure collective, dès lors que la société SNC BOIELDIEU 76 fondait sa demande sur un acte dont il était fait valoir qu'il était nul compte tenu des règles qui s'appliquent au cours de la période suspecte ; qu'en statuant ainsi, la Cour a violé l'article 33 du Code de procédure civile ensemble l'article R 662-3 du Code de commerce.

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