Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 2 avril 2009, 08-11.231, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 08-11.231
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Bargue (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche:
Vu l'article L. 136-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 28 janvier 2005 applicable en la cause ;
Attendu que la société SLG Canal CE a conclu avec le comité d'entreprise de la société Dimension Data un contrat de fourniture de service portant sur un ensemble de prestations accessibles par internet, pour une durée de deux ans avec possibilité de reconduction tacite ; qu'à la suite d'une contestation sur la reconduction du contrat, le comité d'entreprise s'est prévalu des dispositions de l'article L. 136-1 du code de la consommation selon lequel le consommateur peut mettre fin à tout moment au contrat à compter de la date de reconduction en cas de non-respect de l'information incombant au professionnel ;
Attendu que pour débouter la société SLG Canal CE de sa demande en paiement, le juge de proximité retient que le comité d'entreprise de la société Dimension Data qui n'est pas un professionnel bénéficiait de fait de la qualité de consommateur de sorte que les dispositions de l'article L. 136-1 du code de la consommation lui étaient applicables ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le texte susvisé, qui s'applique exclusivement au consommateur, ne concerne que les personnes physiques, le juge a violé le texte susvisé par fausse application ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 15 mai 2007, entre les parties, par la juridiction de proximité de Longjumeau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité d'Evry ;
Condamne le Comité d'entreprise de la société Dimension Data France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du Comité d'entreprise de la société Dimension Data France, le condamne à payer à la société SLG Canal CE la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils pour la société SLG Canal CE ;
MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR infirmé l'ordonnance d'injonction de payer du 16 octobre 2006, D'AVOIR débouté la société SLG Canal CE de sa demande en paiement à l'encontre du comité d'entreprise de la société Dimension Data France et D'AVOIR constaté que le contrat du 27 octobre 2003 avait été valablement résilié par le comité d'entreprise de la société Dimension Data France ;
AUX MOTIFS QU'il sera liminairement rappelé que le comité d'entreprise a, par essence, un rôle important dans le domaine économique et professionnel et qu'il doit être informé et consulté préalablement à un grand nombre de décisions de l'employeur, ce dans différentes matières, notamment s'agissant de l'organisation et de la marche générale de l'entreprise ; que dans le domaine social et culturel, il gère certaines activités proposées aux salariés de l'entreprise et à leur famille ; qu'en l'espèce, le comité d'entreprise de la société Dimension Data France a agi dans ce dernier cas de figure, en régularisant avec la société SLG Canal CE un contrat portant sur différentes prestations, notamment une assistance juridique, des séances de formation et le service billetterie ; qu'il est constant que l'article L. 136-1 du code de la consommation ne précise pas la notion de consommateur et qu'à la suite d'un arrêt du 22 novembre 2001, la Cour de justice des Communautés européennes a précisé que le consommateur était nécessairement une personne physique ; que toutefois, cette interprétation, s'agissant de personnes morales n'exerçant pas un but lucratif, notamment les comités d'entreprise, les associations et les syndicats de copropriété, est plus délicate à être mise en oeuvre ; qu'il a en effet été jugé par la cour d'appel de Paris le 21 novembre 1996, s'agissant de l'application de la législation sur les clauses abusives, qu'un comité d'entreprise ayant la qualité de mandataire de l'ensemble de ses membres était en fait un mandataire représentant un ensemble de consommateurs ; que dans le même ordre d'idées, le comité d'entreprise, institution représentative du personnel comme il a été rappelé, n'exerce pas à titre habituel des activités commerciales ou lucratives à proprement parler ; que la conclusion de contrats ou de fourniture de services internet n'entre pas directement dans le cadre de son activité courante ; qu'ainsi la cour d'appel de Lyon, dans un arrêt du 23 juin 2005, admet que pour la souscription d'un contrat de fournitures et l'application de la loi sur les clauses abusives, que le comité d'entreprise n'est pas un professionnel pour le type de contrat signé en l'espèce, distribution de boissons chaudes et qu'il se trouvait « dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur » ; qu'en l'espèce, le comité d'entreprise n'est qu'un intermédiaire entre des consommateurs et un professionnel ; qu'il bénéficie de fait de la qualité de consommateur puisqu'il ne saurait être considéré en l'état comme un professionnel de la conclusion et de l'application du type de contrat qu'il a régularisé ; qu'il sera fait application à la société SLG Canal CE des dispositions de l'article L.136-1 du code de la consommation entrées en vigueur le 2 août 2005 aux termes desquelles, il aurait dû, ne serait-ce que de manière prudentielle, rappeler au comité d'entreprise la reconduction prochaine de son abonnement et la possibilité de dénonciation qui lui était offerte à cette fin ;
ALORS, en premier lieu, QUE seules les personnes physiques peuvent être considérées comme des consommateurs au sens des dispositions du code de la consommation, les personnes morales ne bénéficiant de l'application de ces règles protectrices que lorsque le texte en cause vise, à côté du « consommateur », le « non-professionnel » ; qu'en faisant application des dispositions de l'article L. 136-1 du code de la consommation à un comité d'entreprise, personne morale, le juge de proximité a violé ce texte, qui ne se réfère qu'à la seule notion de consommateur ;
ALORS, en deuxième lieu, QU'en tout état de cause, les personnes morales, même celles poursuivant un but non lucratif, sont exclues du champ d'application des dispositions du code de la consommation lorsqu'elles ont agi pour les besoins de leur activité professionnelle ; qu'en faisant application de l'article L. 136-1 du code de la consommation, tandis qu'il constatait que, dans le domaine social et culturel, un comité d'entreprise est chargé de gérer certaines activités et de les proposer aux salariés et aux membres de leur famille et que le contrat d'abonnement souscrit auprès de la société SLG Canal CE l'avait été par le comité d'entreprise pour les besoins de cette activité, le juge de proximité, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a de nouveau violé ce texte ;
ALORS, en troisième lieu, QUE les contrats conclus par une personne morale, même poursuivant un but non lucratif, sont exclus du champ d'application des règles protectrices du code de la consommation dès lors qu'ils ont été conclus pour les besoins de son activité professionnelle, quand bien même le contrat ne rentrerait pas dans le champ de sa compétence ; qu'en relevant, pour faire application de l'article L. 136-1 du code de la consommation, que la souscription d'un abonnement internet n'entrait pas directement dans le cadre de l'activité courante d'un comité d'entreprise et qu'il n'était pas un professionnel de la conclusion et de l'application de ce type de contrat, le juge de proximité, qui s'est fondé sur des motifs inopérants, a violé ce même texte ;
ALORS, en quatrième lieu, QU'il en est ainsi quand bien même le comité d'entreprise serait seulement un intermédiaire entre les consommateurs et les professionnels, dès lors que le contrat a été souscrit dans le cadre de cette activité d'intermédiaire ; que partant, le juge de proximité ne pouvait pas davantage se fonder sur cette circonstance inopérante, sans violer l'article L. 136-1 du code de la consommation.