Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 mars 2009, 07-44.092, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 07-44.092
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- Mme Collomp
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 20 janvier 2004, en qualité de chef d'équipe, par la société entreprise dijonnaise de Bourgogne ; que par courrier du 5 mai 2004, le salarié s'est plaint auprès de son employeur de divers "faits illégaux" tenant notamment au défaut de respect d'une promesse de promotion, au paiement des heures supplémentaires sous forme de primes exceptionnelles, à la variation du taux horaire, à la présentation d'accidents de travail comme des situations de maladies et à des agissements de harcèlement moral imputés à un supérieur hiérarchique ; qu'à la suite de ce courrier, il a été licencié pour faute grave par lettre du 3 juin 2004 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en contestation de son licenciement et en paiement d'indemnités, de rappels de salaires et d'heures supplémentaires ;
Sur le moyen relevé d'office après l'avertissement prévu à l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que selon le second, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ;
Attendu que pour décider que le licenciement de M. X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive, l'arrêt retient que le fait pour un salarié d'imputer à son employeur, après en avoir averti l'inspection du travail, des irrégularités graves dont la réalité n'est pas établie, et de reprocher des faits de harcèlement à un supérieur hiérarchique sans les prouver, caractérise un abus dans l'exercice de la liberté d'expression et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le grief tiré de la relation des agissements de harcèlement moral par le salarié, dont la mauvaise foi n'était pas alléguée, emportait à lui seul la nullité de plein droit du licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article L. 3171-4, du code du travail ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt retient que les seules mentions du nombre d'heures travaillées chaque jour sur l'agenda que celui-ci verse aux débats sont insuffisantes pour établir que toutes les heures supplémentaires effectuées n'auraient pas été payées en tant que telles, en l'absence de toute précision sur les circonstances dans lesquelles ces heures auraient été effectuées ainsi que sur leur nombre et qu'aucun élément du dossier ne permet de considérer que les heures supplémentaires, non payées en tant que telles, avaient été effectuées par M. X... ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la prétention du salarié était étayée par divers éléments et que l'employeur ne fournissait aucun élément contraire, la cour d'appel qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 septembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la société Entreprise dijonnaise Bourgogne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Entreprise dijonnaise Bourgogne à payer à la SCP Defrenois et Levis la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que le licenciement de M. X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté en conséquence de sa demande d'indemnité pour rupture abusive ;
AUX MOTIFS QU'il n'est pas établi par des documents probants, que les salariés auraient travaillé durant les périodes de congés payés et auraient reçu une rémunération sous forme de prime, ni que les accidents du travail étaient enregistrés en maladie, alors que les documents produits, notamment sur ce dernier point, établissent le contraire, la caisse d'assurance maladie ayant seulement pris l'initiative, lors de « l'accident » de septembre 2003, d'effectuer une enquête afin de déterminer s'il s'agissait ou non d'un accident du travail, dès lors que la société employeur contestait que ce caractère ait pu être attribué à l'accident déclaré sans que cette contestation puisse lui être reprochée à faute ; qu'aucune preuve n'est rapportée que M. X... ait été victime de discrimination quant aux primes et aux revalorisations de son salaire dont il n'aurait pas bénéficié et quant au crédit qu'il n'aurait pas obtenu ; que les brimades, dénigrement et insultes dont M. Y..., son chef de chantier se serait rendu l'auteur vis-à-vis de M. X... ne sont pas établis, les attestations que celui-ci verse aux débats, faisant état, au surplus, de l'alcoolisme de celui-ci, étant contredites par celles versées par l'employeur ; qu'il en résulte que le courrier de critique adressé le 3 mai 2004 par M. X... à son employeur ne repose sur aucun fait prouvé ; qu'en toute hypothèse le fait pour un salarié d'imputer à son employeur, après en avoir averti l'inspection du travail, des irrégularités graves dont la réalité n'est pas établie, et de reprocher des faits de harcèlement à un supérieur hiérarchique sans les prouver, caractérise un abus dans l'exercice de la liberté et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les propos contenus dans le courrier envoyé, le 3 mai 2004, par M. X... à la société Entreprise dijonnaise bourgogne, l'accusant de faits illégaux répétés et de harcèlement moral non démontrés par les éléments versés à la procédure, justifient un licenciement pour cause réelle et sérieuse ;
ALORS QUE l'envoi à l'employeur d'un courrier dénonçant de prétendues irrégularités et des faits qualifiés de harcèlement ne caractérise pas un abus de la liberté d'expression en l'absence de tout propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ; qu'en se bornant à constater, pour caractériser l'abus de la liberté d'expression, que la réalité des irrégularités invoquées par le salarié n'était pas établie et que les faits de harcèlement n'étaient pas prouvés, sans rechercher si le courrier litigieux contenait des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, et a fortiori sans caractériser de tels propos, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 120-2, L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE la société Entreprise dijonnaise bourgogne conteste que les heures supplémentaires aient été rémunérées sous forme de primes exceptionnelles ; que les attestations versées aux débats par le salarié sur ce point sont contredites par celles produites par l'employeur, ce qui les prive de tout caractère probant ; que sur les bulletins de paie de M. X... figurent des heures supplémentaires ; qu'il n'est pas établi que le nombre de celles effectuées par M. X... ait dépassé le nombre mentionné et rémunéré ; que les seules mentions du nombre d'heures travaillées chaque jour figurant sur l'agenda que celui-ci verse aux débats sont insuffisantes à établir que toutes les heures supplémentaires effectuées n'auraient pas été payées en tant que telles, en l'absence de toute précision sur les circonstances précises dans lesquelles ces heures auraient été effectuées ainsi que sur leur nombre ; qu'aucun élément du dossier ne permet de considérer que des heures supplémentaires, non payées en tant que telles, ont été effectuées par M. X... ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les heures supplémentaires notées sur l'agenda communiqué, revendiquées par M. X..., ne peuvent être retenues en l'absence des fiches de chantier correspondantes ;
ALORS QUE la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que le juge ne peut, pour rejeter la demande d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié, mais qu'il doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires réalisés par celui-ci et que l'employeur est tenu de lui fournir ; qu'en se déterminant au vu des seuls éléments fournis par le salarié, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article L. 212-1-1 du code du travail.