Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 février 2009, 08-41.195, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 16 août 2007), que Mme X..., engagée le 19 novembre 2001 par la société Clos d'Aguzon en qualité de manutentionnaire, élue déléguée du personnel, a été licenciée après autorisation de l'inspecteur du travail le 3 mars 2005 dans
le cadre d'un licenciement collectif pour motif économique ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce que la convention collective nationale des industries chimiques soit déclarée applicable à ses relations contractuelles avec la société Clos d'Aguzon et de ses demandes de rappels de primes d'ancienneté, de garanties de salaire, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de rappels de jours fériés, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour manquement de l'employeur à son obligation conventionnelle de reclassement pour défaut de recours à la chambre syndicale patronale régionale, et en réparation du préjudice subi du fait des pertes de rémunération en méconnaissance de la convention collective, et de remise de bulletins de salaire et d'attestation pour l'ASSEDIC rectifiés, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 1 de la convention collective nationale des industries chimiques inclut dans son champ d'application, d'une part, la fabrication de savons, détergents et produits d'entretien (code NAF 24.5 A), d'autre part, la fabrication de parfums et de produits pour la toilette (code NAF 24.5. C), et enfin, le commerce de gros de parfumerie et de produits de beauté (code NAF 51.4.L) ; qu'en se bornant à relever que l'activité "cadeaux et senteurs", activité principale de l'entreprise, n'entrait pas dans le champ d'application de la convention collective nationale des industries chimiques, s'agissant d'une activité de conditionnement, d'assemblage et de décoration, sans rechercher si cette activité ne s'articulait pas sur une activité de confection et de commerce de gros de produits qui consistait, selon les conclusions d'appel de la salariée, dans des bougies et des lampes parfumées, des parfums d'ambiance, des savons et des produits de toilette aux senteurs de Provence, avec utilisation des huiles essentielles dans leur fabrication, ce qui caractérisait les activités inclues dans le champ d'application conventionnel sous les codes NAF 24.5.A, 24.5 C et 51.4. L précités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article I de la convention collective nationale des industries chimiques, ensemble l'article L. 132-5-1 du code du travail ;

2°/ qu'elle avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que l'activité cadeaux senteurs de l'entreprise consistait, d'une part, dans le conditionnement des huiles essentielles fabriquées, et, d'autre part, dans l'utilisation de cette fabrication pour la confection d'un certain nombre de produits tels que les bougies et les lampes parfumées, les parfums d'ambiance, les savons et les produits de toilette aux senteurs de Provence ; qu'elle avait fait valoir que cette activité, comme la fabrication des huiles essentielles, entrait dans le champ d'application de la convention collective nationale des industries chimiques en application de son annexe 1, antérieure au décret du 2 novembre 1992, lequel a remplacé les codes APE par les codes NAF, dès lors que cette annexe 1 visait les activités de parfumerie, les activités de fabrication de produits savonniers et de produits détergents, y compris les savons parfumés, ainsi que la fabrication de produits de ménage et d'entretien, ce qui incluait la fabrication de bougies et de chandelles et par conséquent la fabrication de bougies parfumées ; qu'elle avait ajouté, dans ces mêmes écritures, que l'article 1 de la convention collective qui définit aujourd'hui son champ d'application selon les codes NAF y inclut de la même manière les activités de fabrication de parfums, de savons, de bougies et de chandelles ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions d'appel, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le moyen, sous couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de violation de la loi, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond quant à la nature de l'activité principale de l'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement nul, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en application des dispositions combinées des articles L. 321-4-1 et L. 321-4 du code du travail, le plan de sauvegarde de l'emploi que l'employeur doit établir et mettre en oeuvre doit comporter, dès l'origine, des mesures précises et concrètes pour éviter des licenciements et en limiter le nombre, en particulier par des actions de reclassement ; que ce plan doit être accompagné de l'indication des catégories professionnelles concernées par le projet de licenciement collectif de manière à déterminer si les postes offerts sont de nature à permettre un reclassement efficace ; que le plan de sauvegarde de l'emploi se borne en l'espèce à indiquer que "dans la mesure du possible, des reclassements seront proposés au personnel dont le poste est supprimé sous forme de reclassements en interne", et que ces derniers concerneront des mutations de postes de production entre les différents sites de fabrication, sans aucune précision sur les catégories professionnelles dont pourraient relever ces offres de reclassement ; qu'il en résulte que le plan de sauvegarde de l'emploi ne contient pas de plan de reclassement répondant aux exigences légales ; qu'en écartant la nullité de ce plan, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles L. 321-4-1 et L. 321-4 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'en application des dispositions combinées des articles L. 321-4-1 et L. 321-4 du code du travail, le plan de sauvegarde de l'emploi que l'employeur doit établir et mettre en oeuvre doit comporter, dès l'origine, des mesures précises et concrètes pour éviter des licenciements et en limiter le nombre, en particulier par des actions de reclassement ; que ce plan doit préciser la localisation géographique des emplois proposés à titre de reclassement ; que le plan de sauvegarde de l'emploi se borne en l'espèce à indiquer que "dans la mesure du possible, des reclassements seront proposés au personnel dont le poste est supprimé sous forme de reclassements en interne" et que ces derniers concerneront des mutations de postes de production entre les différents sites de fabrication, sans aucune précision sur la localisation géographique des emplois concernés par ces offres de reclassement ; qu'il en résulte que le plan de sauvegarde de l'emploi ne contient pas de plan de reclassement répondant aux exigences légales ; qu'en écartant la nullité de ce plan, la cour d'appel a de nouveau violé, par refus d'application, les articles L. 321-4-1 et L. 321-4 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;

3°/ qu'en application des dispositions combinées des articles L. 321-4-1 et L. 321-4 du code du travail, si la pertinence d'un plan de sauvegarde de l'emploi s'apprécie en fonction des moyens dont dispose l'entreprise, le plan de sauvegarde de l'emploi que l'employeur doit établir et mettre en oeuvre doit comporter, dès l'origine, des mesures précises et concrètes pour éviter des licenciements et en limiter le nombre, en particulier par des actions de reclassement ; que la salariée avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que le plan de sauvegarde de l'emploi était dépourvu de toute efficience dès lors que, d'une part, si une antenne de reclassement avait été prévue, l'employeur ne justifiait pas que cette cellule ait bénéficié d'un budget suffisant et ne précisait pas davantage le nombre de salariés concernés, alors que cette cellule était "si pauvrement dotée" qu'elle n'avait les moyens, ni de permettre aux salariés de faire un bilan de compétence, ni de financer une formation professionnelle, d'autre part, que ce plan ne contenait aucune mesure à titre de congés de reclassement, de congés de conversion "et de tout budget de formation spécifique pour les salariés ainsi privés d'emploi dans une région déjà largement sinistrée sur le plan industriel", et enfin, qu'aucune mesure n'avait "été prise pour contribuer à la réactivation du bassin d'emploi" ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces conclusions desquelles il résultait que, nonobstant les moyens de l'entreprise, le plan de sauvegarde de l'emploi ne comportait pas de mesures précises et concrètes de nature à éviter des licenciements et en limiter le nombre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-4-1 et L. 321-4 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'il ne résulte pas de l'arrêt ou des pièces de la procédure que la salariée a prétendu devant la cour d'appel que le plan de sauvegarde de l'emploi ne comportait aucune précision sur les catégories professionnelles dont pourraient relever les offres de reclassement, ainsi que sur la localisation géographique des emplois concernés par ces offres ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté que le plan de sauvegarde de l'emploi établi par l'employeur comportait tout un ensemble de mesures précises et concrètes telles qu'actions en vue du reclassement interne par mutations sur des postes de production, avec organisation d'un stage probatoire adapté et maintien du salaire antérieur de 2 à 5 mois, formation possible pour accéder à d'autres postes et priorité d'accès à un congé individuel de formation, en vue d'éviter ou de limiter les licenciements invoqués ou, à défaut, de reclasser les salariés et qu'il répondait ainsi aux exigences légales ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en ses deux premières branches comme nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille neuf.MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... (salariée) de sa demande tendant à ce que la convention collective nationale des industries chimiques soit déclarée applicable à ses relations contractuelles avec la Société CLOS D'AGUZON (employeur), et à ce que, par voie de conséquence, celle-ci soit condamnée, d'une part, à lui verser diverses sommes à titre de rappels de primes d'ancienneté, de garanties de salaire en cas d'arrêt de travail, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de rappels de jours fériés, d'autre part, à lui verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi du fait des pertes de rémunération en méconnaissance de la convention collective, et enfin, à lui délivrer des bulletins de salaire et des feuilles ASSEDIC rectifiés ;

AUX MOTIFS QUE la Société CLOS D'AGUZON dont le siège social est à SAINT-AUBAN dans la DROME a pour objet la fabrication d'huiles essentielles ou aromatiques, ainsi que la décoration et le conditionnement d'articles de décoration pour la maison, activité désignée sous la dénomination cadeaux senteurs ; que la salariée a été licenciée le 3 mars 2005 dans le cadre d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique ; qu'elle prétend que l'activité de parfumerie exercée par la Société CLOS D'AGUZON est soumise à la convention collective des industries chimiques ; que, selon les pièces produites dont les attestations et le rapport de la société d'expertise comptable SYNDEX destiné à l'information du Comité d'entreprise, l'activité réelle de l'entreprise se décomposait en deux activités, la première dénommée matières premières aromatiques et la seconde cadeaux et senteurs ; que seule la première consistant en la fabrication d'huiles essentielles ou aromatiques relevait d'une activité de la convention collective de la chimie ; que la seconde consistait en un conditionnement et en une décoration d'articles de décoration pour la maison de sachets de lavandes d'herbes de Provence, l'assemblage, la décoration, et le conditionnement d'articles tels que bougies, encens et lampes à huile ; qu'elle était l'activité principale tant en nombre de salariés occupés dans l'entreprise qu'en chiffre d'affaires ; qu'en 2002, année qui a servi de référence pour les explications et informations données au Comité d'entreprise, le département cadeaux senteurs s'élevait à 20.726 K euros sur 35.570 K euros ; que cette deuxième activité ne relève pas du champ d'application de la convention collective des industries chimiques ; qu'ainsi ne sont pas fondées les demandes de primes d'ancienneté, de garanties de salaire en cas d'arrêt de travail, de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement, de rappel de jours fériés et les
congés payés afférents, et de réparation consécutive à l'irrégularité du reclassement au motif que les comités professionnels n'ont pas été consultés ;

QU'à l'appui de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations conventionnelles, la salariée soutient que les bulletins de salaire ne précisaient pas la convention collective applicable ni sa qualification et que du fait des manquements de la Société CLOS D'AGUZON, elle s'est trouvée vis-à-vis d'EDF dans une situation financière telle qu'elle n'a plus pu payer ses factures et qu'elle a subi une coupure d'alimentation de la part de l'entreprise distributrice d'électricité ; qu'outre ce qui a été dit sur la garantie de salaire, les manquements allégués ne sont pas établis ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'article 1 de la convention collective nationale des industries chimiques inclut dans son champ d'application, d'une part, la fabrication de savons, détergents et produits d'entretien (code NAF 24.5 A), d'autre part, la fabrication de parfums et de produits pour la toilette (code NAF 24.5. C), et enfin, le commerce de gros de parfumerie et de produits de beauté (code NAF 51.4.L) ; qu'en se bornant à relever que l'activité « cadeaux et senteurs », activité principale de l'entreprise, n'entrait pas dans le champ d'application de la convention collective nationale des industries chimiques, s'agissant d'une activité de conditionnement, d'assemblage et de décoration, sans rechercher si cette activité ne s'articulait pas sur une activité de confection et de commerce de gros de produits qui consistait, selon les conclusions d'appel de la salariée, dans des bougies et des lampes parfumées, des parfums d'ambiance, des savons et des produits de toilette aux senteurs de Provence, avec utilisation des huiles essentielles dans leur fabrication, ce qui caractérisait les activités inclues dans le champ d'application conventionnel sous les codes NAF 24.5.A, 24.5 C et 51.4. L précités, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article I de la Convention collective nationale des industries chimiques, ensemble l'article L 132-5-1 du Code du travail ;

ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'exposante avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que l'activité cadeaux senteurs de l'entreprise consistait, d'une part, dans le conditionnement des huiles essentielles fabriquées, et, d'autre part, dans l'utilisation de cette fabrication pour la confection d'un certain nombre de produits tels que les bougies et les lampes parfumées, les parfums d'ambiance, les savons et les produits de toilette aux senteurs de Provence ; qu'elle avait fait valoir que cette activité, comme la fabrication des huiles essentielles, entrait dans le champ d'application de la convention collective nationale des industries chimiques en application de son annexe 1, antérieure au décret du 2 novembre 1992, lequel a remplacé les codes APE par les codes NAF, dès lors que cette annexe 1 visait les activités de parfumerie, les activités de fabrication de produits savonniers et de produits détergents, y compris les savons parfumés, ainsi que la fabrication de produits de ménage et d'entretien, ce qui incluait la fabrication de bougies et de chandelles et par conséquent la fabrication de bougies parfumées ; que la salariée avait ajouté, dans ces mêmes écritures, que l'article 1 de la convention collective qui définit aujourd'hui son champ d'application selon les codes NAF y inclut de la même manière les activités de fabrication de parfums, de savons, de bougies et de chandelles ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions d'appel, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... (salariée) de sa demande tendant à ce que la Société CLOS D'AGUZON (employeur) soit condamnée à lui verser la somme de 10.000 à titre de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur de ses obligations contractuelles et légales ;

AUX MOTIFS QU'en raison de difficultés économiques, la Société CLOS D'AGUZON a décidé de procéder à une restructuration à l'origine de la suppression de 136 emplois ; qu'elle a recouru à l'adoption d'un plan de sauvegarde de l'emploi et a mis en oeuvre une commission de suivi de ce plan conformément au dernier alinéa de l'article L. 321-4 ; qu'elle a conclu un accord de méthode avec les organisations syndicales ; qu'après consultation du comité d'entreprise, la société a décidé de licencier les salariées le 14 janvier 2005 sauf les salariées protégées dont les contrats ont été rompus le 3 mars suivant ; que Madame X... était embauchée comme manutentionnaire et avait aussi la qualité de déléguée du personnel ; qu'aucun élément ne vient confirmer une entrave de cette salariée protégée ;

ALORS QUE l'exposante avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, qu'en sa qualité de déléguée du personnel CGT, elle s'était heurtée à l'ostracisme de la direction de la Société CLOS D'AGUZON qui s'était refusée à lui communiquer les éléments du plan de sauvegarde de l'emploi, tout en renvoyant vers elle les salariés pour leur donner des renseignements relatifs à la procédure de licenciement collectif pour motif économique ; que, dans ces mêmes conclusions, la salariée avait ajouté qu'elle avait été personnellement insultée par un autre salarié, Monsieur Y..., sans que cela n'entraîne de réaction de la part de l'employeur ; qu'elle avait enfin insisté sur le fait qu'elle n'avait jamais été invitée à participer au Comité de suivi du dispositif de reclassement prévu par le plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions desquelles il se déduisait l'existence d'une entrave aux fonctions de déléguée du personnel de l'exposante et d'une discrimination syndicale, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande tendant à ce que la Société CLOS D'AGUZON soit condamnée à lui verser des dommages-intérêts pour licenciement nul ;

AUX MOTIFS QUE la Société CLOS D'AGUZON, qui comprenait 370 salariés, dont des employés à domicile, et dont le siège social est à SAINT-AUBAN sur L'OUVEZE (DROME) a, à la suite de difficultés économiques, décidé des mesures de restructuration entraînant la suppression de 136 postes de travail ; que pour y parvenir, elle a décidé de recourir à l'adoption d'un plan de sauvegarde de l'emploi et a mis en oeuvre une commission de suivi de ce plan conformément au dernier alinéa de l'article L. 321-4 ; qu'elle a conclu un accord de méthode avec les organisations syndicales ; qu'après consultation du comité d'entreprise, la société a décidé de licencier les salariées le 14 janvier 2005 sauf les salariées protégées dont les contrats ont été rompus le 3 mars suivant ; que Madame X... était embauchée comme manutentionnaire et avait la qualité de déléguée du personnel ; que, selon les pièces produites, le plan prévoyait : - des actions en vue du reclassement interne par mutations sur des postes de production entre les différents sites de fabrication, avec organisation d'un stage probatoire adapté, et maintien du salaire antérieur de 2 à 5 mois, formation possible pour accéder à d'autres postes et priorité d'accès à un congé individuel de formation, - des mesures de solidarité pour permettre aux salariés qui souhaiteraient quitter l'entreprise de mettre en oeuvre un projet personnel, - des mesures de départs anticipés en préretraite progressive, - des mesures destinées à accompagner les licenciements avec création d'une commission destinée à rechercher des embauches et de conclure une convention avec une entreprise d'accueil, et mise en oeuvre d'une cellule de reclassement par un cabinet extérieur, - l'accélération du dispositif PARE ; que la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ; que la société ne disposait d'aucun poste vacant, et ne pouvait organiser que des mutations le cas échéant après départ de certains salariés ; que selon le rapport du cabinet SYNDEX il était prévu 73 licenciements dans la meilleure des hypothèses compte tenu des évaluations réalisées, alors que le nombre de postes supprimés était supérieur ; que les mesures existaient et que l'annulation du plan n'est pas encourue ;

ALORS, D'UNE PART, QU'en application des dispositions combinées des articles L. 321-4-1 et L. 321-4 du Code du travail, le plan de sauvegarde de l'emploi que l'employeur doit établir et mettre en oeuvre doit comporter, dès l'origine, des mesures précises et concrètes pour éviter des licenciements et en limiter le nombre, en particulier par des actions de reclassement ; que ce plan doit être accompagné de l'indication des catégories professionnelles concernées par le projet de licenciement collectif de manière à déterminer si les postes offerts sont de nature à permettre un reclassement efficace ; que le plan de sauvegarde de l'emploi se borne en l'espèce à indiquer que « dans la mesure du possible, des reclassements seront proposés au personnel dont le poste est supprimé sous forme de reclassements en interne », et que ces derniers concerneront des mutations de postes de production entre les différents sites de fabrication, sans aucune précision sur les catégories professionnelles dont pourraient relever ces offres de reclassement ; qu'il en résulte que le plan de sauvegarde de l'emploi ne contient pas de plan de reclassement répondant aux exigences légales ; qu'en écartant la nullité de ce plan, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles L. 321-4-1 et L. 321-4 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en application des dispositions combinées des articles L. 321-4-1 et L. 321-4 du Code du travail, le plan de sauvegarde de l'emploi que l'employeur doit établir et mettre en oeuvre doit comporter, dès l'origine, des mesures précises et concrètes pour éviter des licenciements et en limiter le nombre, en particulier par des actions de reclassement ; que ce plan doit préciser la localisation géographique des emplois proposés à titre de reclassement ; que le plan de sauvegarde de l'emploi se borne en l'espèce à indiquer que « dans la mesure du possible, des reclassements seront proposés au personnel dont le poste est supprimé sous forme de reclassements en interne », et que ces derniers concerneront des mutations de postes de production entre les différents sites de fabrication, sans aucune précision sur la localisation géographique des emplois concernés par ces offres de reclassement ; qu'il en résulte que le plan de sauvegarde de l'emploi ne contient pas de plan de reclassement répondant aux exigences légales ; qu'en écartant la nullité de ce plan, la Cour d'appel a de nouveau violé, par refus d'application, les articles L. 321-4-1 et L. 321-4 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ;

ET ALORS ENFIN QU'en application des dispositions combinées des articles L. 321-4-1 et L. 321-4 du Code du travail, si la pertinence d'un plan de sauvegarde de l'emploi s'apprécie en fonction des moyens dont dispose l'entreprise, le plan de sauvegarde de l'emploi que l'employeur doit établir et mettre en oeuvre doit comporter, dès l'origine, des mesures précises et concrètes pour éviter des licenciements et en limiter le nombre, en particulier par des actions de reclassement ; que la salariée avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que le plan de sauvegarde de l'emploi était dépourvu de toute efficience dès lors que, d'une part, si une antenne de reclassement avait été prévue, l'employeur ne justifiait pas que cette cellule ait bénéficié d'un budget suffisant et ne précisait pas davantage le nombre de salariés concernés, alors que cette cellule était « si pauvrement dotée » qu'elle n'avait les moyens, ni de permettre aux salariés de faire un bilan de compétence, ni de financer une formation professionnelle, d'autre part, que ce plan ne contenait aucune mesure à titre de congés de reclassement, de congés de conversion « et de tout budget de formation spécifique pour les salariés ainsi privés d'emploi dans une région déjà largement sinistrée sur le plan industriel », et enfin, qu'aucune mesure n'avait « été prise pour contribuer à la réactivation du bassin d'emploi » ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces conclusions desquelles il résultait que, nonobstant les moyens de l'entreprise, le plan de sauvegarde de l'emploi ne comportait pas de mesures précises et concrètes de nature à éviter des licenciements et en limiter le nombre, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-4-1 et L. 321-4 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil.


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