Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 février 2009, 07-42.697, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 07-42.697
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- Mme Collomp
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 23 février 2006 et 5 avril 2007), que M. X... a été engagé le 18 septembre 1946 par la Régie nationale des usines Renault aux droits de laquelle vient la société Renault SAS en qualité d'apprenti ; qu'après obtention de son CAP, il a été nommé « jeune professionnel » ajusteur, puis est devenu ouvrier ajusteur P1, puis P2 et enfin P3 par application d'un accord d'entreprise de 1973 ; qu'il a exercé des responsabilités syndicales dans son atelier à partir de 1960, puis au niveau national chez Renault, avec un détachement de 1971 à 1976 en qualité de délégué syndical CGT rémunéré par le syndicat, a été élu au comité d'établissement des usines Renault Billancourt en novembre 1976, secrétaire du comité central d'entreprise en décembre 1978, membre du conseil d'administration de la société Renault sur la liste CGT en mai 1981, puis de nouveau en mars 1984 sur la liste qu'il conduisait et a continué ces fonctions jusqu'à son départ le 31 décembre 1987 dans le cadre d'un dispositif de préretraite alors qu'il était toujours ouvrier P3 ; qu'il a été admis à la retraite le 1er août 1991 ; qu'estimant avoir subi une carrière ralentie par suite d'une discrimination syndicale, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes le 7 novembre 2002, afin d'obtenir la condamnation de la société Renault à lui verser des dommages et intérêts en réparation de ses préjudices d'ordre financier et moral ;
Sur la recevabilité du premier moyen contestée par la défense :
Attendu que M. X... conteste la recevabilité du moyen dirigé contre l'arrêt avant dire droit du 23 février 2006 en ce qu'il a ordonné une expertise aux motifs que l'employeur n'en tire pas de conséquence sur le fond du litige ; qu'ayant participé à l'expertise, il a acquiescé la décision et que le moyen de ce chef est nouveau ;
Mais attendu que l'employeur ayant également dirigé son pourvoi contre l'arrêt du 5 avril 2007 qui s'appuie sur les résultats de l'expertise ordonnée par l'arrêt avant dire droit du 23 février 2006 pour retenir la discrimination, le moyen dirigé contre celui-ci est recevable, peu important qu'après avoir contesté la demande d'expertise, l'employeur ait effectivement participé à celle-ci ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Renault fait grief à l'arrêt avant dire droit du 23 février 2006 d'avoir, au vu des éléments que produisait le salarié, ordonné une expertise tendant à faire toutes recherches et constatations permettant à la cour de statuer sur ses demandes, alors, selon le moyen, que si, en application de l'article L. 122-45 du code du travail juge peut, pour former sa conviction, ordonner une mesure d'instruction en matière de discrimination, c'est à la condition préalable que le salarié concerné ait présenté des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ; que viole le texte susvisé ainsi que l'article 146 du code de procédure civile l'arrêt qui, sans constater que M. X... ait soumis au juge des éléments de nature à rendre vraisemblable la discrimination alléguée, ordonne d'emblée une expertise générale en vue de suppléer la carence d'une des parties dans la partie de la preuve qui lui incombait ;
Mais attendu qu'il résulte de la troisième phrase de l'article L. 122-45, alinéa 4 devenue l'article L. 1134-1, alinéa 3 du code du travail que le juge du fond apprécie souverainement l'opportunité de recourir à des mesures d'instruction portant aussi bien sur les éléments présentés par le salarié et laissant supposer l'existence d'une discrimination que sur ceux apportés par l'employeur pour prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Renault fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué statuant sur le fond le 5 avril 2007, de l'avoir condamnée à payer à M. X... diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour discrimination, alors, selon le moyen :
1° / qu'adoptant les conclusions de l'expert, la cour d'appel a rétabli M. X... à la date de sa réintégration, en 1976, dans un coefficient 260, niveau atteint par ses camarades demeurés dans la filière, en considérant qu'« il n'y avait pas lieu de tenir compte » de son absence pendant plusieurs années dès lors que l'employeur avait repris son ancienneté ; que la reprise d'ancienneté constitue un simple accessoire du salaire récompensant la fidélité à l'entreprise et non un critère de qualification de sorte qu'en se déterminant ainsi, par un motif entièrement inopérant, la cour d'appel ne caractérise aucune disparité de traitement et prive sa décision de toute base légale au regard des articles L. 122-45 et L. 412-2 du code du travail ;
2° / que la comparaison de l'évolution de carrière fondée sur une situation de départ prétendument identique de M. X... et de M. Y... ayant le même coefficient 195 en 1972 au début de la période non prescrite, repose sur une dénaturation en violation de l'article 1134 du code civil, du rapport d'expertise qui indique (p. 9) que dès 1971, M. Y... avait, lui seul, atteint déjà la classification P3 au coefficient 215 et « qu'il a progressé très rapidement de 1970 à 1976 » pendant l'absence de M. X... ;
3° / qu'ayant décidé que « la discrimination s'apprécie par comparaison de l'évolution de la carrière de M. Roger X... postérieure au 7 novembre 1972, avec celle d'autres salariés placés dans la même situation que lui au début de ladite période, c'est-à-dire notamment avec celles de personnes ayant sensiblement le même âge, entrées dans l'entreprise au cours de la même période, ayant une formation professionnelle comparable et ayant le même niveau de qualification et de compétence au début de la période trentenaire étudiée », méconnaît ce principe, en violation des articles L. 122-45 et L. 412-2, l'arrêt attaqué qui prend pour terme de comparaison un panel de 93 salariés, contesté par la SAS Renault, et particulièrement le cas de M. Y..., sans aucunement vérifier qu'aucun d'eux ait satisfait aux critères susvisés en terme de date d'entrée l'entreprise, de formation professionnelle et qualification au début de la période trentenaire ;
4° / qu'en retenant le comparatif entre M. X... et le cas de 93 salariés ayant acquis, en même temps que lui, un CAP en 1949 et en faisant reproche à Renault de ne pas démontrer que ceux-ci n'ont dû leur carrière qu'à leur « initiative personnelle en matière de formation », la cour d'appel méconnaît les termes de sa propre décision selon lesquels les faits de discrimination antérieurs au 7 novembre 1972 sont prescrits et dépasse ainsi, en violation de l'article 2262 du code civil les limites de la prescription trentenaire ;
5° / que viole l'article 455 du code de procédure civile, la cour d'appel qui laisse dépourvues de toute réponse les conclusions faisant valoir que si une exigence de preuve concernant l'évolution de carrière des multiples comparatifs sur une période plus que trentenaire devait lui être imposée, elle ne serait pas raisonnablement en mesure d'y satisfaire ce qui romprait davantage encore l'égalité des armes imposée par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu que si la prescription trentenaire interdit la prise en compte de faits de discrimination couverts par elle, elle n'interdit pas au juge, pour apprécier la réalité de la discrimination subie au cours de la période non prescrite, de procéder à des comparaisons avec d'autres salariés engagés dans des conditions identiques de diplôme et de qualification à la même date que l'intéressé, celle-ci fut-elle antérieure à la période non prescrite ;
D'où il suit que le moyen qui manque en fait dans sa première branche et critique un motif surabondant dans sa deuxième, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur les deuxième et quatrième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Renault aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Renault à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Renault.
PREMIER MOYEN DE CASSATION (sur l'expertise)
Il est reproché à l'arrêt avant-dire droit du 23 février 2006 d'avoir ordonné une expertise tendant à faire remettre toutes pièces utiles et notamment les évaluations et toutes pièce du dossier personnel de Monsieur Roger X... ; rechercher si la Société RENAULT a été convoquée à des entretiens de gestion sur l'évolution de sa carrière et notamment s'est vu proposer à partir de 1984 régulièrement des entretiens d'évaluation et d'orientation, en vue de lui assurer des formations ou de lui proposer des tests ou des examens nécessaires à une progression ou encore s'est vu communiquer les informations voulues, pour lui permettre une progression similaire aux salariés n'exerçant pas de responsabilité syndicales ; rechercher si le déroulement de carrière de Roger X... traduit une progression normale en comparaison des autres salariés, placés dans une situation similaire, notamment au regard de la date de son entrée dans l'entreprise, de son âge, de son dossier professionnel, de sa formation ; dans la négative, rechercher pour quelle raison sa progression a été anormale et rechercher si elle peut être imputée à des causes objectives ; dans la négative encore, décrire son préjudice notamment financier et en particulier perte de salaire, perte sur le montant du FNE, perte au titre des pensions de retraite, perte sur la prime de licenciement, étant précisé que le préjudice indemnisable doit s'être réalisé après le 7 novembre 1972 ; de manière générale, faire toutes recherches et constatations permettant à la Cour de statuer sur les demandes ;
AUX MOTIFS QU'« il y a lieu d'ordonner une expertise aux frais avancés de la SAS RENAULT aux fins de réunir les éléments de comparaison qui permettront de déterminer s'il y a eu discrimination à raison de l'activité syndicale de Monsieur X... dans son évolution de carrière en violation des articles L. 412-2 et L. 412-4 du Code du Travail et ce durant la période de la vie professionnelle de Monsieur X... non prescrite au sens de l'article 2262 du Code Civil, c'est-à-dire dans les trente ans qui précèdent la convocation de l'intimée devant le Conseil de Prud'homme, intervenue le 7 novembre 2002 ; que la Cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour allouer en l'état une provision sur le préjudice de Monsieur X..., dont il n'est pas possible de dire avant la mesure d'instruction, s'il a fait l'objet de discrimination syndicale » ;
ALORS QUE si, en application de l'article L. 122-45 le juge peut, pour former sa conviction, ordonner une mesure d'instruction en matière de discrimination, c'est à la condition préalable que le salarié concerné ait présenté des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ; que viole le texte susvisé ainsi que l'article 146 du Nouveau Code de Procédure Civile l'arrêt qui, sans constater que Monsieur X... ait soumis au juge des éléments de nature à rendre vraisemblable la discrimination alléguée, ordonne d'emblée une expertise générale en vue de suppléer la carence d'une des parties dans la partie de la preuve qui lui incombait ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
(prescription trentenaire)
Le pourvoi reproche aux arrêts attaqués des 23 février 2006 et 5 avril 2007 d'avoir écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la Société RENAULT SAS.
AUX MOTIFS QUE « les dommages-intérêts fondés sur l'article L. 412-2, alinéa 4 du Code du Travail n'ont pas pour seul objet de réparer la perte de salaire résultant de la discrimination mais d'indemniser l'ensemble du préjudice subi par le salarié du fait de cette discrimination et ne sont pas soumis à la prescription de l'article L. 143-14 du Code du Travail ; que la prescription de l'article 1304 du Code Civil n'a pas lieu de s'appliquer dans le présent litige qui ne comporte pas d'action en nullité ou en rescision d'une convention » (arrêt du 23 février 2006, p. 3).
ET AU MOTIFS QUE « la prescription quinquennale tirée par la Société RENAULT de l'article 1304 du Code Civil qu'elle entend voir appliquer à la demande de reconstitution de carrière est inopérante, dès lors que l'action litigieuse loin d'être une demande de remise en état résultant de l'annulation d'une clause contractuelle ne tend qu'à la réparation du préjudice de carrière subi du fait de la discrimination dont il a fait l'objet ; que la réitération de cette demande à ce stade de la procédure est irrecevable au sens de l'article 122 du Nouveau Code de Procédure Civile comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 23 février 2006 » (arrêt du 5 avril 2007).
ALORS, D'UNE PART, QUE si les dommages-intérêts fondés sur l'article L. 412-2 du Code du Travail n'ont pas pour seul objet la perte de salaire résultant d'une discrimination, les demandes du salarié individualisant ces pertes des salaires et de ses accessoires relèvent de plein droit de l'article R. 143-14 du Code du Travail, de sorte que viole par refus d'application, ce texte la Cour d'Appel qui écarte la prescription des demandes formulées par le salarié plus de dix ans après avoir quitté l'entreprise et portant sur 89. 012 au titre de la perte de salaire, 10. 495 au titre de l'indemnité de licenciement, 19. 672 E au titre de l'indemnisation FNE ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la sanction des articles L. 122-45 et L. 412-2 consistant en une nullité relative, dûe à l'initiative exclusive de l'intéressé, des décisions prises par l'entreprise pour régler son avancement, toutes les demandes de reconstitution de carrière se trouvent prescrites en 5 ans par application de l'article 1304 du Code Civil, de sorte qu'en appliquant indifféremment la prescription trentenaire à l'ensemble de l'action intentée par Monsieur X..., la Cour d'Appel a aussi violé le texte susvisé ;
ALORS, DE TROISIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QU'en reconnaissant au salarié un délai de 30 ans pour prendre l'initiative d'alléguer une simple disparité de traitement mettant le défendeur dans l'obligation de prouver l'absence de discrimination, la Cour d'Appel, qui ne s'explique nullement sur l'infériorité de la situation dans laquelle se trouve ainsi placé l'employeur, au terme d'une aussi longue période, quant à la conservation des preuves et à l'exercice du droit de la défense, prive sa décision de toute base légale au regard des articles 16 du Nouveau Code de Procédure Civile et 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;
ALORS, ENFIN QUE viole l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile la Cour d'Appel qui laisse dépourvues de toute réponse les conclusions de RENAULT SAS faisant valoir (p. 10 et p. 15) qu'il n'est pas possible à une entreprise de justifier de la situation professionnelle de ses salariés sur une période pouvant atteindre, comme en l'espèce, 49 ans en raison des difficultés matérielles pour réunir les preuves ainsi que des obstacles juridiques à leur conservation du fait notamment des lois d'amnistie.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
(sur la prétendue disparité de traitement)
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué statuant sur le fond le 5 avril 2007, d'avoir condamné la SAS RENAULT à payer à Monsieur X... 201. 681 E au titre du préjudice matériel, 8. 000 E au titre du préjudice moral, 1. 000 E au titre de l'article 700 ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... a exercé des responsabilités syndicales à partir de 1960 dans son atelier, puis à partir de 1965 au niveau national chez RENAULT, avec un détachement de 1971 à 1976 en qualité de délégué syndical CGT, rémunéré par sa fédération (p. 2, al. 2) ; qu'il a été jugé que les faits de discrimination antérieurs au 7 novembre 1972 étaient prescrits en application de l'article 2044 du Code Civil ; que ceci signifie d'une part, que le salarié ne saurait obtenir réparation des préjudices causés par ces faits, fussent-ils postérieurs au 7 novembre 1972, notamment en ce que le ralentissement de carrière antérieur à cette date continue de produire effet sur la rémunération du salariés postérieurement, et d'autre part, que la discrimination s'apprécie par comparaison de l'évolution de la carrière de Monsieur Roger X... postérieure au 7 novembre 1972, avec celle d'autres salariés placés dans la même situation que lui au début de ladite période, c'est-à-dire notamment avec celles de personnes ayant sensiblement le même âge, entrées dans l'entreprise au cours de la même période, ayant une formation professionnelle comparable et ayant le même niveau de qualification et de compétence au début de la période trentenaire étudiée ; qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de ce qu'entre 1971 et 1976, Monsieur Roger X... a quitté l'entreprise en qualité de délégué syndical CGT dès lors que, selon la Société RENAULT elle-même, son ancienneté a été reprise lorsqu'il a réintégré l'entreprise, ce qui selon des attestations versées aux débats par le salarié était une pratique qui ne lui était pas propre et qui par conséquent ne manifestait aucune faveur particulière ; qu'il n'est pas soutenu que durant ces années où il a exercé comme délégué syndical, l'intéressé ait perdu sa compétence et méritait un retardement de sa carrière de ce fait ; que l'expert A...a recueilli les cas de 93 salariés fournis par Monsieur Roger X... se trouvant placés dans une situation comparable à celle de celui-ci, parmi lesquels 35 ont eu une fin de carrière de technicien supérieur, 37 d'agent de maîtrise et 21 de cadre ; que le cas de l'un d'entre eux, Monsieur Y..., est particulièrement probant, puisqu'alors qu'il avait exercé antérieurement à 1971 des responsabilités syndicales pour les abandonner par la suite, il s'est lui-même trouvé avoir accumulé du retard avant cette date où il se trouvait au coefficient 195 comme Monsieur Roger X..., mais a atteint à la fin de sa carrière le coefficient 335 ; que ces éléments sont de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination (p. 5) ; que la Société RENAULT ne saurait arguer utilement de l'absence de formation... tandis qu'il n'est pas démontré que l'ensemble des salariés dont l'évolution a été comparée à celle de Monsieur Roger X... n'ont dû leur carrière qu'à leurs initiatives personnelles en matières de formation (p. 6) » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'adoptant les conclusions de l'expert, la Cour d'Appel a rétabli Monsieur X... à la date de sa réintégration, en 1976, dans un coefficient 260, niveau atteint par ses camarades demeurés dans la filière, en considérant qu'« il n'y avait pas lieu de tenir compte » de son absence pendant plusieurs années dès lors que l'employeur avait repris son ancienneté ; que la reprise d'ancienneté constitue un simple accessoire du salaire récompensant la fidélité à l'entreprise et non un critère de qualification de sorte qu'en se déterminant ainsi, par un motif entièrement inopérant, la Cour d'Appel ne caractérise aucune disparité de traitement et prive sa décision de toute base légale au regard des articles L. 122-45 et L. 412-2 du Code du Travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la comparaison de l'évolution de carrière fondée sur une situation de départ prétendument identique de Monsieur X... et de Monsieur Y... ayant le même coefficient 195 en 1972 au début de la période non prescrite, repose sur une dénaturation en violation de l'article 1134 du Code Civil, du rapport d'expertise qui indique (p. 9) que dès 1971, Monsieur Y... avait, lui seul, atteint déjà la classification P3 au coefficient 215 et « qu'il a progressé très rapidement de 1970 à 1976 » pendant l'absence de Monsieur X... ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'ayant décidé que « la discrimination s'apprécie par comparaison de l'évolution de la carrière de Monsieur Roger X... postérieure au 7 novembre 1972, avec celle d'autres salariés placés dans la même situation que lui au début de ladite période, c'est-à-dire notamment avec celles de personnes ayant sensiblement le même âge, entrées dans l'entreprise au cours de la même période, ayant une formation professionnelle comparable et ayant le même niveau de qualification et de compétence au début de la période trentenaire étudiée », méconnaît ce principe, en violation des articles L. 122-45 et L. 412-2, l'arrêt attaqué qui prend pour terme de comparaison un panel de 93 salariés, contesté par la SAS RENAULT, et particulièrement le cas de Monsieur Y..., sans aucunement vérifier qu'aucun d'eux ait satisfait aux critères susvisés en terme de date d'entrée dans l'entreprise, de formation professionnelle et de qualification au début de la période trentenaire ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'en retenant le comparatif entre Monsieur X... et le cas de 93 salariés ayant acquis, en même temps que lui, un C. A. P. en 1949 et en faisant reproche à RENAULT de ne pas démontrer que ceux-ci n'ont dû leur carrière qu'à leur « initiative personnelle en matière de formation », la Cour d'Appel méconnaît les termes de sa propre décision selon lesquels les faits de discrimination antérieurs au 7 novembre 1972 sont prescrits et dépasse ainsi, en violation de l'article 2262 du Code Civil les limites de la prescription trentenaire ;
ALORS, ENFIN, QUE viole l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile, la Cour d'Appel qui laisse dépourvues de toute réponse les conclusions faisant valoir que si une exigence de preuve concernant l'évolution de carrière des multiples comparatifs sur une période plus que trentenaire devait lui être imposée, elle ne serait pas raisonnablement en mesure d'y satisfaire ce qui romprait davantage encore l'égalité des armes imposée par l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
(absence de formation de Monsieur X... et caractère inopérant de ses hautes fonctions directoriales)
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué statuant sur le fond le 5 avril 2007, d'avoir condamné la SAS RENAULT à payer à Monsieur X..., 201. 681 au titre du préjudice matériel 8. 000 au titre du préjudice moral, 1. 000 au titre de l'article 700 ;
AUX MOTIFS QUE pour sa part Monsieur Roger X... n'a obtenu qu'une seule promotion par le passage d'ouvrier P2 à ouvrier P3 par application de l'accord d'entreprise de 1973, pendant la période de trente ans étudiée, laquelle n'était que l'effet d'un glissement collectif entre ces deux catégories, tandis qu'il n'a cessé d'exercer des responsabilités syndicales souvent de haut niveau qui attestent que son retard n'était pas imputables à un faible niveau professionnel ; qu'aux termes de l'article 8 de l'accord du 12 juillet 1984 relatif à l'exercice du droit syndical et au fonctionnement des institutions représentatives du personnel, la direction réaffirme son intention de veiller à ce que l'exercice d'un mandat de représentant du personnel, élu ou désigné, ne nuise en aucun cas, ni à la situation de l'intéressé ni à son évolution normale et que chaque représentant peut bénéficier sur sa demande de la possibilité, pour l'examen de sa situation professionnelle, d'avoir en cours de mandant, un entretien avec un représentant du chef d'établissement et de la hiérarchie de son secteur d'appartenance ; qu'il appartenait à l'employeur de prendre l'initiative d'appliquer l'accord, ce qu'il n'allègue pas avoir fait entre 1984 et le départ du salarié de l'entreprise en 1987 ; que l'employeur ne justifie pas par des raisons objectives du retard pris par le salarié » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la discrimination dont est l'objet un travailleur ne peut être appréciée qu'en fonction des règles collectives d'avancement applicables dans l'entreprise et plaçant les salariés dans une situation identique ; que viole ce principe, l'article L. 140-2 du Code du Travail, ainsi que l'annexe 1 de la Convention Collective des Industries Métallurgiques de la Région Parisienne, l'arrêt qui considère que les « responsabilités syndicales de haut niveau » exercées par Monsieur X... lui aurait permis d'accéder à des qualifications professionnelles supérieures à la sienne en marge des formations, tests et examens prévus imposés par le statut des salariés de RENAULT ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en substituant aux critères de la qualification professionnelle définis par l'entreprise de simples compétences syndicales ou intellectuelles, la Cour d'Appel crée, comme l'avait relevé le jugement infirmé, un cas de discrimination positive au détriment des autres travailleurs, violant ainsi l'article L. 412-2 du Code du Travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE l'article 8 de l'accord du 12 juillet 1984 visé par l'arrêt ne déroge aucunement aux règles normales de promotion dans l'entreprise et confirme, pour les représentants du personnel, la nécessité de suivre les cours de formation professionnelle ; que prive sa décision de base légale au regard de cet accord collectif et de l'article L. 131-1 du Code du Travail, la Cour d'Appel qui impute au manque d'initiative de RENAULT, le prétendu retard de carrière de Monsieur X... sans même rechercher s'il remplissait les conditions d'un avancement quelconque dans sa filière,
ALORS, DE QUATRIEME PART, ET SUBSIDIAIREMENT QUE prive sa décision de toute base légale au regard des articles L. 122-45 et L. 412-2, l'arrêt se fondant sur la non-application prétendue de l'article 8 de l'accord du 12 juillet 1984, lequel n'était pas rétroactif et ne pouvait avoir d'effet que jusqu'au départ de l'intéressé en 1987, alloue à ce dernier cependant une indemnité de 201. 681 correspondant au calcul du préjudice pour toute la « période postérieure au 7 novembre 1972 » ;