Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 28 janvier 2009, 07-21.818, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 9 octobre 2007), que l'office public d'habitation à loyer modéré de la commune de Saint-Claude (l'OPHLM) a entrepris en 1992 la réhabilitation d'un ensemble de logements ; qu'elle a confié le lot ventilation mécanique contrôlée à la société Bailly-Maitre et a souscrit une police dommages ouvrage auprès de la mutuelle d'assurance L'Auxiliaire (l'Auxiliaire) ; que des désordres étant apparus avant réception et la société Bailly-Maitre ayant refusé de reprendre les travaux, l'OPHLM a résilié le marché et déclaré le sinistre à l'Auxiliaire ; que cet assureur a été condamné en référé à payer une provision sur le fondement de l'article L. 242-1 du code des assurances ; que l'OPHLM l'a fait assigner en paiement de sommes sur le même fondement ; que l'Auxiliaire lui a opposé la nullité du contrat d'assurance ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident qui est préalable :

Attendu que l'OPHLM fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré prescrite la demande de l'Auxiliaire en nullité du contrat d'assurance, alors, selon le moyen, que la prescription biennale prévue en matière d'assurance est applicable à l'action en nullité du contrat d'assurance, qu'elle soit intentée en demande ou opposée en défense, de sorte que la cour d'appel en écartant la prescription opposée par l'OPHLM à la demande de l'Auxiliaire a violé l'article L. 114-2 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la demande en nullité de contrat présentée en défense par l'Auxiliaire était qualifiée d'exception de nullité, la cour d'appel a exactement retenu que cette exception n'était pas atteinte par la prescription ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que l'Auxiliaire fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en annulation de la police pour fausse déclaration intentionnelle de l'OPHLM, alors, selon le moyen, que la déchéance ne s'applique qu'aux exceptions de non-garantie prévues par le contrat ; que ce qui est nul est réputé n'avoir jamais existé ; qu'en déclarant l'assureur déchu du droit d'invoquer la nullité de la police pour fausse déclaration intentionnelle, parce qu'il n'avait pas notifié à l'assuré, dans le délai de 60 jours qui lui était imparti, sa décision sur le principe de sa garantie, quand l'exception de nullité invoquée était d'origine légale tandis que l'annulation de la police privait l'assuré du droit de se prévaloir d'une garantie réputée, de par la loi, n'avoir jamais existé, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du Code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'Auxiliaire n'avait pas répondu dans le délai légal de soixante jours à la déclaration de sinistre de l'OPHLM, la cour d'appel a exactement retenu que cet assureur, qui s'était ainsi privé de la faculté d'opposer à l'assuré toute cause de non garantie, ne pouvait plus invoquer la nullité du contrat ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la ventilation mécanique contrôlée ne remplissait pas son office et devait être refaite, la cour d'appel, qui a exclu la prise en charge des éléments existants défaillants, a indemnisé les seuls dommages résultant de l'opération de construction garantie par l'assureur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la mutuelle d'assurance L'Auxiliaire aux dépens du pourvoi principal ;

Condamne l'OPHLM de Saint-Claude aux dépens du pourvoi incident ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la mutuelle d'assurance L'Auxiliaire à payer à l'OPHLM de Saint-Claude la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la mutuelle d'assurance L'Auxiliaire ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits - à l'appui du pourvoi principal - par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour la mutuelle d'assurance L'Auxiliaire.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté un assureur dommages-ouvrage (la mutuelle L'AUXILIAIRE, l'exposante) de sa demande en annulation de la police pour fausse déclaration intentionnelle de l'assuré (l'OPHLM de SAINT-CLAUDE) ;

AUX MOTIFS QUE l'exception de nullité n'était pas atteinte par la prescription ; que, cependant, la nullité de l'assurance ne pouvait être opposée à l'assuré que si l'assureur avait encore la faculté de dénier sa garantie, pour quelque cause que ce fût inhérente au contrat ; que tel n'était pas le cas en l'espèce ; que l'OPHLM avait fait sa déclaration de sinistre le 28 août 1996 et qu'à défaut d'y avoir répondu dans le délai de 60 jours prévu par l'article L. 242-1 du Code des assurances, L'AUXILIAIRE, tenue de garantir la réparation intégrale des dommages déclarés, s'était privée de la faculté d'arguer toute cause de non-garantie (arrêt attaqué, p. 6, alinéas 6 et 7 ; p. 7, alinéas 1 et 2) ;

ALORS QUE la déchéance ne s'applique qu'aux exceptions de non-garantie prévues par le contrat ; que ce qui est nul est réputé n'avoir jamais existé ; qu'en déclarant l'assureur déchu du droit d'invoquer la nullité de la police pour fausse déclaration intentionnelle, parce qu'il n'avait pas notifié à l'assuré, dans le délai de 60 jours qui lui était imparti, sa décision sur le principe de sa garantie, quand l'exception de nullité invoquée était d'origine légale tandis que l'annulation de la police privait l'assuré du droit de se prévaloir d'une garantie réputée, de par loi, n'avoir jamais existé, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du Code des assurances.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné un assureur dommages-ouvrage (la mutuelle L'AUXILIAIRE, l'exposante) à payer à un maître d'ouvrage (l'OPHLM de SAINT-CLAUDE) la somme de 76.760,07 à titre d'indemnité d'assurance ;

AUX MOTIFS propres et adoptés QUE, à défaut d'avoir répondu à la déclaration de sinistre dans le délai de 60 jours prévu par l'article L. 242-1 du Code des assurances, L'AUXILIAIRE, tenue de garantir la réparation intégrale des dommages déclarés, s'était privée de la faculté d'arguer de toute cause de non-garantie, en particulier tirée de ce que ces dommages n'auraient pas la nature de ceux visés par les articles L. 242-1 et 1792 du Code des assurances, s'agissant de désordres ayant pour origine les anomalies de l'ouvrage préexistant – peu important, pour la mise en oeuvre de la sanction légale attachée à l'inobservation du délai fixé par le texte susdit, que, dans les rapports entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, la responsabilité de celui-ci eût été judiciairement exclue pour les insuffisances de débit de la VMC imputables au défaut d'étanchéité des conduits shunt ; que le chiffre de 76.760,07 retenu par les premiers juges méritait d'être confirmé dans la mesure où, les dommages, à savoir le dysfonctionnement du système de ventilation, étant irréfragablement garantis par L'AUXILIAIRE, le montant de ceux-ci atteignait nécessairement le coût des travaux à refaire (quelle qu'en fût la cause) comme dit précédemment puisque, dans les rapports assureur-assuré sanctionnés en application de l'article L. 242-1 du Code des assurances, la décision de la juridiction administrative était sans emport (arrêt attaqué, p. 7, alinéas 2 et 3) ; que le montant des réparations devait être évalué selon l'article L. 242-1 du Code des assurances par référence aux « ... dépenses nécessaires à la réparation des dommages » ; que cette réparation ne pouvait cependant porter que sur les dommages résultant de l'opération de construction garantie par l'assureur ; qu'en l'espèce, il résultait clairement du rapport d'expertise et de diverses pièces du dossier que, par souci d'économie, il avait été décidé de réaliser la VMC en utilisant les conduits shunt existants dans les bâtiments ; que la défaillance de la VMC, en raison de l'insuffisance voire de l'absence d'extraction, provenait essentiellement de la mauvaise étanchéité des conduits existants ; que l'expert préconisait donc la réfection complète des colonnes de ventilation ; que l'ensemble de ces réalisations dont l'OPHLM sollicitait le règlement par l'assureur n'étaient cependant pas prévues au marché initial et n'entraient donc pas dans la mission confiée aux entreprises, de telle sorte que la garantie ne pouvait pas couvrir ces travaux ; que l'OPHLM ne pouvait demander à son assureur de prendre en charge le remplacement d'éléments existants défaillants, ce qui reviendrait à faire financer par celui-ci, en ses lieu et place, l'opération de construction ; que les dommages seraient réparés de façon satisfaisante par la prise en charge par L'AUXILIAIRE du prix total des travaux effectués par la société BAILLY MAITRE qui s'étaient révélés inutiles puisqu'ils étaient à refaire dans leur intégralité (jugement entrepris, p. 9, alinéas 2 à 9) ;

ALORS QUE l'assurance dommages-ouvrage a pour objet de garantir le paiement des travaux de réparation des dommages affectant l'ouvrage assuré ; qu'en condamnant l'assureur dommages-ouvrage à préfinancer le coût des travaux exécutés par un entrepreneur au prétexte qu'ils étaient à « refaire », tout en constatant que les désordres n'avaient pas pour siège lesdits travaux, qui n'étaient affectés d'aucun dommage, mais des parties d'ouvrage non concernées par l'opération de rénovation, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du Code des assurances ensemble l'article L. 243-1-1-II de ce Code ;

ALORS QUE, en outre, en affirmant que le dysfonctionnement du système de ventilation était « irréfragablement » garanti par la police dommages-ouvrage, ce qui aurait justifié la prise en charge par l'assureur du coût des travaux neufs à « refaire », bien que non atteints par les désordres, sans constater que l'ouvrage existant était techniquement indivisible de l'ouvrage neuf, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des textes susvisés.

Moyen produit - à l'appui du pourvoi incident - par Me Blondel, avocat aux Conseils pour l'OPHLM de Saint-Claude.

Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt de la cour d'appel de Besançon du 9 octobre 2007 d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait déclaré prescrite la demande de l'Auxiliaire en nullité du contrat d'assurance ;

AUX MOTIFS QUE l'Auxiliaire qualifiait sa demande en nullité de la police d'assurance pour fausse déclaration de l'assuré, non pas de demande en nullité, mais d'exception de nullité, et qu'une telle exception n'est pas atteinte par la prescription ;

ALORS QUE la prescription biennale prévue en matière d'assurances est applicable à l'action en nullité du contrat d'assurance, qu'elle soit intentée en demande ou opposée en défense, de sorte que la cour d'appel, en écartant la prescription opposée par la compagnie l'Auxiliaire à la demande de garantie de l'OPHLM, a violé l'article L. 114-2, du code des assurances.

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