Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 15 janvier 2009, 07-20.472, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur déféré, que M. et Mme X... ont fait signifier, le 10 août 1994, à l'adresse des lieux qu'ils louaient à M. Y... et Mme Z..., une ordonnance de référé prononçant leur expulsion et les condamnant à payer une certaine somme ; que M. Y... et Mme Z..., aujourd'hui mariés, ont interjeté appel de cette décision le 13 octobre 2003 et ont déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état qui avait déclaré leur appel irrecevable comme tardif, en soutenant que la signification de l'ordonnance était nulle pour avoir été faite à l'adresse des lieux loués alors que les bailleurs savaient qu'ils n'y habitaient plus ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles 654, 655 et 656 du code de procédure civile, dans leur rédaction alors applicable ;

Attendu que, pour débouter M. et Mme Y... de leur demande en nullité de l'acte de signification, prise de l'insuffisance des diligences de l'huissier de justice pour s'assurer de la réalité du domicile auquel la signification était effectuée, l'arrêt retient que l'huissier de justice a constaté que le nom figurait sur la boîte aux lettres et qu'il précise n'avoir trouvé aucune personne susceptible de recevoir l'acte en l'absence de gardiens ou voisins ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la simple mention " nom sur la boîte aux lettres " était impropre, en l'espèce, en l'absence d'autre diligence, à établir la réalité du domicile des deux destinataires de l'acte, alors qu'un précédent acte leur avait été signifié à une autre adresse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le second moyen :

Vu l'article 677 du code de procédure civile ;

Attendu que les jugements sont notifiés aux parties elles-mêmes et, lorsque la décision concerne plusieurs personnes, la notification doit être faite séparément à chacune d'elles ;

Attendu que, pour rejeter la demande de nullité de l'acte de signification, l'arrêt retient qu'il ne saurait être reproché à l'huissier de justice de ne pas avoir délivré séparément l'acte de signification à M. Y... et à Mme Z..., dès lors que l'ordonnance ainsi signifiée, prononçait des condamnations solidaires contre eux, et que de ce fait, l'huissier pouvait dresser un procès-verbal unique de signification, dans la mesure où, comme en l'espèce, il a bien fait figurer dans l'acte, le nom de chacun des destinataires dont il n'est pas contesté par ailleurs, qu'ils demeuraient ensemble à la même adresse ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mars 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne les consorts X... aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Bachellier et Potier de la Varde, avocat aux Conseils pour les époux Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION


Les époux Y... font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande en annulation de l'acte de signification du 10 août 1994 et d'avoir déclaré irrecevable comme tardif l'appel interjeté par eux le 13 octobre 2003 ;


AUX MOTIFS QUE les époux Y... font valoir que l'acte de signification a été effectué à l'adresse suivante :..., 13200 Arles, alors qu'à la date de la signification ils demeuraient..., 13280 Raphele les Arles ; qu'à l'appui de leurs affirmations les époux Y... font d'abord valoir que l'assignation en référé leur avait été notifiée le 30 juin 1994 à leur adresse de Raphele les Arles ; mais attendu que l'assignation mentionne l'adresse d'Arles et qu'il y est ajouté « actuellement ..., 13280 Raphele » ; qu'en français l'adverbe actuellement signifie dans la période présente, en ce moment, ce qui n'a pas un caractère définitif ; que d'autre part les époux Y... produisent un certain nombre de documents administratifs et commerciaux mentionnant leur adresse de Raphele à partir de 1994 ; mais attendu que ces documents n'excluent pas la possibilité du maintien d'une domiciliation à Arles ; qu'en effet parmi les pièces produites figure l'avis d'imposition sur le revenu 1997 adressé aux époux Y... «... à Arles » ; qu'en conséquence c'est à bon droit que les consorts X... ont pu faire signifier le 10 août 1994 l'ordonnance de référé à l'adresse d'Arles qui correspondait à leur domiciliation à l'époque, s'agissant du logement que les époux Y... leur avaient loué, étant observé au surplus que ces derniers n'ont jamais notifié à leur bailleur un quelconque changement d'adresse ; qu'en ce qui concerne les circonstances de la signification de l'ordonnance l'huissier mentionne avoir vérifié la certitude du domicile de monsieur Y... et de mademoiselle Z... en constatant que leur nom figurait sur la boîte à lettres ; qu'il précise n'avoir pu signifier l'acte à leur personne en raison de leur absence ; qu'il précise encore n'avoir trouvé aucune personne susceptible de recevoir la copie de l'acte en l'absence de gardien ou de voisins ; que c'est à la suite de ces démarches que l'huissier a déposé l'acte en mairie d'Arles après avoir laissé un avis de passage au domicile et avoir adressé le jour même la lettre prévue par l'article 658 du nouveau code de procédure civile, dans sa rédaction en vigueur à l'époque ;

ALORS QU'est nulle la signification faite à une adresse que le requérant savait ne plus être celle de la personne visée ; que dès lors, les époux Y... ayant soutenu que les époux X..., bailleurs, avaient fait réaliser le 21 juillet 1994 un état des lieux de sortie du logement loué, la cour d'appel, en affirmant, pour déclarer valable la signification faite aux anciens locataires par les bailleurs le 10 août 1994 à l'adresse de ce logement, que les premiers n'avaient jamais notifié aux seconds un quelconque changement d'adresse, sans rechercher si l'établissement de cet état des lieux ne manifestait pas la connaissance qu'avaient les bailleurs, à la date de la signification contestée, du départ de leurs locataires, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 659 du code de procédure civile ;


ALORS QUE c'est seulement lorsque la signification à personne et à domicile est impossible que l'huissier peut, après avoir vérifié que le destinataire demeure à l'adresse indiquée, déposer l'acte en mairie ; qu'en affirmant que l'huissier de justice, qui avait signifié l'assignation en référé-expulsion, le 30 juin 1994, à la nouvelle adresse des époux Y..., avait, pour signifier l'ordonnance de référé en mairie, le 10 août 1994, réalisé les vérifications suffisantes pour contrôler la réalité du domicile des époux Y... à l'adresse du logement anciennement loué, où il n'avait pu les atteindre, ni rencontrer de voisins ou de gardien, dès lors qu'il avait relevé leur nom sur une boîte à lettres, la cour d'appel a violé les articles 654, 655 et 656 du code de procédure civile ;


ALORS QUE en affirmant, pour dire qu'au moment de la signification du 10 août 2004 les époux Y... n'étaient pas domiciliés à Raphele les Arles, ..., que cette adresse était précédée de l'adverbe « actuellement » dans l'assignation qui la mentionnait et « qu'en français, l'adverbe actuellement signifie dans la période présente, en ce moment, ce qui n'a pas un caractère définitif », la cour d'appel a statué par un motif d'ordre général, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;


ALORS QU'en affirmant, pour décider qu'à l'époque de la signification le domicile des époux Y... était situé à Arles, que « (l) es documents (produits) n'excluent pas la possibilité du maintien d'une domiciliation à Arles », la cour d'appel a statué par un motif hypothétique, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION


Les époux Y... font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande en annulation de l'acte de signification du 10 août 1994 et d'avoir déclaré irrecevable comme tardif l'appel interjeté par eux le 13 octobre 2003 ;


AUX MOTIFS QU'il ne saurait être reproché à l'huissier de ne pas avoir délivré séparément l'acte de signification à monsieur Y... et à mademoiselle Z... ; qu'en effet l'ordonnance de référé ainsi signifiée prononçait des condamnations solidaires contre monsieur Y... et mademoiselle Z... et que de ce fait l'huissier pouvait dresser un procès-verbal unique de signification dans la mesure où, comme en l'espèce, il a bien fait figurer dans l'acte le nom de chacun des destinataires dont il n'est pas contesté par ailleurs qu'ils demeuraient ensemble à la même adresse ;


ALORS QUE les jugements sont notifiés aux parties elles-mêmes et, lorsque la décision concerne plusieurs personnes, la notification doit être faite séparément à chacune d'elles, peu important qu'elles habitent sous le même toit ou que les condamnations soient prononcées solidairement entre elles ; que dès lors, en décidant qu'il ne pouvait être reproché à l'huissier de ne pas avoir délivré séparément l'acte de signification à monsieur Y... et à mademoiselle Z..., qui n'étaient pas mariés à l'époque de la signification, aux motifs inopérants que l'ordonnance de référé ainsi signifiée prononçait des condamnations solidaires contre eux et qu'il n'était pas contesté qu'ils demeuraient ensemble, la cour d'appel a violé l'article 677 du code de procédure civile.

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