Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 décembre 2008, 07-43.301, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 mai 2007) que M. William X..., qui avait été engagé par la société Secom le 2 janvier 1995 en qualité de directeur technique et industriel faisant fonction de directeur général adjoint, a remis sa démission le 19 février 2002 en sollicitant la réduction de son préavis contractuel pour que son contrat prenne fin le 31 juillet 2002 ; qu'il s'est vu signifié le 4 mars 2002 la rupture immédiate de son préavis pour manquement à ses obligations professionnelles ; que la société a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail de l'intéressé ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence et débouté de sa demande de rappel de salaire et dommages et intérêts au titre de la rupture de son préavis, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et L. 120-2 du code du travail, qu'une filature organisée par l'employeur pour contrôler et surveiller l'activité d'un salarié constitue un moyen de preuve illicite, dès lors qu'elle implique nécessairement une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d'être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l'employeur ; qu'en prétendant néanmoins, pour établir la faute grave commise par l'exposant ayant, selon eux, consisté en l'exercice d'une activité concurrente de celle de son employeur et un manquement à son obligation générale de loyauté pendant la durée du contrat de travail – et qu'aurait, toujours selon eux, justifié, non seulement, la rupture anticipée du préavis, mais encore, l'entrée en vigueur immédiate et consécutive de la clause de non-concurrence, le tout sans obligation de l'employeur de verser une contrepartie pécuniaire – se fonder sur le "seul constat d'huissier établi le 20 février 2002", résultant d'une filature organisée par ledit employeur, qui l'a d'ailleurs lui-même reconnue dans ses écritures d'appel, en fournissant à cet égard un luxe de détails, et dont il ressort qu'elle avait été initiée dès le 15 février 2002, avec le concours de l'agence Emergency, à l'insu de l'exposant, et s'était soldée par ledit constat, établi sur le parking privatif d'une autre société, à l'heure du déjeuner, les juges d'appel qui, malgré les conclusions prises par M. X... sur ce point, ont ainsi accueilli une preuve manifestement illicite, ont violé ensemble les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et L. 120-2 du code du travail ;

2°/ qu'il résulte des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile que les juges d'appel sont tenus de répondre aux moyens pertinents dont ils se trouvent saisis par les conclusions ayant été régulièrement notifiées par une partie ; qu'en l'espèce, M. X... faisait précisément valoir, dans ses dernières écritures d'appel que le constat d'huissier en date du 20 février 2002, incluant les comptes-rendus établis par l'agence d'investigation privée Emergency, constituait un moyen de preuve illicite devant, comme tel, être nécessairement écarté des débats, sur le fondement des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et L. 120-2 du code du travail, comme portant gravement atteinte au droit au respect à sa vie privée et en visant, à cet égard, expressément la jurisprudence particulièrement ferme de la Cour de cassation sur ce point (Cass. soc. 26 novembre 2002) ; qu'en laissant néanmoins sans réponse ce moyen pertinent des écritures d'appel de l'exposant, les juges d'appel ont violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui, par motifs propres et adoptés, s'est fondée parmi d'autres éléments de preuve sur un constat d'huissier de justice, en écartant le compte rendu de filature établi illicitement par une agence privée, n'encourt pas les griefs du moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par Me Luc-Thaler, avocat aux Conseils pour M. X....

Il est fait grief à la décision confirmative attaquée d'avoir condamné Monsieur William X..., exposant, à payer à son ancien employeur, la société SECOM, la somme de 30.000 à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par suite de la violation de la clause de non concurrence ; d'avoir débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes, aussi bien au titre de la clause de non concurrence litigieuse, que de la rupture brutale de son préavis à l'initiative dudit employeur et tendant notamment à ce que la société SECOM soit condamnée à lui rembourser la somme de 30.000 injustement versée à la suite du jugement de première instance assorti de l'exécution provisoire, avec intérêt au taux légal à compter du jour de la remise des fonds et à lui verser les sommes de 51.937,22 au titre des salaires dus pendant le préavis avec intérêt légal à compter de sa mise en demeure adressée, à ce titre, le 20 mars 2002 ; de 128.064 à titre de dommages-intérêts du fait de la nullité de la rupture du préavis et de son caractère vexatoire ; et celle de 10.000 au titre de l'indemnisation pour non-respect de la procédure disciplinaire ;

AUX MOTIFS QUE; « (...) Sur la rupture du préavis
qu'un salarié ne peut, sans manquer à ses obligations contractuelles, exercer une activité concurrente de celle de son employeur ou manquer à son obligation générale de loyauté pendant la durée du contrat de travail ;
qu'il ressort du seul constat d'huissier établi le 20 février 2002, qu'à cette date le véhicule de Monsieur William X... était stationné sur le parking privatif de la société SWING WS et qu'entre 12 heures et 14 heures trois personnes, M. Z..., M. A... et M. Frantz X... (fils de Monsieur William X...) ont déjeuné ensemble, l'huissier certifiant l'identité des personnes mentionnées ;
qu'il ressort des pièces versées aux débats que ces trois personnes appartiennent à la société SWING WS tel que cela ressort des termes de l'arrêt sur contredit rendu par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre commerciale, le 18 septembre 2003 ; que l'extrait Kbis de la société SWING WS constituée le 19 décembre 2001 démontre que cette société, contrairement à ce que soutient Monsieur William X..., a une activité concurrente de celle de la société SECOM (ingénierie de matériels électroniques, conseils conception réalisation de produits électroniques et informatiques pour l'une et télésurveillance, sécurité et communication pour l'autre) ;
qu'enfin il ressort de la déclaration de Monsieur William X... devant les services de police le 6 mai 2003, procès-verbal dont la production a été autorisée par M. le Procureur de la République de GRASSE le 28 novembre 2003, que : «... A ce moment mon fils et ses collègues sans m'en faire part (et je tiens à le préciser) forment un projet de société. Puis en parlant avec mon fils j'apprends qu'ils vont démissionner et créer leur société d'études de passerelles de communications. J'avoue que ne je l'en dissuade pas, ni ne l'encourage... Pour ma part je n'envisage pas de travailler pour la société qu'il va créer. Mon but étant d'arriver jusqu'à la retraite au sein de la Société SECOM... Le 15 février 2002 mon fils me demande de lui donner des conseils vis-à-vis de son travail et des relations qu'il doit avoir avec un client (EPS). Nous déjeunons donc tous ensemble, je ne me rappelle pas avoir dit à mon fils s'il voulait des documents de SECOM.. ce que je peux vous affirmer c'est que je ne lui ai remis aucun document ni matériel provenant de SECOM.. Le 20 février 2002 j'assiste (à sa demande) mon fils lors d'une réunion qu'il a avec le client.. » ;
qu'indépendamment du fait que Monsieur William X... va effectivement travailler au sein de la société SWING WS à compter du 30 avril 2002, il apparaît qu'il a, pendant l'exécution de son préavis, entretenu des relations avec une société concurrente de la société SECOM et a assisté son fils lors d'un entretien avec l'un des principaux clients de celle-ci, ce qui constitue des agissements déloyaux dérogeant à l'obligation générale de non concurrence pendant l'exécution du contrat de travail et justifie que l'employeur, informé de la présence du véhicule de son salarié sur le parking de la société concurrente et du repas pris avec le personnel de cette société, ait procédé le 4 mars 2002 à la rupture immédiate du préavis ;
que l'interruption immédiate du préavis exécuté dans le cadre d'une démission n'oblige pas l'employeur à mettre en place la procédure de sanction disciplinaire de sorte que cette rupture est régulière et justifiée par un manquement grave de l'intéressé, précision faite que l'huissier a le 4 mars 2002 notifié à Monsieur William X... l'ordonnance de Mme la Présidente du T.G.I. de GRASSE autorisant l'inventaire de son véhicule de sorte qu'il ne peut prétendre avoir ignoré les motifs de la rupture de son préavis ;

Sur la violation de la clause de non concurrence
que la rupture du préavis le 4 mars 2002 pour manquement à l'obligation générale de non concurrence justifie l'extinction de l'obligation de l'employeur de verser la contrepartie pécuniaire, le salarié demeurant quant à lui tenu du respect de la clause contractuelle de non concurrence prenant effet à cette date et qui a précisément pour objet de garantir la société contre la poursuit des actes de concurrence qu'elle vient de sanctionner ; qu'il ressort du procès-verbal de constat d'huissier du 8 juillet 2002 que Monsieur William X... a reconnu travailler depuis le 29 avril 2002 pour la société SWING WS en qualité d'ingénieur de sorte que nonobstant sa contestation sur ce point, ce seul constat suffit à établir qu'il a violé la clause de non concurrence ;


Sur le préjudice subi par la société SECOM
que la société SECOM ne sollicitant plus de provision mais la confirmation du jugement qui a souverainement apprécié le dommage causé à l'employeur il importe peu que le Conseil de prud'hommes n'ait pas statué sur la demande de provision et d'expertise qui était alors formée devant lui ;
qu'eu égard au contexte dans lequel Monsieur William X... a voulu quitter la société SECOM pour disait-il accéder à sa retraite, compte tenu de ce qu'il a désiré avancer la date prévisible de son préavis et est entré très rapidement au service d'une société concurrente, compte tenu des fonctions qu'il exerçait, compte tenu du préjudice économique découlant pour la société SECOM de la mise en relation d'un de ses principaux clients avec une société concurrente et de la connaissance que Monsieur William X... ne pouvait manquer d'avoir de ses obligations vis-à-vis de son ancien employeur, c'est à juste titre que le Conseil de prud'hommes a fixé à 30.000 le montant des dommages et intérêts devant être versés à la société SECOM... » ;

ALORS 1°/ QU' il résulte des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil, 9 du nouveau Code de procédure civile et L.120-2 du Code du travail, qu'une filature organisée par l'employeur pour contrôler et surveiller l'activité d'un salarié, constitue un moyen de preuve illicite, dès lors qu'elle implique nécessairement une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d'être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l'employeur ; qu'en prétendant néanmoins, pour établir la faute grave commise par l'exposant ayant, selon eux, consisté en l'exercice d'une activité concurrente de celle de son employeur et un manquement à son obligation générale de loyauté pendant la durée du contrat de travail — et qu'aurait, toujours selon eux, justifié, non seulement, la rupture anticipée du préavis, mais encore, l'entrée en vigueur immédiate et consécutive de la clause de non concurrence, le tout sans obligation de l'employeur de verser une contrepartie pécuniaire — se fonder sur le «seul constat d'huissier établi le 20 février 2002 », résultant d'une filature organisée par ledit employeur, qui l'a d'ailleurs lui-même reconnue dans ses écritures d'appel, p. 14 en fournissant à cet égard un luxe de détails, et dont il ressort qu'elle avait été initiée dès le 15 février 2002, avec le concours de l'agence EMERGENCY, à l'insu de l'exposant, et s'était soldée par ledit constat, établi sur le parking privatif d'une autre société, à l'heure du déjeuner, les juges d'appel qui, malgré les conclusions prises par Monsieur William X... sur ce point, ont ainsi accueilli une preuve manifestement illicite, ont violé ensemble les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil, 9 du nouveau Code de procédure civile et L.120-2 du Code du travail ;

ALORS 2°/ QU' il résulte des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, que les juges d'appel sont tenus de répondre aux moyens pertinents dont ils se trouvent saisis par les conclusions ayant été régulièrement notifiées par une partie ; qu'en l'espèce, Monsieur William X... faisait précisément valoir, dans ses dernières écritures d'appel (p. 9 et pp. 11 et 12) que le constat d'huissier en date du 20 février 2002, incluant les comptes rendus établis par l'agence d'investigation privée EMERGENCY, constituait un moyen de preuve illicite devant, comme tel, être nécessairement écarté des débats, sur le fondement des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil, 9 du nouveau Code de procédure civile et L.120-2 du Code du travail, comme portant gravement atteinte au droit au respect à sa vie privée et en visant, à cet égard, expressément la jurisprudence particulièrement ferme de la Cour de cassation sur ce point (Cass. soc. 26 novembre 2002) ; qu'en laissant néanmoins sans réponse ce moyen pertinent des écritures d'appel de l'exposant, les juges d'appel ont violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.

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