Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 septembre 2008, 06-45.747 06-45.794, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 septembre 2008, 06-45.747 06-45.794, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 06-45.747, 06-45.794
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 24 septembre 2008
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 12 septembre 2006- Président
- Mme Collomp
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité joint les pourvois n° Z 06-45.747 et A 06-45.794 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 27 mars 1969 en qualité d'agent stagiaire surveillant par la Régie autonome des transports parisiens (RATP) ; que le 7 mars 1996, à la suite d'arrêts de travail pour maladie, la commission médicale de la RATP a estimé que la salariée était devenue inapte à tout emploi à la Régie ; que cette décision a été confirmée le 9 avril 1996 par la commission médicale d'appel ; que Mme X... a alors été réformée à effet au 15 mars 1996 ; qu'ayant saisi la juridiction prud'homale, elle a été déboutée de ses demandes visant à obtenir sa réintégration et la condamnation de l'employeur à des dommages-intérêts ; que cette décision a été infirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 17 décembre 1999, qui a ordonné sous astreinte la réintégration de Mme X... dans son emploi à la RATP et a condamné l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul ; que Mme X... a été réintégrée dans son emploi à la RATP le 12 janvier 2000 au niveau EC1 et a été promue en mars 2000 au niveau EC2 avec effet rétroactif au 1er janvier 2000 ; que les pourvois formés à l'encontre de cet arrêt ont été rejetés par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 21 mai 2002 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire pour reconstitution de carrière à l'échelon EC6, et de dommages-intérêts pour discrimination et harcèlement moral ;
Sur le moyen unique du pourvoi de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables les demandes de Mme X... pour la période antérieure au 19 octobre 1999 et d'avoir accueilli sa demande principale de dommages-intérêts au titre de l'inégalité de traitement subie, alors, selon le moyen :
1°/ que toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, faire l'objet d'une seule instance, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne se soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'en l'espèce, après avoir jugé que les demandes relatives à la période antérieure au 19 octobre 1999 étaient irrecevables, la cour d'appel a examiné l'évolution de la carrière respective de la salariée et de celle de 16 de ses collègues, depuis leur réussite au concours d'agent de maîtrise en 1979, et spécialement depuis 1997, date de la mise en place de la nouvelle grille de classification ; qu'elle a ainsi jugé que « le rapprochement de ces faits est de nature à laisser supposer une inégalité de traitement au détriment de Mme X..., tant en ce qui concerne l'avancement que la rémunération, inégalité produisant des effets postérieurement au 19 octobre 1999 » ; que ces effets étaient dès lors nécessairement générés par des causes antérieures qui en constituaient le "fondement" au sens de la loi ; qu'en se dispensant dès lors de rechercher, comme elle y était invitée, si Mme X... n'avait pas connu le fondement de sa demande actuelle avant le 19 octobre 1999, alors que l'instance initiale était encore pendante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 516-1 du code du travail ;
2°/ que, pour justifier cette absence d'examen, la cour d'appel a décidé de s'en tenir aux seuls « effets » de l'évolution comparative considérée, postérieurs à la date du 19 octobre 1999 ; que ce ne sont cependant pas ces effets qui déterminent la recevabilité des demandes mais la date du « fondement » de ces dernières ; qu'en justifiant dès lors sa décision au motif inopérant que la demande portait sur une période postérieure à 1999, la cour d'appel a privé sa décision de motif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que pour décider que Mme X... avait subi une inégalité de traitement de la part de la RATP, en comparaison de la situation de seize salariés de référence, la cour d'appel a constaté que ces derniers avaient suivi une évolution de poste et de traitement, d'après des tableaux comparatifs, et que ces tableaux n'étaient pas contestés ; qu'en se déterminant ainsi, quand la RATP avait précisément contesté la pertinence de ces tableaux pour établir que les postes à pourvoir n'obéissaient à aucune règle d'automaticité mais relevaient du seul pouvoir d'appréciation de l'employeur, la cour d'appel a dénaturé les écritures de la RATP, en violation des articles 4 et 954 du code de procédure civile ;
4°/ que dans ses écritures, la RATP avait rappelé, dans la contestation qui lui est prêtée à tort de n'avoir pas soutenue, et par laquelle elle remettait en cause la pertinence des tableaux comparatifs présentés, qu'il n'y a en son sein aucune règle d'automaticité de l'avancement qui rendrait nécessaire une promotion par rapport aux autres, l'employeur appréciant seul l'aptitude des salariés aux postes à pourvoir ; qu'il s'ensuivait de ce régime réglementaire interne, qui justifiait à soi seul l'évolution distincte des salariés, que Mme X... ne pouvait subir aucune inégalité de traitement ni aucune "discrimination" salariale dès lors qu'elle n'avait aucune raison légitime de prétendre à une égalité de poste avec les seize autres salariés de référence, lesquels ont été l'objet d'une promotion en rapport avec leurs aptitudes personnelles respectives ; qu'en délaissant l'examen de cette argumentation décisive, présentée à l'appui d'une contestation prétendument inexistante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 140-2 du code du travail ;
Mais attendu d'abord qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de la procédure que la RATP n'a invoqué le principe de l'unicité de l'instance que pour faire déclarer irrecevables les demandes de Mme X... relatives à la période antérieure au 19 octobre 1999 et a indiqué que la cour d'appel devait limiter l'examen des faits de la cause et des demandes en résultant à la seule période postérieure au 19 octobre 1999 ; que le moyen, pris en ses deux premières branches, est contraire à la thèse soutenue devant les juges du fond ;
Et attendu ensuite que la cour d'appel, qui, hors toute dénaturation, a retenu que les tableaux comparatifs produits par la salariée étaient de nature à laisser supposer une inégalité de traitement tant en ce qui concerne l'avancement que la rémunération et que la RATP ne rapportait pas la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence de traitement, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le pourvoi de la salariée :
Vu les articles L. 122-49 et L. 122-52 du code du travail devenus les articles L. 1152-1 et 1154-1 du même code ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande, la cour d'appel a retenu qu'aucune des pièces produites par la salariée, qui consistaient essentiellement dans des échanges de courriers entre elle et la RATP et des certificats médicaux dans lesquels les praticiens reprenaient les dires de leur patiente sur les origines des troubles, ne permettaient de faire présumer un quelconque harcèlement de l'employeur à son encontre depuis sa réintégration ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans tenir compte de l'ensemble des éléments établis par la salariée, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits établis n'étaient pas de nature à faire présumer un harcèlement moral au sens des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 12 septembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Régie autonome des transports parisiens (RATP) aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Régie autonome des transports parisiens à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille huit.
Vu leur connexité joint les pourvois n° Z 06-45.747 et A 06-45.794 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 27 mars 1969 en qualité d'agent stagiaire surveillant par la Régie autonome des transports parisiens (RATP) ; que le 7 mars 1996, à la suite d'arrêts de travail pour maladie, la commission médicale de la RATP a estimé que la salariée était devenue inapte à tout emploi à la Régie ; que cette décision a été confirmée le 9 avril 1996 par la commission médicale d'appel ; que Mme X... a alors été réformée à effet au 15 mars 1996 ; qu'ayant saisi la juridiction prud'homale, elle a été déboutée de ses demandes visant à obtenir sa réintégration et la condamnation de l'employeur à des dommages-intérêts ; que cette décision a été infirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 17 décembre 1999, qui a ordonné sous astreinte la réintégration de Mme X... dans son emploi à la RATP et a condamné l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul ; que Mme X... a été réintégrée dans son emploi à la RATP le 12 janvier 2000 au niveau EC1 et a été promue en mars 2000 au niveau EC2 avec effet rétroactif au 1er janvier 2000 ; que les pourvois formés à l'encontre de cet arrêt ont été rejetés par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 21 mai 2002 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire pour reconstitution de carrière à l'échelon EC6, et de dommages-intérêts pour discrimination et harcèlement moral ;
Sur le moyen unique du pourvoi de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables les demandes de Mme X... pour la période antérieure au 19 octobre 1999 et d'avoir accueilli sa demande principale de dommages-intérêts au titre de l'inégalité de traitement subie, alors, selon le moyen :
1°/ que toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, faire l'objet d'une seule instance, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne se soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'en l'espèce, après avoir jugé que les demandes relatives à la période antérieure au 19 octobre 1999 étaient irrecevables, la cour d'appel a examiné l'évolution de la carrière respective de la salariée et de celle de 16 de ses collègues, depuis leur réussite au concours d'agent de maîtrise en 1979, et spécialement depuis 1997, date de la mise en place de la nouvelle grille de classification ; qu'elle a ainsi jugé que « le rapprochement de ces faits est de nature à laisser supposer une inégalité de traitement au détriment de Mme X..., tant en ce qui concerne l'avancement que la rémunération, inégalité produisant des effets postérieurement au 19 octobre 1999 » ; que ces effets étaient dès lors nécessairement générés par des causes antérieures qui en constituaient le "fondement" au sens de la loi ; qu'en se dispensant dès lors de rechercher, comme elle y était invitée, si Mme X... n'avait pas connu le fondement de sa demande actuelle avant le 19 octobre 1999, alors que l'instance initiale était encore pendante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 516-1 du code du travail ;
2°/ que, pour justifier cette absence d'examen, la cour d'appel a décidé de s'en tenir aux seuls « effets » de l'évolution comparative considérée, postérieurs à la date du 19 octobre 1999 ; que ce ne sont cependant pas ces effets qui déterminent la recevabilité des demandes mais la date du « fondement » de ces dernières ; qu'en justifiant dès lors sa décision au motif inopérant que la demande portait sur une période postérieure à 1999, la cour d'appel a privé sa décision de motif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que pour décider que Mme X... avait subi une inégalité de traitement de la part de la RATP, en comparaison de la situation de seize salariés de référence, la cour d'appel a constaté que ces derniers avaient suivi une évolution de poste et de traitement, d'après des tableaux comparatifs, et que ces tableaux n'étaient pas contestés ; qu'en se déterminant ainsi, quand la RATP avait précisément contesté la pertinence de ces tableaux pour établir que les postes à pourvoir n'obéissaient à aucune règle d'automaticité mais relevaient du seul pouvoir d'appréciation de l'employeur, la cour d'appel a dénaturé les écritures de la RATP, en violation des articles 4 et 954 du code de procédure civile ;
4°/ que dans ses écritures, la RATP avait rappelé, dans la contestation qui lui est prêtée à tort de n'avoir pas soutenue, et par laquelle elle remettait en cause la pertinence des tableaux comparatifs présentés, qu'il n'y a en son sein aucune règle d'automaticité de l'avancement qui rendrait nécessaire une promotion par rapport aux autres, l'employeur appréciant seul l'aptitude des salariés aux postes à pourvoir ; qu'il s'ensuivait de ce régime réglementaire interne, qui justifiait à soi seul l'évolution distincte des salariés, que Mme X... ne pouvait subir aucune inégalité de traitement ni aucune "discrimination" salariale dès lors qu'elle n'avait aucune raison légitime de prétendre à une égalité de poste avec les seize autres salariés de référence, lesquels ont été l'objet d'une promotion en rapport avec leurs aptitudes personnelles respectives ; qu'en délaissant l'examen de cette argumentation décisive, présentée à l'appui d'une contestation prétendument inexistante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 140-2 du code du travail ;
Mais attendu d'abord qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de la procédure que la RATP n'a invoqué le principe de l'unicité de l'instance que pour faire déclarer irrecevables les demandes de Mme X... relatives à la période antérieure au 19 octobre 1999 et a indiqué que la cour d'appel devait limiter l'examen des faits de la cause et des demandes en résultant à la seule période postérieure au 19 octobre 1999 ; que le moyen, pris en ses deux premières branches, est contraire à la thèse soutenue devant les juges du fond ;
Et attendu ensuite que la cour d'appel, qui, hors toute dénaturation, a retenu que les tableaux comparatifs produits par la salariée étaient de nature à laisser supposer une inégalité de traitement tant en ce qui concerne l'avancement que la rémunération et que la RATP ne rapportait pas la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence de traitement, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le pourvoi de la salariée :
Vu les articles L. 122-49 et L. 122-52 du code du travail devenus les articles L. 1152-1 et 1154-1 du même code ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande, la cour d'appel a retenu qu'aucune des pièces produites par la salariée, qui consistaient essentiellement dans des échanges de courriers entre elle et la RATP et des certificats médicaux dans lesquels les praticiens reprenaient les dires de leur patiente sur les origines des troubles, ne permettaient de faire présumer un quelconque harcèlement de l'employeur à son encontre depuis sa réintégration ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans tenir compte de l'ensemble des éléments établis par la salariée, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits établis n'étaient pas de nature à faire présumer un harcèlement moral au sens des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 12 septembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Régie autonome des transports parisiens (RATP) aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Régie autonome des transports parisiens à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille huit.