Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 septembre 2008, 06-42.269, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 mars 2006, statuant en référé), que M. X..., titulaire d'un mandat de délégué du personnel suppléant au sein de l'entreprise Lobo France, comportant moins de cinquante salariés, a été désigné délégué syndical par l'union locale CGT le 29 avril 2002 ; qu'il n'a pas été réélu lors du renouvellement des mandats de délégués du personnel le 5 mai 2004 ; qu'il a fait l'objet, le 3 décembre 2004, d'un licenciement pour faute grave ; qu'estimant que ce licenciement avait été prononcé en violation de son statut de salarié protégé, l'intéressé et le syndicat CGT ont saisi le juge des référés aux fins d'annulation du licenciement, de réintégration, et de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Lobo France fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement de M. X... était entaché de nullité et qu'il constituait un trouble manifestement illicite, alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d'appel, statuant en référé, qui a dit le licenciement nul, a en réalité prononcé la nullité du licenciement, celle-ci n'étant pas acquise indépendamment de son intervention et a excédé ses pouvoirs et a violé l'article R. 531-31 du code du travail ;

2°/ que le juge des référés n'a, en toute hypothèse, pas le pouvoir de trancher une contestation sérieuse ; qu'en l'espèce, pour dire que le licenciement de M. X... était entaché de nullité et lui allouer des provisions, la cour d'appel s'est prononcée, selon une argumentation longue et détaillée, sur les conditions dans lesquelles il était mis fin au mandat syndical confié au délégué du personnel, pour considérer au final que le mandat de délégué syndical ne pouvait cesser que par la révocation du syndicat l'ayant désigné ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, statuant en formation de référés, a manifestement tranché une contestation sérieuse partant sur le principe même de l'obligation invoquée et donc outrepassé les pouvoirs qui lui sont attribués en qualité de juridiction des référés, en violation de l'article R. 516-31 du code du travail ;

3°/ que dans les entreprises de moins de cinquante salariés, un délégué du personnel élu peut être désigné délégué syndical pour la durée de son mandat et que la protection attachée au mandat de délégué du personnel cesse au terme des six mois qui suivent l'expiration du mandat électif ; qu'en l'espèce, M. X... a été élu délégué du personnel en avril 2002, puis désigné comme délégué syndical le 29 avril 2002, que son mandat n'a pas été reconduit lors des élections le 5 mai 2004, et qu'il a été licencié le 3 décembre 2004, de sorte qu'il ne bénéficiait plus de la protection du mandat électif et donc également syndical, la cour d'appel a, cependant, considéré son licenciement comme nul et ordonné sa réintégration considérant que son mandat syndical ne pouvait cesser que par la révocation du syndicat qui l'avait désigné ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 412-11 et L. 425-1 du code du travail ;

Mais attendu que, sous réserve de conventions ou accords d'entreprise comportant des clauses plus favorables, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un délégué du personnel titulaire disposant d'un crédit d'heures à ce titre peut être désigné comme délégué syndical ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que M. X..., délégué du personnel suppléant, avait été désigné délégué syndical, et que sa désignation n'avait pas été contestée dans le délai de quinze jours prévu à l'article L. 412-15, devenu l'article L. 2143-8, du code du travail, en a exactement déduit que le mandat de délégué syndical détenu par le salarié n'avait pas pris fin du fait de la cessation de son mandat électif et que son licenciement, intervenu en méconnaissance de son statut protecteur, constituait un trouble illicite qu'il convenait de faire cesser ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Lobo France fait encore grief à l'arrêt d'avoir ordonné la réintégration de M. X... sous astreinte, et de l'avoir condamnée à payer, d'une part, à M. X... certaines sommes à titre de provision sur l'indemnisation du préjudice lié à la perte des salaires et sur l'indemnisation pour violation du statut protecteur et, d'autre part, à l'union locale CGT une certaine somme à titre de provision sur l'indemnisation de son préjudice, alors, selon le moyen :

1°/ que les syndicats professionnels disposent du pouvoir d'agir en justice relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à accueillir la demande en réparation fondée par l'union locale CGT, sans caractériser dans quelle mesure les faits de l'espèce étaient susceptibles de porter préjudice à l'intérêt collectif des salariés ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-11 du code du travail ;

2°/ que la cour d'appel, qui a accordé à M. X... une provision sur l'indemnisation du préjudice lié à la perte de salaires et une provision sur l'indemnité pour violation du statut protecteur et encore à l'union locale CGT une provision au titre de préjudice subi dans son rôle de défense des intérêts collectifs des salariés, sans préciser sur quels éléments versés aux débats elle s'était fondée pour déterminer et fixer le montant desdites provisions, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le licenciement d'un délégué syndical, au mépris des dispositions de l'article L. 425-1, devenu l'article L. 2421-3, du code du travail, porte un préjudice à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat à l'origine de la désignation ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel, qui a octroyé à l'union syndicale CGT, d'une part, et à M. X..., d'autre part, une provision sur les indemnités auxquelles ils pouvaient respectivement prétendre du fait du licenciement du salarié en violation de son statut protecteur, dont elle a apprécié souverainement le montant sans être tenue d'en préciser les divers éléments, n'encourt pas les griefs du moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Lobo France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... et à l'union locale CGT de Chatou la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille huit.
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