Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 septembre 2008, 07-40.704, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X... a été mis à la disposition de la société Renault, au centre de pièces de rechanges d'Eragny, par l'entreprise de travail temporaire Adecco pour effectuer différentes missions à compter du 14 octobre 1999 ; que par courrier du 23 novembre 2004 il a informé la société Renault que, n'ayant pas signé de nouveau contrat de travail temporaire, à l'expiration de sa précédente mission, le 23 août 2004, il se considérait comme salarié de la société Renault sous contrat à durée indéterminée, par l'effet des dispositions de l'article L. 124-7 du code du travail ; qu'il a été licencié le 10 décembre 2004, par la société Adecco ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour voir prononcer la requalification des contrats de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée au sein de la société Renault depuis 1999 et obtenir la condamnation de cette société au paiement de diverses sommes ; qu'il a formulé des demandes similaires à l'encontre de la société Adecco ; que la cour d'appel a dit que la demande en requalification à l'égard de la société Renault n'était fondée que pour le dernier contrat de travail temporaire qui expirait le 20 août 2004, le salarié ayant continué à travailler à l'expiration de sa mission sans avoir conclu un nouveau contrat de travail temporaire et a débouté M. X... du surplus de ses demandes tant à l'égard de la société Renault que de la société Adecco ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande à l'encontre de la société Renault tendant à la requalification des contrats de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée depuis 1999 et au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et non-respect de la procédure alors, selon le moyen :

1° / que le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; que si le recours à des salariés intérimaires peut être autorisé pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant du accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu'il soit nécessaire ni que cet accroissement temporaire présente un caractère exceptionnel, ni que le salarié recruté soit affecté à la réalisation même de ces tâches, il ne peut l'être lorsque l'accroissement s'inscrit dans l'évolution durable et constante de l'activité de l'entreprise ; que, s'agissant d'un constructeur automobile, la production d'un nouveau modèle de véhicule s'inscrit dans le cadre d'un accroissement durable et constant de l'activité de l'entreprise ; que la cour d'appel qui a constaté que le motif du recours au travail temporaire résultait du lancement d'un nouveau véhicule ou d'une nouvelle version de véhicule existant ou encore de l'aménagement d'une nouvelle zone (stockage de nouvelles pièces lors de la mise sur le marché de nouveaux véhicules ou de nouveaux modèles) n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles L. 124-2 et L. 124-2-1 du code du travail ;

2° / qu'il résulte de la combinaison des articles 954, alinéa 4, et 455 du code de procédure civile que les juges d'appel sont tenus de s'expliquer sur les motifs du jugement entrepris lorsque l'intimé en a demandé la confirmation ; qu'en s'abstenant de répondre aux motifs du jugement, selon lesquels la société Renault avait reconnu, lors des débats, utiliser un pourcentage important de main d'oeuvre temporaire, qu'il résultait de la comparaison des effectifs et des heures effectivement travaillées qu'il y avait eu recours à un apport massif d'intérimaires et non à un apport ponctuel tel que le prescrivait la loi, de sorte que la société Renault avait choisi une gestion de son effectif sous la forme d'un nombre très important de main d'oeuvre temporaire et intérimaire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 124-1 et L. 124-2-1 du code du travail et ensemble les articles 954, alinéa 4, et 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté que les différents contrats de mission sur la période d'octobre 1999 à janvier 2001 étaient destinés à remplacer ponctuellement et avec plusieurs périodes d'interruption, des salariés absents sur des postes différents d'agent de production et que pour les périodes du 3 au 14 janvier 2000, du 29 avril 2002 au 9 mai 2003, du 10 février au 15 mai 2004 et du 28 juillet au 20 août 2004, le salarié avait été employé pour faire face à un accroissement temporaire d'activité dû à une recrudescence de " commandes été " liées à des opérations promotionnelles à caractère cyclique, à une demande exceptionnelle provenant de la société Nissan, à l'aménagement d'une nouvelle zone de stockage pour les nouvelles pièces lors de la mise sur le marché de nouveaux véhicules ou nouveaux modèles, à un retard informatique, à des retards sur inventaire tournants et à la préparation du " mondial de l'automobile " ; qu'elle a exactement décidé, sans avoir à répondre à un moyen que ces constatations rendaient inopérant, que ces contrats de travail n'avaient pas pour effet de pourvoir durablement des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise et ne devaient pas être requalifiées en contrat à durée indéterminée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le pourvoi incident de la société Renault :

Vu les articles L. 124-7, alinéas 1er et 2, devenu, L. 1251-39 et L. 1251-40, L. 124-3, alinéas 1er et 2, devenu, L. 1251-42 et L. 1251-43, et L. 124-4, alinéa 1er à 9, devenu, L. 1251-16 et L. 1251-17 du code du travail ;

Attendu que pour condamner la société Renault à payer à M. X... diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et licenciement abusif, la cour d'appel a énoncé qu'en l'absence de signature par le salarié d'un nouveau contrat de travail temporaire, à l'expiration de sa précédente mission, le 21 août 2004, il était réputé lié, à compter de cette date, par un contrat de travail à durée indéterminée à la société Renault laquelle ne pouvait, en sa qualité d'utilisatrice, opposer au salarié, l'existence du contrat de mise à disposition signé avec la société Adecco, le 20 août 2004, pour échapper aux conséquences résultant de l'application des dispositions de l'article L. 124-7, alinéa 1er, la présomption édictée par cet article étant irréfragable ;

Attendu cependant, d'une part, que l'obligation de remise d'un contrat écrit de mission incombe, selon l'article L. 124-4 devenu L. 1251-16 du code du travail, à l'entreprise de travail temporaire ; que les dispositions de l'article L. 124-7, alinéa 1er, devenu L. 1251-39 de ce code, ne permettent pas au salarié intérimaire d'invoquer la violation par l'entreprise de travail temporaire des prescriptions de l'article L. 124-4 devenu L. 1251-16 de ce code, pour faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits afférents à un contrat à durée indéterminée ; d'autre part, qu'il résulte de l'article L. 124-7, alinéa 1er, devenu L. 1251-39 du code du travail que le salarié n'est réputé lié, par un contrat à durée indéterminée à l'entreprise utilisatrice, que lorsque celle-ci continue à le faire travailler à la fin de sa mission sans contrat de mise à disposition ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors que l'inobservation de l'obligation de remise d'un contrat écrit de mission incombait à la société Adecco et qu'elle avait constaté qu'un nouveau contrat de mise à disposition avait été conclu entre les sociétés Renault et Adecco, le 20 août 2004, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen du pourvoir principal du salarié :

Vu les articles L. 124-4, alinéas 1er à 9, devenu, L. 1251-16 et L. 1251-17 et L. 125-3, devenu, L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail ;

Attendu que pour rejeter la demande tendant à la requalification du contrat de mission temporaire de M. X... à l'encontre de la société Adecco et au paiement de diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a énoncé qu'étant réputé lié à la société Renault par un contrat à durée indéterminée depuis le 28 juillet 2004, M. X... ne pouvait dans le même temps prétendre être lié, pour la même période et aux mêmes conditions à la société Adecco ; que l'absence de contrat de travail temporaire à compter du 23 août 2004, imputable à la société Adecco, offrait à la société utilisatrice la possibilité de se retourner éventuellement contre la société de travail temporaire pour la garantir du préjudice subi du fait d'un tel manquement ; que le salarié ne démontrait pas le préjudice subi du fait de l'absence de contrat signé entre lui-même et la société Adecco, alors que conformément à ses revendications, il était devenu salarié de la société Renault dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée du fait de ce manquement ;

Attendu, cependant, que la signature d'un contrat écrit, imposée par la loi dans les rapports entre l'entreprise de travail temporaire et le salarié, est destinée à garantir qu'ont été observées les diverses conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite ; que cette prescription étant d'ordre public, son omission entraîne à la demande du salarié la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que postérieurement au 23 août 2004, aucun contrat de mission n'avait été conclu entre M. X... et la société Adecco, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Renault à payer à M. X... diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et pour licenciement abusif et en ce qu'il a rejeté la demande de M. X... à l'encontre de la société Adecco tendant à la requalification de son contrat de mission temporaire et au paiement de diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 21 novembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés Renault et Adecco et condamne la société Adecco à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille huit.

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