Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 juin 2008, 06-46.223, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 juin 2008, 06-46.223, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 06-46.223
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 25 juin 2008
Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, du 19 octobre 2006- Président
- Mme Morin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 octobre 2006), que M. X... a été engagé en qualité de chauffeur routier par la société Transports Hardy en 1997 ; qu'il a été affecté à un service en horaire de nuit, cinq jours par semaine, 170 heures 31 par mois, par avenant au contrat de travail du 6 novembre 2002 ; qu'investi de divers mandats représentatifs, il bénéficiait de 32 heures de délégation qu'il prenait en journée en supplément de son horaire de travail de nuit ; qu'alléguant que l'utilisation de ces heures de délégation en supplément du temps de travail effectif ne permettait pas de respecter des règles relatives à la durée maximale du travail et au repos journalier obligatoire, l'employeur a unilatéralement réduit les horaires de travail du salarié à 134 heures mensuelles réparties sur quatre nuits, en lui indiquant que les heures de délégation seraient comprises dans la durée normale du travail ; que M. X... qui n'a pas accepté cette modification, a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment au paiement des heures de délégation en heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ;
Sur les deux premiers moyens réunis :
Attendu que la société Transports Hardy fait grief à l'arrêt confirmatif de l'avoir condamnée au paiement de sommes à titre d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, ainsi qu'à une somme au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par les premiers juges et d'avoir ordonné la remise sous astreinte de l'annexe au bulletin de paye prévue par l'article R. 143-2 du code du travail pour la période de novembre 2002 au 31 juillet 2004, alors, selon le moyen :
1°/ que les heures de délégation sont de plein droit considérées comme du temps de travail effectif y compris lorsqu'elles sont prises par le salarié en dehors de son horaire de travail normal ; qu'elles viennent en conséquence s'ajouter au temps de travail habituel du salarié, pouvant conduire ce dernier à dépasser les durées maximales de travail et à faire obstacle à la prise du repos journalier obligatoire ; qu'en affirmant que "les heures de délégation ne peuvent, à raison de leur flexibilité et de la possibilité d'être utilisées en dehors des heures de travail en heures supplémentaires, constituer un obstacle au respect par l'employeur de la législation sur la durée du travail et du repos journalier", et en relevant que "les heures de délégation pouvaient toujours être prises en heures supplémentaires en dehors des heures de travail de manière à respecter le repos journalier", la cour d'appel a violé les articles 412-20, L. 424-1 et L. 434-1 du code du travail ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour démontrer que la prise de ses heures de délégation, en dehors de son temps de travail qui s'effectuait la nuit, faisait obstacle à la prise par M. X... du repos journalier obligatoire de 11 heures consécutives pouvant être ramené à 9 heures consécutives, elle faisait valoir que M. X... qui finissait son service le lundi matin à 7 heures 30, prenait ses heures de délégation systématiquement le lundi après-midi de 14 heures 30 à 16 heures au cours desquelles il assurait une permanence, avant de reprendre son service à 21 heures 35, ce qui le conduisait à ne prendre un repos journalier que de 5 heures 35 le lundi ; que pour l'établir, elle versait aux débats le tableau d'activité de M. X... de novembre 2002 à mai 2003 ainsi que le compte rendu de la réunion de la délégation unique du personnel du 25 février 2003, qui établissaient que le salarié avait, sans discontinuer, alterné de tels horaires de travail et de permanence pendant les sept mois s'étant écoulés avant que la société ne modifie ses horaires de travail ; qu'en affirmant qu'elle ne démontre pas, en se fondant sur des exemples tirés de l'exercice ponctuel de ses heures de délégation en milieu d'après-midi qu'elle était d'une manière générale et a priori dans l'impossibilité absolue d'organiser le travail de M. X... de façon à ce qu'il puisse bénéficier du repos minimum journalier de 11 heures consécutives réduites à 9 heures trois jours par semaine et de ses 32 heures mensuelles de délégation, sans examiner ni même viser ces pièces, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que la cassation à intervenir de la disposition de l'arrêt accordant au salarié des rappels de salaires pour heures supplémentaires et des dommages-intérêts pour repos compensateurs entraînera l'annulation de ce chef de dispositif, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
4°/ que la discrimination syndicale suppose que l'employeur ait pris en compte l'appartenance syndicale du salarié pour arrêter sa décision concernant la durée du travail et la rémunération du salarié ; qu'en l'espèce, il était constant que la modification des horaires de M. X... qui avait été décidée par la société consistait en la réduction de son temps de conduite pour lui permettre d'effectuer ses 32 heures de délégation sur son volume horaire mensuel, avec maintien de son salaire antérieur; qu'elle soutenait avoir été exclusivement motivée par la volonté de respecter la réglementation sur la durée du travail dans sa décision de modifier les horaires du salarié tout en permettant au salarié d'exercer ses heures de délégation, ce qu'elle établissait en versant aux débats ses correspondances avec l'inspection du travail, dans lesquelles elle avait toujours fait état de cette priorité; qu'en se bornant à affirmer qu'"il est manifeste que la société des Transports Hardy a oeuvré afin d'échapper au règlement des heures de délégation sous la forme d'heures supplémentaires" pour en déduire l'existence d'une discrimination syndicale, sans analyser le contenu de la modification des horaires de travail, ni les correspondances échangées avec l'inspection du travail qui établissaient la volonté de la société de préserver l'utilisation par le salarié des heures de délégation attachées à son mandat tout en respectant la réglementation sur la durée du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 412-2 du code du travail ;
Mais attendu que les heures de délégation peuvent être utilisées librement en dehors du temps de travail en heures supplémentaires lorsque les nécessités des mandats du salarié le justifient, sans faire obstacle au respect de la réglementation sur la durée maximale du travail et le repos journalier ;
Et attendu que la cour d'appel qui a constaté que le salarié pouvait prendre ses heures de délégations de manière à respecter le temps de repos journalier, et que la mesure critiquée lui avait été imposée en considération des conditions d'exercice de son activité syndicale, a légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 412-2, alinéa 1, devenu l'article 2141-5 du code du travail ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Transports Hardy aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille huit.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 octobre 2006), que M. X... a été engagé en qualité de chauffeur routier par la société Transports Hardy en 1997 ; qu'il a été affecté à un service en horaire de nuit, cinq jours par semaine, 170 heures 31 par mois, par avenant au contrat de travail du 6 novembre 2002 ; qu'investi de divers mandats représentatifs, il bénéficiait de 32 heures de délégation qu'il prenait en journée en supplément de son horaire de travail de nuit ; qu'alléguant que l'utilisation de ces heures de délégation en supplément du temps de travail effectif ne permettait pas de respecter des règles relatives à la durée maximale du travail et au repos journalier obligatoire, l'employeur a unilatéralement réduit les horaires de travail du salarié à 134 heures mensuelles réparties sur quatre nuits, en lui indiquant que les heures de délégation seraient comprises dans la durée normale du travail ; que M. X... qui n'a pas accepté cette modification, a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment au paiement des heures de délégation en heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ;
Sur les deux premiers moyens réunis :
Attendu que la société Transports Hardy fait grief à l'arrêt confirmatif de l'avoir condamnée au paiement de sommes à titre d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, ainsi qu'à une somme au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par les premiers juges et d'avoir ordonné la remise sous astreinte de l'annexe au bulletin de paye prévue par l'article R. 143-2 du code du travail pour la période de novembre 2002 au 31 juillet 2004, alors, selon le moyen :
1°/ que les heures de délégation sont de plein droit considérées comme du temps de travail effectif y compris lorsqu'elles sont prises par le salarié en dehors de son horaire de travail normal ; qu'elles viennent en conséquence s'ajouter au temps de travail habituel du salarié, pouvant conduire ce dernier à dépasser les durées maximales de travail et à faire obstacle à la prise du repos journalier obligatoire ; qu'en affirmant que "les heures de délégation ne peuvent, à raison de leur flexibilité et de la possibilité d'être utilisées en dehors des heures de travail en heures supplémentaires, constituer un obstacle au respect par l'employeur de la législation sur la durée du travail et du repos journalier", et en relevant que "les heures de délégation pouvaient toujours être prises en heures supplémentaires en dehors des heures de travail de manière à respecter le repos journalier", la cour d'appel a violé les articles 412-20, L. 424-1 et L. 434-1 du code du travail ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour démontrer que la prise de ses heures de délégation, en dehors de son temps de travail qui s'effectuait la nuit, faisait obstacle à la prise par M. X... du repos journalier obligatoire de 11 heures consécutives pouvant être ramené à 9 heures consécutives, elle faisait valoir que M. X... qui finissait son service le lundi matin à 7 heures 30, prenait ses heures de délégation systématiquement le lundi après-midi de 14 heures 30 à 16 heures au cours desquelles il assurait une permanence, avant de reprendre son service à 21 heures 35, ce qui le conduisait à ne prendre un repos journalier que de 5 heures 35 le lundi ; que pour l'établir, elle versait aux débats le tableau d'activité de M. X... de novembre 2002 à mai 2003 ainsi que le compte rendu de la réunion de la délégation unique du personnel du 25 février 2003, qui établissaient que le salarié avait, sans discontinuer, alterné de tels horaires de travail et de permanence pendant les sept mois s'étant écoulés avant que la société ne modifie ses horaires de travail ; qu'en affirmant qu'elle ne démontre pas, en se fondant sur des exemples tirés de l'exercice ponctuel de ses heures de délégation en milieu d'après-midi qu'elle était d'une manière générale et a priori dans l'impossibilité absolue d'organiser le travail de M. X... de façon à ce qu'il puisse bénéficier du repos minimum journalier de 11 heures consécutives réduites à 9 heures trois jours par semaine et de ses 32 heures mensuelles de délégation, sans examiner ni même viser ces pièces, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que la cassation à intervenir de la disposition de l'arrêt accordant au salarié des rappels de salaires pour heures supplémentaires et des dommages-intérêts pour repos compensateurs entraînera l'annulation de ce chef de dispositif, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
4°/ que la discrimination syndicale suppose que l'employeur ait pris en compte l'appartenance syndicale du salarié pour arrêter sa décision concernant la durée du travail et la rémunération du salarié ; qu'en l'espèce, il était constant que la modification des horaires de M. X... qui avait été décidée par la société consistait en la réduction de son temps de conduite pour lui permettre d'effectuer ses 32 heures de délégation sur son volume horaire mensuel, avec maintien de son salaire antérieur; qu'elle soutenait avoir été exclusivement motivée par la volonté de respecter la réglementation sur la durée du travail dans sa décision de modifier les horaires du salarié tout en permettant au salarié d'exercer ses heures de délégation, ce qu'elle établissait en versant aux débats ses correspondances avec l'inspection du travail, dans lesquelles elle avait toujours fait état de cette priorité; qu'en se bornant à affirmer qu'"il est manifeste que la société des Transports Hardy a oeuvré afin d'échapper au règlement des heures de délégation sous la forme d'heures supplémentaires" pour en déduire l'existence d'une discrimination syndicale, sans analyser le contenu de la modification des horaires de travail, ni les correspondances échangées avec l'inspection du travail qui établissaient la volonté de la société de préserver l'utilisation par le salarié des heures de délégation attachées à son mandat tout en respectant la réglementation sur la durée du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 412-2 du code du travail ;
Mais attendu que les heures de délégation peuvent être utilisées librement en dehors du temps de travail en heures supplémentaires lorsque les nécessités des mandats du salarié le justifient, sans faire obstacle au respect de la réglementation sur la durée maximale du travail et le repos journalier ;
Et attendu que la cour d'appel qui a constaté que le salarié pouvait prendre ses heures de délégations de manière à respecter le temps de repos journalier, et que la mesure critiquée lui avait été imposée en considération des conditions d'exercice de son activité syndicale, a légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 412-2, alinéa 1, devenu l'article 2141-5 du code du travail ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Transports Hardy aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille huit.