Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 avril 2008, 06-45.270, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) représentée par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin a été entendue en ses observations, par application de l'article 13 de la loi du 30 décembre 2004 modifiée par la loi du 31 mars 2006 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 13 septembre 2006), que M. X..., salarié de nationalité française de la société European synchrotron, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant en son dernier état au paiement d'une indemnité d'expatriation réservée par l'article 50 de la convention d'entreprise de 1993 aux salariés de nationalité étrangère ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande, alors, selon le moyen, que :

1°/ l'octroi d'une prime d'expatriation , versée aux seuls salariés étrangers et indépendamment de toute expatriation effective, présente un caractère discriminatoire ; que la circonstance que la prime litigieuse aurait pour objet de faciliter l'embauche de salariés ressortissants non français afin de contribuer à la création d'un pôle d'excellence scientifique international ne constitue pas une justification objective et étrangère à la prohibition des discriminations fondées sur la nationalité ; qu'en déboutant M. X... de sa demande après avoir retenu qu'il pouvait être admis que dans un premier temps et pour atteindre l'objectif de création d'un pôle scientifique international d'excellence, un tel avantage soit conféré à tous les salariés "étrangers" quelle que fût leur provenance géographique et y compris s'ils avaient toujours habité en France, voire à Grenoble, la cour d'appel a violé les articles L. 122-45 du code du travail, ensemble les articles 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 1er du protocole additionnel à la convention relatif au droit de propriété et les articles 12 et 39 TCE ;

2°/ selon le principe "à travail égal, salaire égal", une inégalité de traitement entre des salariés peut être justifiée à la seule condition de reposer sur des raisons objectives, étrangères à toute discrimination prohibée ; que méconnaît le principe d'égalité de traitement en matière de rémunération, le versement aux seuls salariés de nationalité non française, d'une prime dite d'expatriation ou de dépaysement, dont le montant varie selon la composition familiale des salariés en bénéficiant, indépendamment de toute expatriation effective ; que M. X... avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que la prime versée sur le fondement de l'article 50 de la convention d'entreprise du 18 juin 1993 pouvait générer un écart de 14 à 22 % du salaire en fonction de la composition de la famille du salarié de nationalité non française et bénéficiait à des salariés non français indépendamment de toute expatriation effective ; que la cour d'appel, qui a débouté M. X... de ses demandes, sans vérifier si les différences de salaires invoquées n'étaient pas disproportionnées au regard du but poursuivi par la prime litigieuse, a privé sa décision de base légale au regard du principe "à travail égal, salaire égal", ensemble les articles L. 140-2 du code du travail, 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1er du protocole additionnel à la convention relatif au droit de propriété et des articles 12 et 39 TCE ;

Mais attendu, d'abord, que le principe de non-discrimination en raison de la nationalité énoncé par l'article 12 du traité CE n'a vocation à s'appliquer que dans les situations régies par le droit communautaire ; qu'ainsi, en matière d'emploi, il n'est destiné, en vertu de l'article 39 du traité, qu'à garantir la libre circulation des travailleurs ; qu'il en résulte que ces dispositions ne peuvent pas être invoquées par un salarié qui n'a pas exercé cette liberté de circulation pour travailler dans un autre Etat membre ;

Attendu, ensuite, qu'il résulte des dispositions combinées du préambule de la Convention de Paris du 16 décembre 1988 relative à la construction et à l'exploitation d'une installation européenne de rayonnement synchrotron, de la résolution n°2 jointe à l'acte final, des articles 12 et 25 des statuts de la société Installation européenne de rayonnement synchrotron et 50 de la convention collective d'entreprise précitée, que la prime d'expatriation, prévue par les statuts annexés à la convention, est destinée à compenser les inconvénients résultant de l'expatriation du salarié et de sa famille et à contribuer à la création d'un pôle d'excellence scientifique international ; que la privation de cet avantage pour les salariés français repose ainsi sur une raison objective, pertinente, étrangère à toute discrimination prohibée et proportionnée à l'objectif légitimement poursuivi par les Etats contractants ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille huit.

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