Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 1 avril 2008, 06-46.027, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 1 avril 2008, 06-46.027, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 06-46.027
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mardi 01 avril 2008
Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 06 octobre 2006- Président
- Mme Collomp (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 octobre 2006), que M. X..., employé depuis le 21 décembre 1998 par la société Bureau Veritas (la société) selon un contrat de travail soumis à la loi norvégienne, a été licencié le 7 juin 1999 pour des motifs qui lui ont été précisés par lettre du 31 janvier 2000 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement de M. X... était abusif et de l'avoir condamnée au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que, si le juge est fondé à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère, il lui appartient, en vertu de l'article 16 du code de procédure civile, de respecter les droits de la défense ; qu'en l'espèce, l'adversaire n'ayant nullement soulevé un tel moyen, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé le texte susvisé en écartant d'office les documents établis en anglais et non traduits qu'avait produits la société Bureau Veritas, sans inviter au préalable cette dernière à en fournir la traduction ;
2°/ que se contredit dans ses explications, en violation de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui écarte les griefs de manque de fiabilité sur le plan économique et de manque de performances dans la gestion du personnel au motif qu'il avait été proposé à M. X... le 12 avril 1999 un nouveau poste à titre de promotion et de reconnaissance de sa contribution majeure au développement des activités de la région Europe de l'Est (arrêt attaqué, p. 8), tout en considérant ensuite que "à l'évidence" ladite proposition "n'était pas une promotion" en reconnaissance de sa contribution au développement desdites activités (arrêt attaqué, p. 10) ;
3°/ qu'en ce qui concerne le manque de performances dans la gestion du personnel, prive sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil français et de la loi norvégienne expressément choisie par les parties l'arrêt attaqué qui retient que ce grief n'est pas établi, sans rechercher si l'hostilité d'une partie du personnel à l'endroit de M. X... qu'il constate ne démontrait pas l'incapacité de ce dernier à gérer son personnel ; que de plus, la société Bureau Veritas ayant précisé dans la lettre du 31 janvier 2000 explicitant les motifs du licenciement que M. X... traitait de manière injuste les membres du personnel en désaccord avec son comportement notamment en les privant d'augmentation de salaire et en leur refusant le remboursement de leurs frais professionnels, prive sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil français et des articles 60 et suivants du code de l'environnement du travail norvégien, l'arrêt attaqué qui s'abstient de rechercher si le mécontentement des salariés au niveau de leurs salaires qu'il constate ne résultait pas précisément du comportement de M. X... à leur endroit ; qu'en outre, prive sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil français et des articles 60 et suivants du code de l'environnement du travail norvégien l'arrêt attaqué qui écarte le grief de manque de performances dans la gestion du personnel, sans tenir compte du fait, invoqué par la société Bureau Veritas dans ses conclusions (p. 16), que dix-sept démissions étaient intervenues au cours des deux années précédentes et que M. X... avait lui-même reconnu dans ses écritures de première instance qu'il rencontrait des problèmes relationnels avec certains de ses collaborateurs ;
4°/ qu'il était reproché à M. X... d'avoir menti à son employeur, en refusant de se rendre à un rendez-vous avec M. Y... son supérieur hiérarchique en janvier 1999 au motif de problèmes de santé qui lui auraient interdit tout déplacement de Saint-Pétersbourg à Moscou, bien qu'il ait effectué à la même époque un voyage professionnel beaucoup plus long ; que prive sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil français et des articles 60 et suivants du code de l'environnement du travail norvégien l'arrêt attaqué qui écarte ce grief de manque de fiabilité au motif inopérant qu'il ne pouvait être reproché à l'intéressé de s'être déplacé dans l'intérêt de l'entreprise, ce qui était sans rapport avec le grief formulé ;
5°/ qu'ayant constaté que les certificats médicaux produits par M. X... ne faisaient apparaître une interdiction de travailler qu'à compter du 11 février 1999, prive sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil français et des articles 60 et suivants du code de l'environnement du travail norvégien l'arrêt attaqué qui, par simple affirmation, retient que M. X... avait pu refuser de rencontrer son employeur pour discuter de ses nouvelles fonctions fin janvier 1999 au motif qu'il se trouvait alors en convalescence chez lui à la suite d'une hospitalisation (en décembre 1998) ;
Mais attendu, d'abord, que le juge est fondé à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère faute de production d'une traduction en langue française ;
Et attendu, ensuite, que les autres griefs du moyen ne font que remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par les juges du fond de la valeur et de la portée des éléments soumis à leur appréciation dont ils ont pu déduire que le licenciement de M. X... était abusif au regard de la loi norvégienne ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... une somme au titre de la perte d'une chance de réaliser une plus-value sur ses options d'achat des actions qui lui avaient été distribuées, alors, selon le moyen, que le contrat de travail de M. X... étant un contrat international soumis à la loi norvégienne, viole l'article 3 du code civil français l'arrêt attaqué qui alloue à l'intéressé une somme de 165 000 euros au titre de la perte d'une chance de réaliser une plus-value sur ses options d'achat d'actions Bureau Veritas, sans vérifier si le droit norvégien admet la réparation du préjudice résultant de la perte d'une chance, et, dans l'affirmative, dans quelle mesure ;
Mais attendu que n'encourt pas les griefs du moyen l'arrêt qui, faisant application du droit norvégien, et plus particulièrement de l'article 62 du code du travail norvégien sur lequel M. X... avait fondé sa demande, a alloué à celui-ci une indemnité en réparation d'un préjudice résultant du licenciement abusif ; que ce moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bureau Veritas aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bureau Veritas à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille huit.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 octobre 2006), que M. X..., employé depuis le 21 décembre 1998 par la société Bureau Veritas (la société) selon un contrat de travail soumis à la loi norvégienne, a été licencié le 7 juin 1999 pour des motifs qui lui ont été précisés par lettre du 31 janvier 2000 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement de M. X... était abusif et de l'avoir condamnée au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que, si le juge est fondé à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère, il lui appartient, en vertu de l'article 16 du code de procédure civile, de respecter les droits de la défense ; qu'en l'espèce, l'adversaire n'ayant nullement soulevé un tel moyen, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé le texte susvisé en écartant d'office les documents établis en anglais et non traduits qu'avait produits la société Bureau Veritas, sans inviter au préalable cette dernière à en fournir la traduction ;
2°/ que se contredit dans ses explications, en violation de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui écarte les griefs de manque de fiabilité sur le plan économique et de manque de performances dans la gestion du personnel au motif qu'il avait été proposé à M. X... le 12 avril 1999 un nouveau poste à titre de promotion et de reconnaissance de sa contribution majeure au développement des activités de la région Europe de l'Est (arrêt attaqué, p. 8), tout en considérant ensuite que "à l'évidence" ladite proposition "n'était pas une promotion" en reconnaissance de sa contribution au développement desdites activités (arrêt attaqué, p. 10) ;
3°/ qu'en ce qui concerne le manque de performances dans la gestion du personnel, prive sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil français et de la loi norvégienne expressément choisie par les parties l'arrêt attaqué qui retient que ce grief n'est pas établi, sans rechercher si l'hostilité d'une partie du personnel à l'endroit de M. X... qu'il constate ne démontrait pas l'incapacité de ce dernier à gérer son personnel ; que de plus, la société Bureau Veritas ayant précisé dans la lettre du 31 janvier 2000 explicitant les motifs du licenciement que M. X... traitait de manière injuste les membres du personnel en désaccord avec son comportement notamment en les privant d'augmentation de salaire et en leur refusant le remboursement de leurs frais professionnels, prive sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil français et des articles 60 et suivants du code de l'environnement du travail norvégien, l'arrêt attaqué qui s'abstient de rechercher si le mécontentement des salariés au niveau de leurs salaires qu'il constate ne résultait pas précisément du comportement de M. X... à leur endroit ; qu'en outre, prive sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil français et des articles 60 et suivants du code de l'environnement du travail norvégien l'arrêt attaqué qui écarte le grief de manque de performances dans la gestion du personnel, sans tenir compte du fait, invoqué par la société Bureau Veritas dans ses conclusions (p. 16), que dix-sept démissions étaient intervenues au cours des deux années précédentes et que M. X... avait lui-même reconnu dans ses écritures de première instance qu'il rencontrait des problèmes relationnels avec certains de ses collaborateurs ;
4°/ qu'il était reproché à M. X... d'avoir menti à son employeur, en refusant de se rendre à un rendez-vous avec M. Y... son supérieur hiérarchique en janvier 1999 au motif de problèmes de santé qui lui auraient interdit tout déplacement de Saint-Pétersbourg à Moscou, bien qu'il ait effectué à la même époque un voyage professionnel beaucoup plus long ; que prive sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil français et des articles 60 et suivants du code de l'environnement du travail norvégien l'arrêt attaqué qui écarte ce grief de manque de fiabilité au motif inopérant qu'il ne pouvait être reproché à l'intéressé de s'être déplacé dans l'intérêt de l'entreprise, ce qui était sans rapport avec le grief formulé ;
5°/ qu'ayant constaté que les certificats médicaux produits par M. X... ne faisaient apparaître une interdiction de travailler qu'à compter du 11 février 1999, prive sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil français et des articles 60 et suivants du code de l'environnement du travail norvégien l'arrêt attaqué qui, par simple affirmation, retient que M. X... avait pu refuser de rencontrer son employeur pour discuter de ses nouvelles fonctions fin janvier 1999 au motif qu'il se trouvait alors en convalescence chez lui à la suite d'une hospitalisation (en décembre 1998) ;
Mais attendu, d'abord, que le juge est fondé à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère faute de production d'une traduction en langue française ;
Et attendu, ensuite, que les autres griefs du moyen ne font que remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par les juges du fond de la valeur et de la portée des éléments soumis à leur appréciation dont ils ont pu déduire que le licenciement de M. X... était abusif au regard de la loi norvégienne ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... une somme au titre de la perte d'une chance de réaliser une plus-value sur ses options d'achat des actions qui lui avaient été distribuées, alors, selon le moyen, que le contrat de travail de M. X... étant un contrat international soumis à la loi norvégienne, viole l'article 3 du code civil français l'arrêt attaqué qui alloue à l'intéressé une somme de 165 000 euros au titre de la perte d'une chance de réaliser une plus-value sur ses options d'achat d'actions Bureau Veritas, sans vérifier si le droit norvégien admet la réparation du préjudice résultant de la perte d'une chance, et, dans l'affirmative, dans quelle mesure ;
Mais attendu que n'encourt pas les griefs du moyen l'arrêt qui, faisant application du droit norvégien, et plus particulièrement de l'article 62 du code du travail norvégien sur lequel M. X... avait fondé sa demande, a alloué à celui-ci une indemnité en réparation d'un préjudice résultant du licenciement abusif ; que ce moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bureau Veritas aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bureau Veritas à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille huit.