Cour d'appel de Lyon, Chambre civile 2, 17 janvier 2008, 06/05749

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
JAF
Cab. 1
RG : 2006 / 2955
du 07 juin 2006


X...

C /

Z...

COUR D'APPEL DE LYON

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 17 JANVIER 2008

APPELANT :


Monsieur Yves X...
...
69320 FEYZIN

représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour

assisté de Me KOHLER-CHEVROT, avocat au barreau de PARIS


INTIMEE :


Madame Margarita Z... épouse X...
...
...
CHORRILLOS LIMA 9 (PEROU)

représentée par Me GUILLAUME, avoué à la Cour

assistée de Me ORDONEZ, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 032164 du 07 / 12 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

L'instruction a été clôturée le 15 Novembre 2007

L'audience de plaidoiries a eu lieu le 15 Novembre 2007

L'affaire a été mise en délibéré au 17 Janvier 2008

La Deuxième Chambre de la Cour d'Appel de LYON,

composée lors des débats et du délibéré de :


Michèle RAGUIN GOUVERNEUR, conseillère,
faisant fonction de présidente,

Marie LACROIX, conseillère,

Pierre BARDOUX, conseiller.

Christine SENTIS, greffière, pendant les débats en audience non publique uniquement.

A l'audience, Monsieur BARDOUX a fait le rapport conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Arrêt : contradictoire

prononcé en Chambre du Conseil par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour d'Appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Signé par Michèle RAGUIN GOUVERNEUR, conseillère et par Christine SENTIS, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE


Monsieur Yves X... et Madame Margarita Z... se sont mariés le 18 septembre 1998 à Lima (Pérou).

De leur union est né un enfant Jean-Yves, le 4 juillet 2000, à Vénissieux (France).

Monsieur X... a formé une demande en divorce le 5 janvier 2006 devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lyon.

La tentative de conciliation a été fixée au 9 mai 2006.

Madame Z..., régulièrement convoquée, ne s'est pas présentée à l'audience de conciliation.

Elle a adressé un courrier, exposant ne pouvoir se déplacer pour l'audience, accompagné de pièces en espagnol, non traduites.

Par ordonnance réputée contradictoire du 7 juin 2006 le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lyon a constaté la non-conciliation des époux et statuant à titre provisoire, a attribué à Monsieur X... la jouissance du domicile conjugal situé ... à Feyzin, a ordonné la remise des vêtements et objets personnels de Madame Z..., a constaté que les parents exerçaient en commun l'autorité parentale sur l'enfant mineur,
a fixé sa résidence habituelle chez la mère, a dit que le père exercerait son droit de visite et d'hébergement librement, et à défaut d'accord,10 jours par trimestre, lorsqu'il séjournerait au Pérou, a rappelé que les mesures ci-dessus prescrites étaient, de plein droit, exécutoires, à titre provisoire, en application de l'article 514 du NCPC.

Monsieur X... a relevé appel de cette décision le 31 août 2006.

Il sollicite que la résidence habituelle de l'enfant soit fixée à son domicile et qu'un droit de visite libre soit organisé en faveur de la mère, et à défaut d'accord, pendant toutes les vacances prévues au Pérou, à charge pour le père de régler ses frais de transport et d'hébergement en janvier et février de chaque année.

Il demande la condamnation de Madame Z... aux dépens avec distraction au profit de son avoué.

Madame Z... soulève l'incompétence territoriale de la juridiction française au profit de la juridiction péruvienne, au motif :

*que le domicile conjugal était fixé au Pérou, domicile que son mari a quitté en mars 2005,

*que l'enfant réside avec sa mère au Pérou et que dans l'hypothèse où les époux ont des domiciles distincts, le tribunal compétent est celui du lieu où réside celui des époux avec lequel habite l'enfant, soit la juridiction péruvienne,

*que Monsieur X... a expressément refusé la compétence des juridictions françaises en étant partie à diverses procédures devant les juridictions péruviennes,

comme demandeur

-pour l'autorisation de voyage de son fils mineur (autorisation refusée par suite de l'opposition de la mère),

-pour l'organisation d'un droit de visite (procédure ayant donné lieu à une conciliation des parties),

et comme défendeur, à une procédure engagée par la mère en fixation d'une pension alimentaire pour l'enfant.

À titre subsidiaire, elle demande la confirmation de la décision entreprise, compte tenu du jeune âge de l'enfant et de l'absence d'éléments sur les capacités éducatives du père.

Elle demande la condamnation de Monsieur X... aux dépens avec distraction au profit de son avoué.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2007.


DISCUSSION


Sur la compétence territoriale en matière matrimoniale :

Le règlement européen du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, appelé communément « règlement Bruxelles II bis », constitue le droit commun de la compétence internationale des juridictions françaises, applicable, en l'espèce, la procédure ayant été intentée postérieurement au 1er mars 2005, date d'entrée en vigueur du règlement.

L'article 3 de ce règlement retient la compétence des juridictions françaises en matière de divorce lorsque le demandeur réside sur le territoire français depuis au moins six mois avant l'introduction de la demande et qu'il est ressortissant de l'État français.

En l'espèce, Monsieur X... est de nationalité française et il n'est pas contesté qu'il réside en France, son séjour au Pérou n'ayant été que de très courte durée (de décembre 2004 à mars 2005).

L'objection de Madame Z... aux termes de laquelle Monsieur X... aurait renoncé à la compétence des juridictions françaises est inopérante, dès lors qu'aucune action en divorce n'a été intentée au Pérou jusqu'à présent.

Les procédures intentées au Pérou :

– la première procédure, en date du 26 janvier 2006, constitue une décision de conciliation qui a trait à l'organisation d'un droit de visite du père en milieu neutre,

– la deuxième procédure, en date du 10 novembre 2005, équivaut à un classement sans suite du ministère public péruvien à la suite d'une plainte déposée par Madame Z... à l'encontre de son époux pour des faits de violence psychologique,

– la troisième procédure, en date du 17 mars 2006, a ordonné l'interdiction de sortie du territoire péruvien à Monsieur X..., au motif que ce dernier ne respecte pas son obligation de verser une pension alimentaire,

ont eu seulement pour but d'organiser la séparation de fait des époux, compte tenu des domiciliations séparées des époux, le père en France, et la mère et l'enfant au Pérou.

C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu sa compétence territoriale en matière matrimoniale.

Sur la loi applicable en matière matrimoniale :

En l'absence de convention internationale, la loi applicable est déterminée par l'article 309 du Code civil au terme duquel le divorce et la séparation de corps sont régis par la loi française :

-lorsque l'un et l'autre des époux sont de nationalité française,

-lorsque les époux ont, l'un et l'autre, leur domicile sur le territoire français,

-lorsque aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente, alors que les tribunaux français sont compétents pour connaître du divorce de la séparation de corps.

Or la question de la loi applicable n'a pas été débattue devant le premier juge, lequel devait relever d'office cette question de droit.

Il convient donc d'annuler la décision du premier juge, en ce qu'il a statué en matière matrimoniale sans avoir relevé d'office la question de la loi applicable.

Sur la compétence territoriale en matière de responsabilité parentale :

Le règlement Bruxelles II bis ne s'applique pas à la présente procédure en ce qui concerne les mesures relatives à l'enfant, puisque ce dernier ne réside pas habituellement dans un État membre de l'union européenne au moment où la juridiction est saisie, mais réside au Pérou, dans un état tiers (article 8 du règlement).

La prorogation de compétence de l'article 12 du règlement, qui permet à la juridiction compétente en vertu de l'article 3 pour statuer sur une demande en divorce de rester compétente pour toute question relative à la responsabilité parentale liée à cette demande, suppose cumulativement qu'au moins l'un des époux exerce la responsabilité parentale à l'égard d'un enfant, mais aussi que cette prorogation de compétence ait été acceptée expressément par les époux titulaires de la responsabilité parentale, à la date à laquelle la juridiction est saisie, et qu'elle est dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

Madame Z..., qui revendique la compétence des juridictions péruviennes, n'est à l'évidence pas d'accord pour une telle prorogation de compétence des juridictions françaises pour trancher les questions relatives à la responsabilité parentale.

En l'absence de convention internationale la compétence juridictionnelle est donc à régler par application des règles nationales de compétence.

Or au terme des dispositions de l'article 1070 du NCPC, le juge français ne trouve aucun critère de compétence :

-la résidence de la famille n'est pas fixée en France,

-le juge du lieu de résidence du parent avec lequel réside habituellement l'enfant est le juge péruvien,

-le juge du lieu où réside le défendeur est également le juge péruvien.

Le premier juge ne pouvait donc retenir sa compétence territoriale en matière de responsabilité parentale.

Il convient donc d'annuler la décision du premier juge en ce qu'il a retenu sa compétence territoriale en matière de responsabilité parentale.

Sur la médiation internationale :

Le Pérou et la France sont parties à la convention du 25 octobre 1980, relative aux aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, respectivement depuis le 1er août 2001 et le 1er décembre 1983.

Cette convention a notamment pour objet de faire respecter effectivement dans les autres états contractants les droits de garde et de visite existant dans un état contractant.

En vertu des articles 7 et 21 combinés de la convention, les autorités centrales de la France et du Pérou sont tenus de collaborer pour organiser, favoriser et protéger les droits de visite, ainsi que de lever tous les obstacles de nature à couper les enfants de leurs racines internationales.

Un médiateur, c'est-à-dire une tierce personne qualifiée, indépendante et impartiale, organise des entretiens confidentiels dont l'objet est d'aider les parents, qui vivent dans des états différents et qui sont en litige, à rétablir un lien de communication et à conclure un accord qui soit mutuellement acceptable tout en prenant en compte l'intérêt de l'enfant.

Compte tenu du désaccord existant entre les parents sur la question de l'intérêt de l'enfant, et compte tenu des difficultés procédurales dues notamment au caractère transfrontalier du litige, il y a lieu d'inviter dès à présent les parties à recourir à une médiation internationale et, plus particulièrement, Monsieur X... à saisir le bureau d'Aide à la Médiation Internationale pour les Familles, rattaché au bureau de l'Entraide Civile et Commerciale Internationale auprès de la Direction des Affaires Civiles et du Sceau du Ministère de la Justice,13 place Vendôme à Paris, dans la perspective d'une saisine de l'autorité centrale péruvienne en vue de la protection ou de l'organisation de son droit de visite, en application de l'article 21 de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980.


PAR CES MOTIFS

La Cour,

Annule l'ordonnance de non conciliation rendue par le juge conciliateur du tribunal de grande instance de Lyon le 7 juin 2006 entre les époux Yves X... et Margarita Z...,
Invite les parties à recourir à une médiation internationale dans le cadre de la convention du 25 octobre 1980, en sollicitant l'intervention du bureau de l'Aide à la Médiation Internationale pour les Familles, rattaché au bureau de l'Entraide Civile et Commerciale Internationale auprès de la Direction des Affaires Civiles et du Sceau du Ministère de la Justice,

Condamne Monsieur X... aux dépens avec distraction au profit de Maître GUILLAUME, avoué et recouvrement comme en matière d'aide juridictionnelle.

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