Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 5 février 2008, 07-84.724, Publié au bulletin
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 5 février 2008, 07-84.724, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 07-84.724
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mardi 05 février 2008
Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 30 mai 2007- Président
- M. Cotte
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
-X... Danièle, épouse Y...,
contre l'arrêt de Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 30 mai 2007, qui, pour faux et usage, l'a condamnée à 10 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 441-1 du code pénal,591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Danièle X..., épouse Y..., coupable de faux ;
" aux motifs que Danièle Y... a reconnu qu'elle a volontairement omis de mentionner l'existence du compte ouvert à Pubs dans l'inventaire adressé le 31 janvier 2000 au juge des tutelles ; qu'elle a tenté de s'en justifier en prétendant qu'elle ignorait, lors de l'établissement de l'inventaire, si ce compte existait encore et quel pouvait en être le montant ; que, d'une part, de telles explications ne sont pas crédibles dès lors que ce montant d'environ 3,2 millions de francs représentait une partie importante du patrimoine constitué par René X... et que, depuis longtemps, Danièle Y... et son époux, Jean-Pierre Y..., avaient été associés à la gestion du patrimoine de leur père et beau-père ; que, d'autre part, même dans l'hypothèse qu'elle invoque, il aurait été facile à la prévenue d'indiquer dans l'inventaire l'existence éventuelle de ce compte, tout en précisant qu'elle ne connaissait pas exactement le montant des sommes qui y étaient déposées ; que c'est du reste ce qu'elle a fait, dans son compte rendu de tutelle du 27 février 2002, après le dépôt de la plainte ; qu'enfin, l'existence même du compte ne pouvait susciter pour elle quelque interrogation que ce fût, dès lors qu'elle s'était personnellement déplacée à Genève, antérieurement à l'inventaire, pour en bloquer le fonctionnement ; que, pour écarter l'infraction de faux et d'usage, les premiers juges ont retenu que l'omission litigieuse n'avait eu « strictement aucun effet négatif » pour les époux X... A..., dès lors que ce compte « échappait ainsi au contrôle de la justice » ; qu'un tel argument, renforcé par des considérations sur la « médiocrité des motivations des parties en présence » qui « n'éveille pas les compassions » du tribunal, susceptibles de faire douter de l'impartialité des premiers juges, ne peut être adopté par la cour ; qu'au contraire, la soustraction d'une partie des biens d'un majeur protégé au contrôle du juge des tutelles ne peut que nuire à cette personne, dès lors qu'elle perd ainsi le bénéfice de la mesure de protection instituée à son profit ;
" alors que le faux porte sur un écrit susceptible de faire la preuve d'un droit ou d'un fait pouvant avoir des conséquences juridiques ; que de simples déclarations sujettes à vérification ne sont pas constitutives de faux, un inventaire faisant état de la consistance d'un patrimoine ne constituant pas un titre au profit de celui qui l'a établi et ne faisant pas preuve par lui-même d'un fait susceptible d'avoir des conséquences juridiques, cet écrit n'établissant pas la consistance du patrimoine de la personne placée sous curatelle ; que, dès lors, le fait d'établir un inventaire ne mentionnant pas l'existence d'un compte en banque ouvert par la personne placée sous tutelle, ne constituant ni un titre ni la preuve d'un fait susceptible d'avoir des conséquences de droit, la cour d'appel, qui a considéré que l'inventaire erroné constituait un faux, sans expliquer en quoi cet inventaire pouvait constituer la preuve d'un fait qu'il ne constatait même pas, a méconnu l'article 441-1 du code pénal ;
" alors que le curateur pouvant uniquement accomplir seul les actes limités à la perception des revenus et au paiement des dettes de la personne placée sous curatelle, cette dernière conservant pour le surplus la jouissance de son patrimoine, au besoin avec l'assistance du curateur, le fait de ne pas inscrire dans l'inventaire des biens de cette personne l'existence d'un compte en banque n'est pas en soi de nature à causer un préjudice à la personne protégée dès lors qu'il est insuffisant pour dissiper ses biens ; qu'en décidant que l'inventaire erroné éludait le contrôle du juge, alors que cet inventaire incomplet n'était pas susceptible à lui seul de porter préjudice à la personne protégée qui conservait par ailleurs un certain pouvoir sur son patrimoine en application des articles 508 et suivants du code civil, comme a pu le constater la cour d'appel en abordant le prélèvement sur le compte UBS, qui n'apparaissait pas dans l'inventaire, pour mener un projet d'acquisition et qu'il n'aurait permis d'éluder le contrôle du juge que si par ailleurs des prélèvements sur ce compte n'avaient pas été portés à la connaissance du juge, la cour d'appel, qui n'a ainsi pas caractérisé le fait que l'inventaire erroné était à lui seul de nature à porter préjudice à la personne protégée, a privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Danièle Y... a été renvoyée devant le tribunal correctionnel des chefs de faux et d'abus de faiblesse ; que les premiers juges l'ont renvoyée des fins des poursuites et ont débouté la partie civile de ses demandes ; que celle-ci, ainsi que le ministère public, ont interjeté appel ;
Attendu que, pour infirmer partiellement le jugement et condamner la prévenue pour faux et usage, l'arrêt retient qu'ayant été nommée curatrice de son père, René X..., elle a adressé au juge des tutelles, un inventaire des biens de celui-ci, qui ne mentionnait pas l'existence d'un compte ouvert dans une banque suisse au nom du majeur protégé et de l'épouse de celui-ci, compte sur lequel se trouvait une somme importante ; que les juges ajoutent que cette omission était délibérée, Danièle Y... ayant tenté, quelques jours plus tôt, de faire bloquer ce compte et qu'elle ne pouvait que nuire au majeur protégé en le privant de la protection instituée à son profit ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, constitue un faux l'omission volontaire d'un bien dans l'inventaire établi par un curateur et remis au juge des tutelles, cette omission ayant pour conséquence d'éluder le contrôle judiciaire institué dans l'intérêt des majeurs protégés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Le Corroller, Mmes Radenne, Canivet-Beuzit, M. Finidori conseillers de la chambre, Mme Agostini, MM. Chaumont, Delbano conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mouton ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
-X... Danièle, épouse Y...,
contre l'arrêt de Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 30 mai 2007, qui, pour faux et usage, l'a condamnée à 10 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 441-1 du code pénal,591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Danièle X..., épouse Y..., coupable de faux ;
" aux motifs que Danièle Y... a reconnu qu'elle a volontairement omis de mentionner l'existence du compte ouvert à Pubs dans l'inventaire adressé le 31 janvier 2000 au juge des tutelles ; qu'elle a tenté de s'en justifier en prétendant qu'elle ignorait, lors de l'établissement de l'inventaire, si ce compte existait encore et quel pouvait en être le montant ; que, d'une part, de telles explications ne sont pas crédibles dès lors que ce montant d'environ 3,2 millions de francs représentait une partie importante du patrimoine constitué par René X... et que, depuis longtemps, Danièle Y... et son époux, Jean-Pierre Y..., avaient été associés à la gestion du patrimoine de leur père et beau-père ; que, d'autre part, même dans l'hypothèse qu'elle invoque, il aurait été facile à la prévenue d'indiquer dans l'inventaire l'existence éventuelle de ce compte, tout en précisant qu'elle ne connaissait pas exactement le montant des sommes qui y étaient déposées ; que c'est du reste ce qu'elle a fait, dans son compte rendu de tutelle du 27 février 2002, après le dépôt de la plainte ; qu'enfin, l'existence même du compte ne pouvait susciter pour elle quelque interrogation que ce fût, dès lors qu'elle s'était personnellement déplacée à Genève, antérieurement à l'inventaire, pour en bloquer le fonctionnement ; que, pour écarter l'infraction de faux et d'usage, les premiers juges ont retenu que l'omission litigieuse n'avait eu « strictement aucun effet négatif » pour les époux X... A..., dès lors que ce compte « échappait ainsi au contrôle de la justice » ; qu'un tel argument, renforcé par des considérations sur la « médiocrité des motivations des parties en présence » qui « n'éveille pas les compassions » du tribunal, susceptibles de faire douter de l'impartialité des premiers juges, ne peut être adopté par la cour ; qu'au contraire, la soustraction d'une partie des biens d'un majeur protégé au contrôle du juge des tutelles ne peut que nuire à cette personne, dès lors qu'elle perd ainsi le bénéfice de la mesure de protection instituée à son profit ;
" alors que le faux porte sur un écrit susceptible de faire la preuve d'un droit ou d'un fait pouvant avoir des conséquences juridiques ; que de simples déclarations sujettes à vérification ne sont pas constitutives de faux, un inventaire faisant état de la consistance d'un patrimoine ne constituant pas un titre au profit de celui qui l'a établi et ne faisant pas preuve par lui-même d'un fait susceptible d'avoir des conséquences juridiques, cet écrit n'établissant pas la consistance du patrimoine de la personne placée sous curatelle ; que, dès lors, le fait d'établir un inventaire ne mentionnant pas l'existence d'un compte en banque ouvert par la personne placée sous tutelle, ne constituant ni un titre ni la preuve d'un fait susceptible d'avoir des conséquences de droit, la cour d'appel, qui a considéré que l'inventaire erroné constituait un faux, sans expliquer en quoi cet inventaire pouvait constituer la preuve d'un fait qu'il ne constatait même pas, a méconnu l'article 441-1 du code pénal ;
" alors que le curateur pouvant uniquement accomplir seul les actes limités à la perception des revenus et au paiement des dettes de la personne placée sous curatelle, cette dernière conservant pour le surplus la jouissance de son patrimoine, au besoin avec l'assistance du curateur, le fait de ne pas inscrire dans l'inventaire des biens de cette personne l'existence d'un compte en banque n'est pas en soi de nature à causer un préjudice à la personne protégée dès lors qu'il est insuffisant pour dissiper ses biens ; qu'en décidant que l'inventaire erroné éludait le contrôle du juge, alors que cet inventaire incomplet n'était pas susceptible à lui seul de porter préjudice à la personne protégée qui conservait par ailleurs un certain pouvoir sur son patrimoine en application des articles 508 et suivants du code civil, comme a pu le constater la cour d'appel en abordant le prélèvement sur le compte UBS, qui n'apparaissait pas dans l'inventaire, pour mener un projet d'acquisition et qu'il n'aurait permis d'éluder le contrôle du juge que si par ailleurs des prélèvements sur ce compte n'avaient pas été portés à la connaissance du juge, la cour d'appel, qui n'a ainsi pas caractérisé le fait que l'inventaire erroné était à lui seul de nature à porter préjudice à la personne protégée, a privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Danièle Y... a été renvoyée devant le tribunal correctionnel des chefs de faux et d'abus de faiblesse ; que les premiers juges l'ont renvoyée des fins des poursuites et ont débouté la partie civile de ses demandes ; que celle-ci, ainsi que le ministère public, ont interjeté appel ;
Attendu que, pour infirmer partiellement le jugement et condamner la prévenue pour faux et usage, l'arrêt retient qu'ayant été nommée curatrice de son père, René X..., elle a adressé au juge des tutelles, un inventaire des biens de celui-ci, qui ne mentionnait pas l'existence d'un compte ouvert dans une banque suisse au nom du majeur protégé et de l'épouse de celui-ci, compte sur lequel se trouvait une somme importante ; que les juges ajoutent que cette omission était délibérée, Danièle Y... ayant tenté, quelques jours plus tôt, de faire bloquer ce compte et qu'elle ne pouvait que nuire au majeur protégé en le privant de la protection instituée à son profit ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, constitue un faux l'omission volontaire d'un bien dans l'inventaire établi par un curateur et remis au juge des tutelles, cette omission ayant pour conséquence d'éluder le contrôle judiciaire institué dans l'intérêt des majeurs protégés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Le Corroller, Mmes Radenne, Canivet-Beuzit, M. Finidori conseillers de la chambre, Mme Agostini, MM. Chaumont, Delbano conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mouton ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;