Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 janvier 2008, 06-43.919, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 janvier 2008, 06-43.919, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 06-43.919
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 23 janvier 2008
Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, du 16 mai 2006- Président
- M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 16 mai 2006), que M. X... a été engagé en qualité de chauffeur routier par contrat de travail à durée indéterminée du 10 juillet 1996 par la société Groupe Dupessey ; qu'estimant ne pas avoir été rempli de ses droits en matière de rémunération et contestant une mise à pied de trois jours, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. X... des sommes à titre d'heures supplémentaires et de congés payés afférents alors, selon le moyen :
1°/ que pour appliquer l'accord du 23 novembre 1994 "grands routiers" relatif à la forfaitisation des temps de service des transporteurs routiers, les entreprises ont la possibilité soit de conclure un accord d'entreprise avec les délégués syndicaux lorsqu'ils existent, soit de se rapprocher de l'inspecteur du travail des transports en l'absence de tels délégués ; qu'en l'espèce, la société Groupe Dupessey soutenait dans ses conclusions d'appel qu'en 1994, elle n'était pas dotée de délégués syndicaux, de sorte que pour mettre en oeuvre les dispositions de l'accord du 23 novembre 1994, elle n'avait été tenue qu'à un rapprochement avec l'inspection du travail des transports afin de lui présenter les initiatives qu'elle envisageait de prendre dans le cadre de l'accord ; qu'en décidant néanmoins, pour écarter la validité de la convention de forfait annexée au contrat de travail de M. X..., qu'il n'était pas contesté que la société Groupe Dupessey comptait des délégués syndicaux, de sorte qu'elle se trouvait de ce fait soumise à la procédure de l'accord d'entreprise pour la mise en oeuvre de l'accord du 23 novembre 1994, la cour d'appel a dénaturé les écritures des parties et, partant, a violé les articles 4 et 5 du nouveau code de procédure civile ;
2°/ qu'en toute hypothèse, seules donnent lieu à rémunération les heures supplémentaires accomplies à la demande de l'employeur, ou avec son accord au moins implicite ; qu'en l'espèce, le contrat de travail de M. X..., qui faisait référence à l'accord professionnel du 23 novembre 1994 pour le temps de service comptabilisé, prévoyait en son article 5 que les temps de service autres que les temps de conduite, incluant les "temps d'autres travaux" et les "temps à disposition", devaient être justifiés au moyen de feuilles de semaine et de feuilles de route que le salarié devait remplir d'une part, et que le non-respect de cette procédure entraînerait automatiquement le rejet de l'inscription de dépassement de temps de service d'autre part ; que la société Groupe Dupessey faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le salarié avait été rappelé à l'ordre pour non-respect de ce point de la procédure interne de décompte des temps de travail ; que la cour d'appel, qui a conclu à la réalité des heures supplémentaires alléguées, sans constater que le salarié avait bien justifié auprès de la direction, conformément aux dispositions de son contrat de travail de l'existence de dépassements d'horaires et avait obtenu de la société la validation requise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ainsi qu'au regard des articles L. 212-1-1 et L. 212-4 du code du travail ;
3°/ qu'en tout état de cause, nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; que dès lors que l'employeur a fourni des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge ne peut faire droit à la demande de ce dernier au seul vu des disques chronotachygraphes qui n'enregistrent les temps de travail, hors les temps de conduite, qu'en fonction de la seule manipulation qui en est faite par le chauffeur lui-même ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires concernant les mois de novembre 1998 à septembre 1999, le salarié se bornait à produire aux débats les disques chronotachygraphes afférents à cette période, dont les données étaient contredites par les fiches d'activité et les bulletins de paie produits par la société Groupe Dupessey ; que pour faire droit à la demande du salarié, la cour d'appel s'est contentée de procéder à "l'examen comparé de la fiche d'activité, de la copie des disques chronotachygraphes et du bulletin de salaire de M. X... pour chacun des mois concernés", ce qui revenait à ne retenir que les données issues des disques chronotachygraphes qui seuls faisaient état d'un dépassement par rapport au temps de travail contractuellement prévu ; qu'en statuant de la sorte, au regard de documents dont le salarié était l'auteur pour la partie excédant le temps de conduite, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et L. 212-1-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui, sans dénaturer les conclusions en appel de l'employeur qui ne faisait état d'une absence de délégués syndicaux dans l'entreprise qu'en 1994, a constaté, dans l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve versés aux débats, et notamment de la fiche d'activité, de la copie des disques chronotachygraphes et du bulletin de paye du salarié pour chacun des mois concernés, que celui-ci avait accompli, avec l'accord implicite de l'employeur, des heures supplémentaires, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Groupe Dupessey aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille huit.
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 16 mai 2006), que M. X... a été engagé en qualité de chauffeur routier par contrat de travail à durée indéterminée du 10 juillet 1996 par la société Groupe Dupessey ; qu'estimant ne pas avoir été rempli de ses droits en matière de rémunération et contestant une mise à pied de trois jours, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. X... des sommes à titre d'heures supplémentaires et de congés payés afférents alors, selon le moyen :
1°/ que pour appliquer l'accord du 23 novembre 1994 "grands routiers" relatif à la forfaitisation des temps de service des transporteurs routiers, les entreprises ont la possibilité soit de conclure un accord d'entreprise avec les délégués syndicaux lorsqu'ils existent, soit de se rapprocher de l'inspecteur du travail des transports en l'absence de tels délégués ; qu'en l'espèce, la société Groupe Dupessey soutenait dans ses conclusions d'appel qu'en 1994, elle n'était pas dotée de délégués syndicaux, de sorte que pour mettre en oeuvre les dispositions de l'accord du 23 novembre 1994, elle n'avait été tenue qu'à un rapprochement avec l'inspection du travail des transports afin de lui présenter les initiatives qu'elle envisageait de prendre dans le cadre de l'accord ; qu'en décidant néanmoins, pour écarter la validité de la convention de forfait annexée au contrat de travail de M. X..., qu'il n'était pas contesté que la société Groupe Dupessey comptait des délégués syndicaux, de sorte qu'elle se trouvait de ce fait soumise à la procédure de l'accord d'entreprise pour la mise en oeuvre de l'accord du 23 novembre 1994, la cour d'appel a dénaturé les écritures des parties et, partant, a violé les articles 4 et 5 du nouveau code de procédure civile ;
2°/ qu'en toute hypothèse, seules donnent lieu à rémunération les heures supplémentaires accomplies à la demande de l'employeur, ou avec son accord au moins implicite ; qu'en l'espèce, le contrat de travail de M. X..., qui faisait référence à l'accord professionnel du 23 novembre 1994 pour le temps de service comptabilisé, prévoyait en son article 5 que les temps de service autres que les temps de conduite, incluant les "temps d'autres travaux" et les "temps à disposition", devaient être justifiés au moyen de feuilles de semaine et de feuilles de route que le salarié devait remplir d'une part, et que le non-respect de cette procédure entraînerait automatiquement le rejet de l'inscription de dépassement de temps de service d'autre part ; que la société Groupe Dupessey faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le salarié avait été rappelé à l'ordre pour non-respect de ce point de la procédure interne de décompte des temps de travail ; que la cour d'appel, qui a conclu à la réalité des heures supplémentaires alléguées, sans constater que le salarié avait bien justifié auprès de la direction, conformément aux dispositions de son contrat de travail de l'existence de dépassements d'horaires et avait obtenu de la société la validation requise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ainsi qu'au regard des articles L. 212-1-1 et L. 212-4 du code du travail ;
3°/ qu'en tout état de cause, nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; que dès lors que l'employeur a fourni des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge ne peut faire droit à la demande de ce dernier au seul vu des disques chronotachygraphes qui n'enregistrent les temps de travail, hors les temps de conduite, qu'en fonction de la seule manipulation qui en est faite par le chauffeur lui-même ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires concernant les mois de novembre 1998 à septembre 1999, le salarié se bornait à produire aux débats les disques chronotachygraphes afférents à cette période, dont les données étaient contredites par les fiches d'activité et les bulletins de paie produits par la société Groupe Dupessey ; que pour faire droit à la demande du salarié, la cour d'appel s'est contentée de procéder à "l'examen comparé de la fiche d'activité, de la copie des disques chronotachygraphes et du bulletin de salaire de M. X... pour chacun des mois concernés", ce qui revenait à ne retenir que les données issues des disques chronotachygraphes qui seuls faisaient état d'un dépassement par rapport au temps de travail contractuellement prévu ; qu'en statuant de la sorte, au regard de documents dont le salarié était l'auteur pour la partie excédant le temps de conduite, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et L. 212-1-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui, sans dénaturer les conclusions en appel de l'employeur qui ne faisait état d'une absence de délégués syndicaux dans l'entreprise qu'en 1994, a constaté, dans l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve versés aux débats, et notamment de la fiche d'activité, de la copie des disques chronotachygraphes et du bulletin de paye du salarié pour chacun des mois concernés, que celui-ci avait accompli, avec l'accord implicite de l'employeur, des heures supplémentaires, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Groupe Dupessey aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille huit.