Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 janvier 2008, 06-15.889, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Statuant, tant sur le pourvoi principal formé par M. X... et la société Antze production que sur le pourvoi incident relevé par la société Autrement ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement assorti de l'exécution provisoire rendu le 5 mai 2003 a annulé l'enregistrement de marques semi-figuratives "Paséo", au bénéfice de M. X..., au motif qu'elles incorporaient des dessins, sans le consentement de leur auteur, M. Y... ; que ce dernier a agi à l'encontre de la société Autrement et de son gérant M. X..., ainsi que de la société Antze productions, de la société BMF et de Mme Z..., en leur reprochant des faits d'usage de ces marques après le prononcé de ce jugement ;


Sur le second moyen du pourvoi principal, et le moyen unique du pourvoi incident, qui sont en mêmes termes :

Attendu que M. X..., la société Antze et la société Autrement font grief à l'arrêt d'avoir retenu l'existence d'actes de contrefaçon de dessins au préjudice de M. Y..., alors, selon le moyen :

1°/ que sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, l'utilisation, ou la détention à ces fins, d'un produit incorporant le dessin ou modèle protégé ; que la cour d'appel, pour décider que M. X... et la société Autrement étaient responsables des faits de contrefaçons commis au préjudice de M. Y... concernant les ventes réalisées dans les magasins de la société Autrement postérieurement au 5 mai 2003, a retenu que la société Autrement, titulaire d'une licence exclusive de la marque figurative pour la France et l'Espagne, n'avait pas pris toutes les dispositions utiles auprès de ses revendeurs après le jugement du 5 mai 2003 pour interdire la commercialisation des articles reproduisant les deux logos ; qu'en statuant ainsi, et tout en constatant qu'aucun produit ou marchandise représentant les logos Semental et Torero 3 n'étaient exposés à la vente ou stockés dans le magasin de la société Autrement à Saint-Jean-de-Luz, et que si l'huissier avait trouvé dans les locaux de la société Autrement à Anglet diverses pièces de textile portant le logo Semental, dont le comptage révélait la présence dans les locaux d'environ 520 pièces de vêtements, il avait été indiqué à l'huissier instrumentaire que ces articles étaient des retours de magasin destinés à être débrodés, qu'il était versé aux débats des factures de débrodage et de rebrodage pour un nombre d'articles au moins aussi important que ceux visés dans le procès-verbal, et que ces faits ne relevaient pas de la qualification de contrefaçon, la cour d'appel a violé les articles L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil ;

2°/ que le jugement du tribunal de grande instance de Bayonne du 5 mai 2003, ordonnant l'annulation des dépôts de la marque "Paséo" comportant respectivement le dessin "3 Toreros" et le dessin stylisé d'une tête de taureau, effectués par M. X..., "interdit à compter du présent jugement aux défendeurs toute reproduction ou utilisation des logos "Torero 3", "Semental", "Burladeros 2", "Toreros 5", "Paséo 5", "Toros 3", "Toros Kid", "Montera", "Adorno", et "prononce la mise hors de cause de la société Autrement" ; que la cour d'appel, pour décider que M. X... et la société Autrement étaient responsables des faits de contrefaçons commis au préjudice de M. Y... concernant les ventes réalisées dans les magasins de la société Autrement postérieurement au 5 mai 2003, a retenu que la société Autrement, titulaire de la licence exclusive de la marque figurative, ne rapportait pas la preuve d'avoir satisfait aux causes du jugement du 5 mai 2003 en prenant toutes dispositions utiles auprès de ses revendeurs pour interdire l'exploitation des dessins litigieux ; qu'en statuant ainsi, bien que le jugement du 5 mai 2003, interdisant aux défendeurs l'utilisation des logos déposés par M. Y..., ait mis hors de cause la société Autrement, n'édictait aucune obligation à l'égard de la société Autrement de mettre fin à toute commercialisation par ses distributeurs, a violé les articles 1351 du code civil et 480 du nouveau code de procédure civile ;

3°/ que, sauf disposition particulière, nul n'est responsable que de son propre fait ; que le titulaire d'une marque dont l'enregistrement est annulé, ou le licencié, n'est pas responsable du seul fait de son utilisation par ses cocontractants au préjudice des droits reconnus au demandeur en nullité ; que la cour d'appel, pour décider que M. X... et la société Autrement étaient responsables des faits de contrefaçons commis au préjudice de M. Y... concernant les ventes réalisées dans les établissements des revendeurs de la société Autrement postérieurement au 5 mai 2003, a retenu que la société Autrement, titulaire de la licence exclusive de la marque figurative, ne rapportait pas la preuve d'avoir pris toutes dispositions utiles auprès de ses revendeurs pour interdire l'exploitation des dessins litigieux ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

4°/ que toute transmission ou modification de droits attachés à une marque enregistrée doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au registre national des marques ; que la décision d'annulation doit être, une fois irrévocable, publiée au registre national des marques ; que la cour d'appel, qui a décidé que M. X... était responsable avec la société Autrement des faits de contrefaçons commis au préjudice de M. Y... concernant les ventes réalisées dans les établissements des revendeurs de la société Autrement postérieurement au 5 mai 2003, tout en constatant que le jugement du 5 mai 2003 avait été inscrit à l'INPI le 4 juin 2003, a violé les articles L. 714-7, R. 714-2 et R. 714-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu qu'en retenant que la société Autrement n'avait pas pris toutes les dispositions utiles auprès de ses revendeurs, après le jugement du 5 mai 2003, pour interdire la commercialisation des articles reproduisant les deux logos, la cour d'appel, qui a exactement tiré les conséquences attachées à ce jugement interdisant aux défendeurs, dont était la société Autrement, de faire usage de ces logos, peu important l'absence de publication de cette décision, ou le fait que cette société ait été mise hors de cause quant aux faits antérieurs à cette condamnation, a justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour dire M. X... responsable avec la société Autrement de faits de contrefaçon, l'arrêt retient qu'à compter du 5 mai 2003, il était interdit à M. X... de fabriquer, offrir, mettre sur le marché, importer ou exporter, utiliser ou détenir à ces fins, un produit incorporant les deux dessins, sans le consentement de M. Y..., que M. X... n'exploitait pas la marque "Paséo" en son nom personnel, mais en avait concédé l'exploitation exclusive en France à la société Autrement en s'interdisant d'exploiter lui-même la marque concédée, à l'exception d'un magasin antérieurement ouvert, que la commercialisation des dessins dont la paternité a été reconnue à M. Y... n'a été rendue possible que par le contrat de concession de marque, pendant l'exécution duquel M. X... est fondé à réclamer une redevance durant une période de sept ans, qui prendra fin le 1er janvier 2008, que ce contrat est toujours en vigueur entre les parties, puisqu'il n'est fait état d'aucun avenant apportant une modification ou une restriction d'exploitation de la marque "Paséo" concédée par M. X..., et que ce dernier demeure en conséquence solidairement tenu avec la société Autrement de toute atteinte commise par le concessionnaire aux droits de propriété reconnus à M. Y... ;

Attendu qu'en se fondant exclusivement sur la permanence du contrat de licence, et non sur des faits personnels de M. X..., alors que la décision d'annulation d'un enregistrement de marque a un effet absolu, et notamment entraîne la nullité des licences accordées sur la marque dont l'enregistrement est annulé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a prononcé condamnation à l'encontre de M. X..., l'arrêt rendu le 13 mars 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille huit.

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