Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 8 novembre 2007, 06-15.873, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Sur les deux moyens réunis :

Attendu qu'en juillet 1995, Suzanne X... a appris qu'elle était atteinte d'un cancer bronchique, avec envahissement ganglionnaire médiastinal, inopérable" ; qu'après avoir suivi un traitement associant une chimiothérapie et une radiothérapie, Suzanne Y... est décédée le 19 octobre 1996 ; qu'imputant sa maladie et son décès à sa consommation de cigarettes Gauloises brunes depuis l'âge de 13 ans, M. Y..., son mari, ses trois filles mineures Cynthia, Erika, et Mickaelle Y..., représentées par leur père, ainsi que ses deux soeurs Mmes Z... et A... (les consorts Y...), ont assigné, le 23 décembre 1996, la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA), fabricant de ces cigarettes, devenue société Altadis ;

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt (Montpellier, 22 mars 2006), de les avoir déboutés, alors, selon le premier moyen :

1°/ que tout fabricant d'un produit susceptible d'avoir des effets nocifs sur la santé, fût-il soumis à une tutelle étatique, est tenu d'informer les consommateurs de ce danger ; qu'ainsi la cour d'appel en retenant, pour écarter toute responsabilité de la SEITA en raison de ce défaut d'information pour la période antérieure à la loi Veil du 9 juillet 1976, que son conseil d'administration n'avait pas de pouvoir en matière de gestion du monopole étatique de la commercialisation et de la vente des tabacs et que ses autorités de tutelle étatique divergeaient sur la nécessité d'informer la population des méfaits du tabac, sans constater qu'il était interdit à la SEITA, parfaitement informée de ce danger par les études dont elle avait connaissance, de prendre l'initiative de donner aux consommateurs les informations nécessaires, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que l'avertissement sanitaire imposé par les lois du 9 juillet 1976 et 10 janvier 1991 ayant pour objet d'informer les fumeurs des méfaits du tabac et de dissuader de fumer, le fabricant de cigarettes ne peut se décharger sur autrui de cette obligation d'information ; qu'ainsi la cour d'appel, qui, tout en constatant qu'en 1976 Suzanne Y... était jeune et fumait de modestes quantités, a présumé que le non-respect par la SEITA des exigences légales en matière d'avertissement sanitaire n'avait eu aucune incidence sur la consommation de tabac de celle-ci qui avait été nécessairement informée par ses parents dans son adolescence, puis par le corps médical lors de ses grossesses des méfaits du tabac, a violé l'article 1382 du code civil ;

Et alors, selon le second moyen, qu'il résulte de l'article L. 221-1 du code de la consommation comme du droit interne interprété à la lumière de la directive européenne du 25 juillet 1985, qu'est défectueux un produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre eu égard aux informations données par le fabricant sur sa dangerosité ; qu'ainsi la cour d'appel, en considérant que les cigarettes vendues par la SEITA ne pouvaient être regardées comme défectueuses faute de présenter un vice ou un défaut de fabrication et en s'abstenant ainsi de rechercher si la SEITA avait donné toutes les informations dont elles disposaient sur les composantes des cigarettes et leur degré de dangerosité, a violé le texte susvisé et les articles 1135 et 1147 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que Suzanne Y... a commencé à fumer à l'âge de 12-13 ans, soit en 1973-1974, c'est-à-dire peu avant l'entrée en vigueur de la loi de 1976, et qu'à cette époque, il était déjà largement fait état par les médias, des risques de maladies cardio-vasculaires et de cancers engendrés par la consommation de tabac ; que Suzanne Y..., alors adolescente, à défaut d'avoir été informée par ces moyens, avait nécessairement dû l'être par ses parents, titulaires de l'autorité parentale et chargés, selon l'article 371-2 du code civil, de veiller à sa sécurité ainsi qu'à sa santé ; que par la suite, devenue majeure, épouse et mère de trois enfants, elle avait de même nécessairement dû être informée lors du suivi médical de ses grossesses, des risques résultant, tant pour elle même que pour l'enfant à naître, d'une consommation excessive de cigarettes ; que de ces constatations souveraines la cour d'appel a pu déduire l'absence de relation de causalité entre la faute imputée à la SEITA et le décès de Suzanne Y..., laquelle ne pouvait légitimement s'attendre à la sécurité d'un tel produit ; que le premier moyen mal fondé en sa seconde branche est inopérant dans sa première branche, ainsi que le second moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille sept.

Retourner en haut de la page