Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 mai 2007, 05-46.029 05-46.030 05-46.031 05-46.032 05-46.033 05-46.034 05-46.035 05-46.036 05-46.037 05-46.038 05-46.039 05-46.040 05-46.041, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu leur connexité, joint les pourvois n° 05-46. 029 à 05-46. 041 ;

Donne acte à la SELARL FHB et à la société BTSG de leur reprise d'instance ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, qu'estimant ne pas avoir été remplis de leurs droits concernant le paiement d'heures supplémentaires et la prise de repos compensateurs, treize salariés de la société Nexia ont saisi la juridiction prud'homale le 30 septembre 2002 afin d'obtenir le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire et de dommages-intérêts pour non-respect de la législation sur les repos compensateurs ;

Sur les pourvois incidents des salariés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens, qui ne seraient pas de nature à permettre leur admission ;

Sur le premier moyen des pourvois principaux de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief aux arrêts d'avoir infirmé les jugements en ce qui concerne les demandes relatives à l'indemnisation des repos compensateurs et d'avoir en conséquence condamné la société à verser différentes sommes à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la législation sur les repos compensateurs pour les années 1998 à 2004 pour dix salariés, MM.X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., H..., I... et J..., pour les années 2001 à 2002 pour M.E..., et pour les années 2001 à 2003 pour M.F..., alors, selon le moyen :

1° / que le seul fait pour l'employeur qui a dûment informé son salarié de ses droits acquis à repos compensateurs, de ne pas lui avoir demandé de les prendre effectivement dans un délai d'un an maximum, ne cause aucun préjudice au salarié dès lors que l'employeur lui permet de prendre l'intégralité de ses jours de repos compensateur ; qu'en l'espèce, la société Nexia rappelait en ses conclusions qu'elle avait dûment informé ses salariés de leurs droits acquis à repos compensateurs, et qu'elle leur reconnaissait toujours le droit effectif à prendre ces droits acquis ; qu'après avoir relevé que la société Nexia avait effectivement rempli son obligation d'information des salariés de leurs droits à repos compensateur, la cour d'appel a néanmoins condamné cette dernière au paiement de dommages-intérêts faute pour elle de n'avoir pas demandé aux salariés de prendre effectivement leur repos compensateur dans le délai d'un an ; qu'en statuant ainsi, sans relever que les salariés avaient été privés du droit de prendre effectivement ces repos compensateurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 212-5-1 du code du travail ;

2° / que le contrat de travail devant être exécuté de bonne foi, l'employeur ne saurait être condamné à verser au salarié des dommages-intérêts pour non-respect de la législation sur les repos compensateurs, lorsque c'est le salarié qui a refusé, en toute connaissance de cause, de prendre en nature ses repos compensateurs ; qu'en l'espèce, il résulte des jugements prud'homaux du 3 juin 2004 que pour les années 2000 à 2002, les salariés devaient prendre leurs repos compensateurs en nature et que pour l'année 2003, les dispositions de l'article L. 212-5-1 du code du travail justifient que les repos compensateurs soient pris en nature, ceux-ci n'étant acquis, selon la demande du salarié, qu'à une date qui ne remontait pas à plus d'un an lors de l'audience de départage du 25 mars 2004 ; que la société Nexia produisait les courriers par lesquels elle avait demandé aux salariés de prendre ces congés en nature pour les années 2000 à 2002, ce qu'ils avaient refusé ; que les salariés avaient également refusé de prendre leurs jours de repos compensateurs pour l'année 2003, préférant solliciter la condamnation de leur employeur au paiement d'une indemnité pour les repos compensateurs de 2000 à 2004 ; qu'il était ainsi manifeste que les salariés, tout en sachant qu'il leur fallait prendre leurs congés sous forme de repos, avaient fait preuve de mauvaise foi en s'y refusant afin d'obtenir le paiement de leurs repos compensateurs sous forme indemnitaire ; qu'en condamnant néanmoins l'employeur à payer à ces salariés des dommages-intérêts au titre du non-respect de la législation sur les repos compensateurs, sans rechercher s'ils n'avaient pas exécuté le contrat de mauvaise foi en refusant de prendre leurs congés sous forme de repos, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 120-4 et L. 212-5-1 du code du travail ;

Mais attendu, d'une part, qu'il résulte de l'alinéa 5 de l'article L. 212-5-1 du code du travail, issu de l'article 8 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998, que le repos compensateur auquel ouvre droit l'accomplissement d'heures supplémentaires doit obligatoirement être pris dans un délai de deux mois suivant l'ouverture du droit, que l'absence de demande de prise de repos par le salarié ne peut entraîner la perte de son droit à repos et que, dans ce cas, l'employeur est tenu de lui demander de prendre ses repos dans le délai maximum d'un an ; d'autre part, que lorsque l'employeur se soustrait à la législation relative aux repos compensateurs, le salarié subit nécessairement un préjudice ;

Et attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a constaté que si l'employeur rapportait bien la preuve qu'il avait régulièrement informé ses salariés des droits à repos compensateurs acquis au cours de la période 1998 à 2003, il n'avait pas établi leur avoir demandé de prendre en temps de repos les reliquats des droits à repos compensateurs qu'ils avaient acquis au cours de l'année précédente dans le délai d'un an à dater de leur ouverture ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le deuxième moyen des pourvois principaux de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné à verser à plusieurs salariés une somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la législation sur les repos compensateurs pour la période antérieure à 1998, alors, selon le moyen :

1° / qu'un employeur ne saurait être condamné à payer des dommages-intérêts à son salarié pour ne lui avoir pas demandé de prendre ses repos compensateurs que si le salarié a effectivement acquis de tels droits à repos compensateurs et ne les a pas déjà pris ; qu'en l'espèce, la société Nexia contestait l'existence même des repos compensateurs acquis non pris par les salariés pour la période 1991 à 1997 ; qu'en condamnant néanmoins la société Nexia pour n'avoir pas informé ces derniers de la nécessité de prendre leurs congés en nature, sans relever l'existence de repos compensateurs acquis et non pris sur cette période, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 212-5-1 du code du travail ;

2° / que les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la société Nexia contestait l'existence même des droits à repos compensateurs invoqués par les salariés sur la période antérieure à 1998 ; que ce faisant, la société Nexia ne reconnaissait donc pas " ne pas avoir demandé à ses salariés de prendre en repos les droits à repos compensateurs qu'ils avaient acquis ", puisque précisément elle contestait l'existence de droit acquis à repos compensateur non pris par ses salariés pour la période antérieure à 1998 ; qu'or, pour condamner la société Nexia au paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la réglementation sur les repos compensateurs, la cour d'appel s'est contentée d'affirmer que pour la période antérieure à 1998, la société Nexia ne conteste pas ne pas avoir demandé à ses salariés de prendre en repos les droits à repos compensateurs qu'ils avaient acquis ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a manifestement dénaturé les conclusions en violation des articles 4 du nouveau code de procédure civile et 1134 du code civil ;

3° / que l'article L. 212-5-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à 1998 ne prévoyait nullement que l'employeur était tenu, lorsque le salarié ne déposait pas de demande de prise de repos compensateur dans les deux mois de leur ouverture, de lui demander de prendre effectivement ces repos dans le délai maximum d'un an ; qu'en condamnant néanmoins la société Nexia pour n'avoir pas demandé à son salarié de prendre ses repos compensateurs sur la période antérieure à 1998, la cour d'appel a violé l'article L. 212-5-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;

4° / que la prescription quinquennale instituée par l'article L. 143-14 du code du travail s'applique à toute action engagée en raison des sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de travail ; qu'en l'espèce, il est constant que les salariés ont saisi le juge prud'homal en septembre 2002 ; qu'en leur accordant néanmoins des dommages-intérêts à titre de non-information de leurs droits à repos compensateurs sur la période antérieure à 1998, la cour d'appel a violé l'article L. 143-14 du code du travail ;

Mais attendu que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, partant, irrecevable ;

Mais sur le troisième moyen des pourvois principaux de l'employeur :

Vu l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991 ;

Attendu que l'astreinte est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir, que l'incompétence est relevée d'office par le juge saisi d'une demande en liquidation d'astreinte ;

Attendu que, motif pris des articles 34 et suivants de la loi du 9 juillet 1991, la cour d'appel s'est déclarée compétente pour liquider l'astreinte prononcée par les premiers juges et a condamné, en conséquence, la société Nexia à verser à MM.X..., Z..., C... et G... une certaine somme ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le conseil de prud'hommes s'était expressément réservé le pouvoir de liquider l'astreinte, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau code de procédure civile, la Cour de cassation étant en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils ont liquidé l'astreinte à la somme de 1 000 euros pour chacun des salariés concernés, les arrêts rendus le 27 octobre 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;

DIT que le conseil de prud'hommes de Nantes est seul compétent pour liquider les astreintes qu'il a prononcées ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille sept.
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