Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 6 mars 2007, 05-21.651, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris,7 octobre 2005), que le 12 octobre 1992, la société à responsabilité limitée Y..., (la société), dont les principaux associés sont les époux X..., a acquis un appartement sous le bénéfice de l'exonération des droits d'enregistrement prévue par l'article 1115 du code général des impôts en prenant l'engagement, en sa qualité de marchand de biens, de procéder à sa revente dans un délai de cinq ans ; qu'une partie de l'appartement étant occupée par Mme X... à titre professionnel, l'autre étant affectée à l'habitation des époux X..., l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de ce régime de faveur en notifiant à la société, le 21 juillet 1995, un rappel de droits de mutation, qui a été mis en recouvrement le 29 décembre 1995 ; qu'après rejet de sa demande, la société a assigné le directeur des services fiscaux de Paris Ouest devant le tribunal aux fins de décharge des impositions et pénalités ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré régulière la procédure de redressement, alors, selon le moyen, que lorsqu'il est fait application de l'article 59 du livre des procédures fiscales, l'administration notifie l'avis de la commission au contribuable et l'informe en même temps du chiffre qu'elle se propose de retenir comme base d'imposition ; qu'en ne justifiant pas, en réfutation des conclusions de la société, de ce que l'administration avait préalablement à l'émission de l'avis de recouvrement notifié l'avis de la commission et le chiffre qu'elle se proposait de retenir comme base d'imposition, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article R. 59-1 du livre des procédures fiscales ;

Mais attendu que l'article R. 59-1 du livre des procédures fiscales n'impose pas à l'administration d'observer un délai entre la notification de la base d'imposition qu'elle se propose de retenir après avis de la commission départementale de conciliation, lequel n'ouvre aucun délai de réponse au contribuable, et la mise en recouvrement de l'imposition ; qu'ayant relevé que l'administration n'avait pas mis en recouvrement l'impôt avant d'avoir notifié l'avis de la commission départementale de conciliation, la circonstance que ce dernier ait été notifié le jour de l'émission de l'avis de mise en recouvrement étant sans incidence sur la régularité de la procédure de redressement, la cour d'appel, qui a rejeté les exceptions de nullité soulevée par la société, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré bien fondée la procédure de redressement, alors, selon le moyen, que l'achat d'un bien immeuble par un marchand de biens puis sa revente dans le délai légal fait présumer le caractère professionnel et non personnel de l'opération, sauf si l'administration établit la preuve contraire en justifiant d'éléments excluant nécessairement l'intention spéculative et le caractère habituel de l'opération ; qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt que la société à responsabilité limitée Y... avait pour objet une activité de marchand de biens, et que, dans le cadre d'une première opération, elle avait acquis l'immeuble en manifestant son intention de le revendre dans le délai légal ; qu'en jugeant que l'administration avait pu, largement avant l'expiration du délai légal, notifier la déchéance du régime de faveur-interdisant ainsi à la société à responsabilité limitée Y... de confirmer son intention spéculative et son activité de marchand de biens-en se bornant à faire état de la location du bien à une associée avant la revente, ce qui n'excluait en rien l'intention spéculative et le caractère professionnel de l'opération, et des erreurs de prise en compte comptables du bien, qui pouvaient être rectifiées et n'étaient pas non plus caractéristiques d'une opération à caractère personnel, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1115,257 6° et 35 I 1 du code général des impôts ;

Mais attendu que l'exploitation directe d'un bien acquis sous le régime de l'article 1115 du code général des impôts, lorsqu'elle est confortée par d'autres éléments, peut justifier la déchéance de ce régime ; qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la société n'avait acquis qu'un seul bien immobilier, en octobre 1992, donné à bail, pour une partie, dès novembre 1992, à Mme X... à usage professionnel, pour l'autre, dès janvier 1993, aux époux X... à usage de résidence principale, que la société, à compter de 1992, avait inscrit l'immeuble à son actif immobilisé et que des travaux réalisés dans l'appartement avaient été comptabilisés en immobilisation et amortis dès 1992, de sorte que ces amortissements et ces travaux manifestaient l'intention de la société de détenir durablement le bien et non de le revendre, la cour d'appel, qui en a déduit que la société était déchue du régime de faveur de l'article 1115 du code général des impôts, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer au directeur général des impôts la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille sept.

Retourner en haut de la page