Cour de cassation, Assemblée plénière, 6 avril 2007, 05-15.950, Publié au bulletin
Cour de cassation - Assemblée plénière
- N° de pourvoi : 05-15.950
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Cotte (président de chambre le plus ancien, faisant fonction de premier président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :
REJET du pourvoi formé par la Mutuelle assurances des commerçants et industriels de France (MACIF) Provence-Méditerranée, dont le siège est 224 avenue de la Rochelle,79037 Niort cedex 2, M. Aldric X..., domicilié..., contre l'arrêt rendu le 6 octobre 2004 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (10e chambre), dans le litige les opposant :
1° / à M. Stéphane Y..., domicilié ...,
2° / à la Caisse régionale des artisans d'Ile de France (CMR) dont le siège est Centre Pleyel Nord,143-147 boulevard Anatole France,93285 Saint-Denis cedex, défendeurs à la cassation ;
La deuxième chambre civile a, par arrêt du 5 juillet 2006 décidé le renvoi de l'affaire devant l'assemblée plénière ;
Les demandeurs invoquent devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Tiffreau, avocat de la MACIF Provence-Méditerranée et de M.X... ;
Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Ghestin, avocat de M.Y... ;
Le rapport écrit de M. Gallet, conseiller, et l'avis écrit de M. Charpenel, avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 30 mars 2007, où étaient présents : M. Cotte, président de chambre le plus ancien faisant fonction de premier président, MM. Ancel, Tricot, Mmes Favre, Collomp, présidents, MM. Le Gall, conseiller remplaçant M. le président Cotte, Peyrat, conseiller doyen remplaçant M. le président Weber empêché, M. Gallet, conseiller rapporteur, MM. Bargue, Ollier, Farge, Cachelot, Mme Garnier, MM. Bailly, Blondet, Mme Morin, MM. Mazars, Potocki, Mas, conseillers, M. Charpenel, avocat général, Mme Stéfanini, greffier en chef adjoint ;
Sur le rapport de M. Gallet, conseiller, les observations de la SCP Tiffreau, de la SCP Ghestin, l'avis de M. Charpenel, avocat général, auquel les parties invitées à le faire, ont répliqué, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence,6 octobre 2004), qu'une collision s'est produite entre le véhicule automobile conduit par M.X... et la motocyclette pilotée par M.Y..., circulant en sens inverse ; que, pour obtenir l'indemnisation de son préjudice, celui-ci a assigné M.X... et la compagnie Macif Provence-Méditerranée, qui ont fait valoir que le motocycliste se trouvait sous l'empire d'un état alcoolique et avait commis un excès de vitesse ; que M.X... a demandé l'indemnisation de son propre préjudice ;
Attendu que M.X... et la Macif font grief à l'arrêt de dire que M.Y... a droit à l'indemnisation intégrale des dommages qu'il a subis, alors, selon le moyen :
1° / que le conducteur qui conduit malgré un taux d'alcoolémie supérieur au taux légalement admis commet une faute en relation avec son dommage de nature à limiter ou exclure son droit à indemnisation ; qu'il résulte des propres constatations des juges du fond, que M.Y... conduisait, au moment des faits litigieux, avec un taux d'alcoolémie de 1,39 gramme par litre de sang, soit un taux supérieur à celui légalement admis ; qu'en jugeant néanmoins que M.Y... n'aurait commis aucune faute et que son état d'alcoolémie aurait été sans incidence sur son droit à réparation, la cour d'appel aurait violé l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;
2° / que commet une faute, le conducteur qui conduit à une vitesse excédant la limite autorisée ; que, selon les propres constatations de l'arrêt attaqué, M.Y... circulait, au moment des faits litigieux, à une vitesse de 80 km / heure, quand la vitesse autorisée était limitée à 70 km / heure ; qu'en retenant néanmoins que la vitesse de M.Y... n'aurait pas été excessive et qu'il n'aurait commis aucune faute, la cour d'appel aurait violé l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu qu'après avoir examiné les circonstances de l'accident d'où elle a pu déduire l'absence de lien de causalité entre l'état d'alcoolémie du conducteur victime et la réalisation de son préjudice, et retenu que l'excès de vitesse n'était pas établi, la cour d'appel, en refusant de limiter ou d'exclure le droit de la victime à indemnisation intégrale, a fait l'exacte application du texte visé au moyen ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Macif Provence-Méditerranée et M.X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la Macif Provence-Méditerranée et de M.X... ; les condamne à payer à M.Y... la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le président de chambre le plus ancien faisant fonction de premier président, en son audience publique du six avril deux mille sept.
MOYEN ANNEXE
Moyen produit par la SCP Tiffreau, avocat aux conseils pour la MACIF Provence-Méditerranée et M.X....
MOYEN ANNEXE
Le moyen reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que M.Y... avait droit à l'indemnisation intégrale de son préjudice, condamné in solidum M.X... et la Macif Provence-Méditerranée à payer à M.Y... la somme de 100 000 à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel, et débouté M.X... de sa demande reconventionnelle en réparation ;
AUX MOTIFS QUE l'accident a eu lieu de nuit, au sommet de la passerelle de la Pénétrante du Paillon », sans témoin ;
les deux protagonistes prétendent chacun que le conducteur adverse empiétait sur sa voie de circulation, M.X... déclarant circuler à la vitesse de 60 km / heure alors que M.Y... affirme circuler à 80 km / heure ; il est établi que la vitesse était limitée à 70 km / heure ;
en l'état des déclarations contradictoires, la Cour ne peut que se reporter aux éléments matériels recueillis par les enquêteurs ;
le procès-verbal de police fait état d'une zone de débris constituée de verre et plastique épars provenant de deux mobiles » au point 5 situé à droite de la voie de circulation de M.Y... ;
la zone de choc présumée matérialisée V sur le croquis à partir du liquide de frein du véhicule X... répandu sur la chaussée, dans la voie de circulation de ce dernier, a été indiquée par celui-ci aux enquêteurs ;
cette zone ne peut toutefois être retenue puisque M.X... a affirmé avoir vainement actionné son système de freinage immédiatement après le choc (aucune trace de freinage n'a d'ailleurs été relevée sur place) qui se situe donc nécessairement en amont de la trace d'huile ;
la Cour relève d'une part que les traces de débris concernent les deux véhicules, ce qui ne peut être expliqué si l'on retient le point de choc déterminé par les enquêteurs, et d'autre part, que ces débris sont groupés sur un emplacement de 3 mètres sur 2, non éparpillés, ce qui démontre que la zone de choc se situait bien à cet endroit et confirme les constatations de Stéphane Y... qui a affirmé : j'ai brusquement aperçu arrivant en sens inverse un véhicule qui empiétait sur l'axe médian de la chaussé, à savoir 0,50 centimètre à un mètre dans mon couloir de circulation et cela pour une raison que j'ignore » ;
le point de choc se situant donc dans la voie de circulation de M.Y..., son état d'alcoolémie caractérisé par la présence de 1,39 g d'alcool par litre de sang, s'avère dès lors sans incidence ;
la vitesse excessive de M.Y... n'est enfin nullement établie ;
en conséquence, le jugement déféré doit être réformé et, aucune faute n'étant démontrée à l'encontre de M.Y..., le droit intégral à indemnisation de la victime reconnu » ;
1°) ALORS QUE le conducteur qui conduit malgré un taux d'alcoolémie supérieur au taux légalement admis commet une faute en relation avec son dommage de nature à limiter ou exclure son droit à indemnisation ; qu'il résulte des propres constatations des juges du fond, que M.Y... conduisait, au moment des faits litigieux, avec un taux d'alcoolémie de 1,39 g par litre de sang, soit un taux supérieur à celui légalement admis ; qu'en jugeant néanmoins que M.Y... n'aurait commis aucune faute, et que son état d'alcoolémie aurait été sans incidence sur son droit à réparation, la Cour d'appel a violé l'article 4 de loi du 5 juillet 1985 ;
2°) ALORS QUE commet une faute le conducteur qui conduit à une vitesse excédant la limite autorisée ; que selon les propres constatations de l'arrêt attaqué, M.Y... circulait, au moment des faits litigieux, à une vitesse de 80 km / heure, quand la vitesse autorisée était limitée à 70 km / heure ; qu'en retenant néanmoins que la vitesse de M.Y... n'aurait pas été excessive et qu'il n'aurait commis aucune faute, la Cour d'appel a violé l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985.