Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 30 janvier 2007, 03-12.354, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 03-12.354
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Ancel
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu que M.X..., soutenant que le roman de science-fiction Waterworld et le film de même titre, diffusés concomitamment en France en octobre 1995, l'un publié par la société Les Presses Solar, l'autre produit par la société américaine Universal City Studios et distribué par la société United International Pictures, contrefaisaient le livre " Tideworks ", écrit par lui en 1981, jamais publié mais enregistré au Copyright office le 15 avril 1995, a assigné les sociétés précitées et la société mère américaine MCA en réparation de son préjudice ; qu'il a été débouté et condamné pour procédure abusive ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Paris,13 novembre 2002), d'avoir fait application au litige de la loi américaine, substituée par lui à la loi française appliquée en première instance, alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de l'article 5 § 2 de la Convention de Berne, violé par fausse application, la protection due à tout auteur d'un pays unioniste est exclusivement dévolue à la législation du pays où elle est réclamée, ce qui désignerait celle de l'Etat sur le territoire duquel se produisent les agissements délictueux à propos desquels l'auteur revendique la protection de son oeuvre, et que, par suite, l'action en contrefaçon par laquelle M.X... demandait réparation du préjudice subi en France et causé par la distribution et l'édition sur son territoire du film litigieux, ainsi que de la traduction française de son adaptation littéraire, devait être soumise à la loi française, peu important qu'il ait été originairement produit, adapté et exploité aux Etats-Unis ;
Mais attendu que, au sens de la disposition visée, la législation du pays où la protection est réclamée n'est pas celle du pays où le dommage est subi mais celle de l'Etat sur le territoire duquel se sont produits les agissements délictueux, l'obligation à réparation n'étant que la conséquence éventuelle de ceux-ci ; que la cour d'appel a retenu que le film avait été conçu, réalisé et représenté aux Etats-Unis et que le roman tiré de celui-ci avait été édité dans le même pays ; qu'elle en a exactement déduit que le droit américain était applicable ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est aussi fait grief à la cour d'appel, qui a estimé que l'attestation de l'avocat américain Y... valait certificat de coutume quant au contenu de la loi américaine, faute pour M.X... d'établir le caractère erroné ou partial de ce document, d'avoir ainsi, d'une part et en violation des articles 3 du code civil et 12 du nouveau code de procédure civile, méconnu son devoir de s'enquérir elle-même de la teneur du droit étranger applicable, et d'autre part, en manque de base légale au regard de l'article 1315 du code civil, de s'être abstenue de rechercher si le certificat litigieux n'était pas privé de toute valeur par le passé de son auteur, ancien conseil des quatre sociétés attraites ;
Mais attendu que le juge qui déclare applicable un droit étranger, devant alors en rechercher la teneur, peut à cette fin recourir au concours des parties, et, par ailleurs, apprécie souverainement la valeur probante d'un certificat de coutume ; que, pour accorder crédit à l'affidavit d'après les enseignements duquel elle s'est déterminée, la cour d'appel a souligné, outre les éminentes qualifications professionnelles de son auteur, certes ancien conseil de la société Universal, les productions d'une traduction jurée et des plus importantes jurisprudences citées, ainsi que l'abstention de M.X... à tenter de contester, notamment par le biais d'un autre certificat de coutume pourtant aisé à obtenir, l'exposé fourni par les sociétés défenderesses sur le droit américain et son application ; d'où il suit que le moyen n'est pas davantage fondé ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses sept branches :
Attendu que la cour d'appel, après avoir établi que le droit américain imposait au demandeur en contrefaçon de démontrer que le prétendu contrefacteur avait pu raisonnablement avoir accès à l'oeuvre antérieure avant de créer la sienne et qu'il existait entre elles des similitudes fondamentales ne s'expliquant que par la copie de la première par la seconde et portant sur son expression originale, a minutieusement relaté le contenu de " Tideworks " et de " Waterworld " ; qu'elle a relevé que, si leur commune inspiration consistait en un récit de science-fiction situé sur une terre recouverte par les eaux, cette idée ne pouvait faire l'objet d'une quelconque appropriation en dehors de la forme donnée, qu'aucun point de ressemblance n'était discernable dans leur thématique ou le déroulement de l'intrigue, que les personnages ne présentaient nullement les mêmes caractères, n'entretenaient pas les mêmes relations et ne jouaient pas le même rôle dans le déroulement dramatique de l'action, qu'aucune similitude substantielle portant sur des éléments d'expression protégeables n'existait entre les deux oeuvres, et que, par ailleurs, la loi française conduisait pareillement à exclure la contrefaçon ; que le moyen s'avère ainsi dépourvu de tout fondement ;
Et sur le quatrième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la mention, dans le dispositif de l'arrêt, d'une confirmation du jugement " en toutes ses dispositions ", malgré le rejet en première instance de la demande reconventionnelle formée contre M.X... pour procédure abusive, résulte d'une erreur manifeste de rédaction que la Cour de cassation est à même de réparer par application de l'article 462 du nouveau code de procédure civile ; que, par ailleurs, la cour d'appel, a relevé que M.X..., qui ne pouvait sérieusement se méprendre sur l'étendue de ses droits, avait formulé son grief de contrefaçon au prix d'une présentation fallacieuse et déformée des deux oeuvres en présence et après avoir tardivement déposé la sienne au copyright tandis que le film, qui avait défrayé la chronique, était terminé et que sa sortie était annoncée à grand renfort de publicité ; qu'elle a pu en déduire une volonté persistante et délibérée de l'intéressé de porter atteinte à la crédibilité et à la probité des sociétés adverses ; d'où il suit que le moyen n'est pas plus fondé que les précédents ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
DIT que le dispositif de l'arrêt attaqué, en sa page 17, sera rectifié comme suit : " Confirme par substitution de motifs la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande reconventionnelle formé contre M. Jean X... pour procédure abusive " ;
Condamne M.X... aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne M.X... à payer la somme de 3 000 euros, ensemble, à la société Universal City Studios Inc, la société Les Presses Solar hors collection, la société United International Picture et la société MCA Inc ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille sept.