Cour d'appel de Bordeaux, 24 janvier 2007, 05/003571

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

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Le : 24 Janvier 2007


DEUXIÈME CHAMBRE

No de rôle : 05/03571




S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO

c/

Société PACKARD BELL B.V. venant aux droits de NEC COMPUTERS INTERNATIONAL
Société MITSUI SUMITOMO INSURANCE COMPANY (EUROPE) LIMITED
S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL
S.A. COVEA FLEET

Société PACKARD BELL ANGERS
S.A.R.L. PACKARD BELL ITALIA SRL
S.A. METRO SERVIZI LOGISTICI SPA





Nature de la décision : AU FOND



Grosse délivrée le :

aux avoués


Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Le 24 Janvier 2007

Par Monsieur Philippe LEGRAS, Conseiller,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, DEUXIÈME CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :

S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Le Verney - 73660 LES CHAVANNES EN MAURIENNE

représentée par la S.C.P. BOYREAU et MONROUX, avoués à la Cour, et assistée de Maître Christine VIEILLEMARINGE, avocat au barreau de Bordeaux,

appelante d'un jugement (R.G. 2004F138 - 2004F137 - 2004F1646 - 2004F1981) rendu le 13 mai 2005 par le Tribunal de Commerce de Bordeaux suivant déclaration d'appel en date du 15 juin 2005,


à :


Société de droit néerlandais PACKARD BELL B.V. venant aux droits de NEC COMPUTERS INTERNATIONAL B.V., prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Nieuweweg 279 - 6603 BN WIJCHEN (PAYS BAS) -

Société de droit anglais MITSUI SUMITOMO INSURANCE COMPANY (EUROPE) LIMITED, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, 6 Th Floor New London House - 6 London Street - LONDRES - RC3R 7LP (ROYAUME UNI)
représentées par la S.C.P. LABORY-MOUSSIE & ANDOUARD, avoués à la Cour, et assistées de Maître Clément DUPOIRIER substituant Maître Charles KAPLAN, avocats au barreau de Paris,



S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social, Zone Industrielle de Fret - 33521 BRUGES CEDEX

représentée par la S.C.P. GAUTIER & FONROUGE, avoués à la Cour, et assistée de Maître Xavier RODAMEL, avocat au barreau de Lyon,

S.A. COVEA FLEET, prise en son département M.A.T. 190 avenue Thiers 69467 LYON CEDEX 06 et en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, 34 place de la République - 72000 LE MANS

représentée par la S.C.P. CASTEJA-CLERMONTEL & JAUBERT, avoués à la Cour, et assistée de Maître Xavier BUREAU, avocat au barreau de Paris,

intimées,

Société PACKARD BELL ANGERS venant aux droits de la S.A.R.L. NEC COMPUTERS ANGERS, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social, 2999 avenue du Général Patton - 49000 ANGERS

S.A.R.L. de droit italien PACKARD BELL ITALIA SRL venant aux droits de NEC COMPUTERS ITALIA SRL, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social, Via Torri Bianche 3 - 20059 VIMMERCATE MILAN (ITALIE)

S.A. de droit italien METRO SERVIZI LOGISTICI SPA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social, Via Gozzano 19 - 20092 CINISELLO BALSAMI (ITALIE)

représentées par la S.C.P. LABORY-MOUSSIE & ANDOUARD, avoués à la Cour, et assistées de Maître Clément DUPOIRIER substituant Maître Charles KAPLAN, avocats au barreau de Paris,

intervenantes,


rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue le 29 novembre 2006 devant :


Monsieur Serge SAINT-ARROMAN, Président,
Monsieur Bernard ORS, Conseiller,
Monsieur Philippe LEGRAS, Conseiller,
Madame Véronique SAIGE, Greffier,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.

***

Le 19 novembre 2002 et selon lettre de voiture CMR no13158-73688 la société NEC COMPUTERS INTERNATIONAL B.V. confiait à la S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL le transport de 25 palettes de produits informatiques d'un poids brut de 4.000 kgs chargés au centre logistique de la société NEC à Saint Sylvain d'Anjou (49) et à destination des entrepôts de la société METRO SERVIZI LOGISTICI à Caleppio Di Settaia (Italie) et selon lettre de voiture no99005723 du 19 novembre 2002, la S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL confiait à la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO le transport des 25 palettes avec comme date impérative de livraison le 21 novembre 2002 avant 12h 30.

Le 20 novembre 2002 vers 21h30, le chauffeur de la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO stationnait son véhicule articulé à Cigliano (Italie) sur le parking d'un restaurant "auto-grill" au bord de l'autoroute A 44 Milan-Turin. Il s'absentait pour dîner et revenait dormir dans sa cabine, reprenant la route le lendemain matin à 7h30. À l'arrivée au centre de déchargement de la marchandise, il était constaté que la bâche du camion avait été découpée et qu'il manquait 19 palettes soit 151 cartons sur 200. Les manquants faisaient l'objet de réserves sur la lettre de voiture et, après dépôt de plainte par le chauffeur à la brigade de carabiniers de Parabiago, la perte était évaluée à 135.745,98 €.

Par courriers des 25 novembre et 5 décembre 2002, les sociétés NEC COMPUTERS INTERNATIONAL et NEC COMPUTERS ANGERS informaient la S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL qu'elles la tenaient pour responsable de leur entier préjudice.

La société MITSUI SUMITOMO INSURANCE COMPANY, assureur des sociétés NEC, indemnisait la société NEC COMPUTERS INTERNATIONAL sous déduction d'une franchise.

Une déclaration de sinistre était effectuée par la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO auprès de son assureur la S.A. COVEA FLEET qui refusait sa garantie.

Par acte du 20 novembre 2003, la S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL faisait assigner la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO devant le Tribunal de commerce d'Alberville cependant que, par acte du 21 novembre 2003, les sociétés NEC COMPUTERS INTERNATIONAL B.V. et ses filiales, METRO SERVIZI LOGISTICI SPA et MITSUI SUMITOMO INSURANCE COMPANY faisaient assigner la S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL et la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO devant le Tribunal de commerce de Bordeaux.

Par jugement du 22 juin 2004, le Tribunal de commerce d'Albertville se déclarait incompétent au profit du Tribunal de commerce de Bordeaux.

Par acte du 20 septembre 2004, la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO faisait assigner devant le même tribunal la S.A. COVEA FLEET.

Par jugement contradictoire du 13 mai 2005 le tribunal, joignant les instances, a :
- dit irrecevables en leurs demandes les sociétés NEC COMPUTERS ANGERS, NEC COMPUTERS ITALIA et METRO SERVIZI LOGISTICI SPA ;
- condamné in solidum les sociétés HAMANN INTERNATIONAL et TRANSPORTS REVIGLIO à payer aux sociétés NEC COMPUTERS INTERNATIONAL et MITSUI SUMITOMO INSURANCE COMPANY la somme de 135.745,98 € majorée des intérêts au taux conventionnel de 5% à compter du 25 novembre 2002 et celle de 2.790,55 € représentant les frais d'expertise ;
- ordonné la capitalisation des intérêts ;
- condamné in solidum les sociétés HAMANN INTERNATIONAL et TRANSPORTS REVIGLIO à payer aux mêmes la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- condamné la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO à relever indemne la S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL de toute condamnation prononcée contre elle ;
- débouté la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO de son appel en garantie contre son assureur la S.A. COVEA FLEET.

La S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO a interjeté appel le 15 juin 2005 de ce jugement dont, par dernières écritures du 26 octobre 2006, elle demande la réformation avec le débouté des sociétés PACKARD BELL BV et MITSUI SUMITOMO INSURANCE COMPANY de leur action comme y étant irrecevables et, au fond, sa décharge des condamnations prononcées contre elle par application des causes exonératoires de responsabilité qu'elle invoque. Subsidiairement, et si sa responsabilité devait être retenue, elle demande que celle-ci soit partagée par moitié avec la S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL, qu'en tout état de cause il soit fait application de l'article 23-3 de la CMR limitant l'indemnité à la charge du transporteur soit en l'espèce à la contre-valeur en euros de 25.156,60 DTS, et que la S.A. COVEA FLEET devra la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre. Elle demande enfin 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société de droit néerlandais PACKARD BELL B.V., anciennement dénommée NEC COMPUTERS INTERNATIONAL B.V., la société MITSUI SUMITOMO INSURANCE COMPANY LTD, intimées et appelantes incidentes, la société PACKARD BELL ANGERS, anciennement dénommée NEC COMPUTERS ANGERS, la S.A.R.L. de droit italien PACKARD BELL ITALIA SRL, anciennement dénommée NEC COMPUTERS ITALIA SRL et la S.A. de droit italien METRO SERVIZI LOGISTICI SPA, intervenantes volontaires, ont conclu par dernières écritures du 6 novembre 2006 à la confirmation du jugement ayant prononcé condamnation à l'encontre de la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO et de la S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL en leur qualité de transporteurs sauf à inclure dans les bénéficiaires les intervenants volontaires et à sa réformation en ce que la S.A. COVEA FLEET soit condamnée à garantir son assurée des sommes mises à la charge de celle-ci. Subsidiairement, la S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL devrait être qualifiée de commissionnaire de transport et être condamnée seule ou in solidum avec la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO à indemniser les concluantes du préjudice subi. Elles demandent enfin la condamnation des sociétés TRANSPORTS REVIGLIO, HAMANN INTERNATIONAL et COVEA FLEET à leur verser à chacune la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL, intimée et appelante incidente, conclut par dernières écritures du 22 juin 2006 à la réformation du jugement en ce que la société MITSUI SUMITOMO INSURANCE COMPANY soit déclarée irrecevable en son action comme ne justifiant pas de la subrogation qu'elle invoque et qu'elle soit avec la société NEC COMPUTERS INTERNATIONAL déboutée de toutes ses demandes à son encontre. Subsidiairement, elle conclut à ce qu'il soit fait droit aux moyens exonératoires de responsabilité qu'elle invoque, qu'il soit dit qu'en qualité de commissionnaire de transport elle n'a commis aucune faute personnelle, qu'elle bénéficie des mêmes moyens exonératoires de responsabilité que le voiturier qu'elle a affrété et qu'elle doit comme celui-ci être mise hors de cause. Plus subsidiairement, elle demande qu'il soit fait application de la limitation de responsabilité prévue aux conditions générales de vente et applicable en absence de faute lourde. Dans tous les cas, elle conclut à la condamnation de la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO à la relever et garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre et à lui payer 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La S.A. COVEA FLEET, intimée, conclut par uniques écritures du 13 janvier 2006 à la confirmation intégrale du jugement et, subsidiairement, à sa mise hors de cause soit du fait de l'irrecevabilité en leur action des sociétés NEC COMPUTERS INTERNATIONAL et MITSUI SUMITOMO INSURANCE COMPANY, soit du fait du bénéfice des moyens exonératoires développés par les sociétés TRANSPORTS REVIGLIO et HAMANN INTERNATIONAL, soit du fait de la responsabilité personnelle de la S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL et, plus subsidiairement, à la limitation de sa garantie du fait de l'application de la limitation de l'indemnité due par les transporteurs prévue par l'article 23-3 de la CMR et de la limite contractuelle de garantie à 76.225 € par sinistre. Elle demande enfin la condamnation de la partie succombante à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.


M O T I F S E T D E C I S I O N

Attendu que la contestation de la recevabilité en son action de la société NEC COMPUTERS INTERNATIONAL B.V., et par suite de la société PACKARD BELL B.V. venant à ses droits, ne peut prospérer dès lors que celle-ci, expéditrice de la marchandise ainsi qu'il est désigné sur la lettre de voiture no13158 73688 établie par la S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL, a dédommagé l'entreprise destinataire (METRO SERVIZI LOGISTICI) en faisant établir par sa filiale NEC COMPUTERS ITALIA un avoir correspondant à la totalité de la valeur des marchandises dérobées (135.745,98 €) et en établissant à cette dernière un avoir du même montant ainsi qu'il en est justifié par les pièces produites ;

que cette même contestation visant la société MITSUI SUMITOMO INSURANCE CY ne peut davantage prospérer puisqu'en sa qualité d'assureur du vendeur et de l'expéditeur elle a en exécution du contrat les liant indemnisé la société NEC COMPUTERS INTERNATIONAL par le versement le 6 mai 2003 d'une somme de 124.404,98 € après déduction d'une franchise contractuelle de 10.000 $ (11.341 €) par le truchement du courtier AON ainsi que cela ressort du compte sinistre et de la note de crédit établis par ce courtier et du relevé de compte bancaire de MITSUI, la réalité du paiement étant suffisamment rapportée, comme l'ont retenu les premiers juges, en application des dispositions de l'article L 123-23 du Code de commerce sans qu'il y ait lieu d'exiger une quittance subrogative, et l'assureur se trouve ainsi en application de l'article L 121-12 du Code des assurances légalement subrogé dans les droits et action de son assuré à hauteur de son indemnisation ;

que, du fait de cette indemnisation partielle, la société NEC COMPUTERS INTERNATIONAL B.V. a conservé un intérêt à agir.

Attendu, en revanche, qu'il n'est pas justifié de l'intérêt à agir des sociétés PACKARD BELL ANGERS, PACKARD BELL ITALIA, METRO SERVIZI LOGISTICI SPA, parties intervenantes.

Attendu que la société HAMANN INTERNATIONAL dont l'activité que ses clients ne peuvent ignorer est l'affrètement, ayant contracté avec NEC COMPUTERS INTERNATIONAL B.V. pour l'opération de transport s'est substitué la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO pour la réalisation de l'opération et elle s'est ainsi de fait muée en commissionnaire de transport, sa responsabilité en tant que garant des avaries ou des pertes de marchandises étant définie par l'article L 132-5 du Code de commerce.

Attendu qu'exécutant de l'opération de transport la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO est soumise à la CMR (Convention de Genève du 19 mai 1956) qui stipule notamment :
- en son article 17.1 que le transporteur est responsable de la perte totale ou partielle ou de l'avarie qui se produit entre le moment de la prise en charge de la marchandise et celui de la livraison ainsi que du retard à la livraison ;
- en son article 23-3 une limite d'indemnisation de 8,33 unités de compte par kilogramme de poids brut manquant ;
- en son article 29 l'interdiction pour le transporteur de se prévaloir des dispositions excluant ou limitant sa responsabilité dans le cas où le dommage provient de son dol ou d'une faute à lui imputable considérée comme équivalente au dol ;

qu'il s'agit en droit français de la faute lourde, ceci étant admis par toutes les parties.

Attendu que, se voyant confier le transport à destination de l'Italie de 25 palettes pour un poids de 4.000 kgs d'une marchandise désignée sur la lettre de voiture no99005723 établie par elle-même comme des produits informatiques à partir d'un dépôt de la société NEC COMPUTERS INTERNATIONAL dont le seul intitulé traduit le type d'activité, quand bien même elle n'avait reçu de l'expéditeur et du commissionnaire de transport aucune précision sur la valeur de la marchandise et pouvait ignorer s'il s'agissait d'ordinateurs ou de composants informatiques la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO avait, du seul fait de ces indications, connaissance du caractère sensible de ce transport non seulement du fait de sa valeur mais aussi du fait de l'intérêt qu'elle présente sur le marché de la revente de marchandises volées ;

qu'il n'importe pas que le même commissionnaire lui ait affecté précédemment des transports ne présentant pas de risques particuliers, ce qui est d'ailleurs contesté et il est de même sans effet que, par la suite, la société NEC COMPUTERS INTERNATIONAL ait exigé pour ses transports l'emploi de fourgons, cette précaution n'étant que la conséquence des négligences antérieures du transporteur ;

qu'ayant la pleine maîtrise des opérations matérielles de transport la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO devait prendre toutes dispositions pour assurer l'acheminement de la marchandise dans les conditions de sécurité rendues nécessaires par le lieu de destination, le phénomène récurrent des vols dans les camions et des vols de camions dans les enceintes de grands axes routiers en Italie étant depuis plusieurs années une donnée parfaitement connue des transporteurs internationaux et intégrées par eux ne serait-ce que du fait des exigences de leurs assureurs ;

qu'en particulier il lui appartenait, si un arrêt pour atteinte de la durée maximum de conduite s'avérait nécessaire sur le territoire italien, à fortiori de nuit, d'aménager l'itinéraire dans le respect de la réglementation en sorte que cette halte puisse s'effectuer en un lieu sécurisé ;

qu'il lui appartenait de même d'affecter à ce transport un véhicule moins exposé au vol par sa conformation, ce qui n'est certes pas le cas d'un camion bâché, cette précaution devant surtout s'appliquer en cas d'arrêt prévu en un lieu non gardé.

Attendu qu'en faisant stationner de nuit sur un parking ouvert au public non surveillé en bordure d'une autoroute un camion bâché chargé d'une marchandise sensible alors que le chauffeur, qui s'est éloigné de son véhicule pour aller se restaurer puis y a passé la nuit en laissant les vitres de la cabine entr'ouvertes a, avant son départ le lendemain matin, omis de procéder à un examen attentif extérieur et intérieur de son véhicule qui lui aurait permis de découvrir les traces du vol et de déposer plainte immédiatement la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO a commis une faute lourde constituée par une accumulation de négligences ;



que ces négligences cumulées ne pouvaient voir leurs effets neutralisés par l'éclairage du parking, sa clôture le séparant du champ voisin ou encore l'existence de patrouilles de police d'une fréquence et d'une efficacité ignorées ;

que l'enclenchement du système antivol et la fermeture à clé des accès du véhicule, pas plus que la présence d'ailleurs non constante du chauffeur dans la cabine, n'étaient davantage suffisants pour y pallier alors que ces dispositions ne pouvaient empêcher les voleurs de simplement couper la bâche du camion pour accéder aux marchandises.

Attendu que la circonstance d'une agression par le gaz du chauffeur n'est pas clairement établie puisqu'elle ne devrait se déduire que du fait que le chauffeur se soit plaint le 23 novembre 2002 (certificat médical de cette date) de maux de tête et de nausées et que celui-ci n'en a même pas fait état lors de son dépôt de plainte en Italie, l'article 17-2 de la CMR visant des circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier, assimilables à la force majeure, ne pouvant ici trouver application.

Attendu que l'analyse qui précède exclut toute faute personnelle tant de l'expéditeur, la société NEC COMPUTERS INTERNATIONAL B.V., qui a confié la marchandise à des professionnels du transport à même d'apprécier les risques de celui-ci que du commissionnaire de transport qui ne disposait pas d'informations plus importantes que le transporteur qu'il se substituait ;

que la limitation conventionnelle d'indemnisation copiée de l'article 23-3 de la CMR et résultant de ses conditions générales de vente ne peut pas être opposée par la société HAMANN INTERNATIONAL à la société NEC COMPUTERS INTERNATIONAL dès lors qu'en sa qualité de commissionnaire de transport elle répond des conséquences de la faute lourde du transporteur.

Attendu, d'autre part, qu'aucune cause exonératoire ne pouvant être retenue la S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL doit, en application de l'article L 132-5 du Code de commerce, assurer l'indemnisation du préjudice subi par la société NEC COMPUTERS INT. et par la société MITSUI SUMITOMO INSURANCE CY et elle est fondée, en application de l'article L 133-6 du même code, à voir la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO la relever des condamnations prononcées à son encontre.

Attendu que le contrat d'assurance de responsabilité civile des transporteurs de marchandises liant la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO et la S.A. COVEA FLEET comporte une clause particulière dite "clause syndicale vol" no165 b qui établit en son article 6 des règles de prévention spécifiques aux transports effectués en Italie et en Grèce, imposant le respect simultané de trois conditions :
- véhicule équipé d'un dispositif antivol ;
- mise en oeuvre de ce dispositif pendant l'absence du chauffeur, portes et portières fermées et glaces entièrement levées ;
- véhicule faisant l'objet d'un gardiennage ou remise dans un endroit clos, surveillé ou fermé à clé ;

que la même accumulation de négligences précédemment énumérées caractérise le non respect de ces règles et notamment de la dernière et il ne peut être soutenu sans ajouter au texte que ces règles ne s'appliqueraient qu'en l'absence du chauffeur, étant au surplus là encore observé qu'il n'est pas contesté que celui-ci s'est absenté temporairement ni que pendant sa présence dans le camion il ait laissé les glaces des portières entr'ouvertes ;

que sans qu'il y ait lieu à l'examen de l'autre clause d'exclusion de garantie invoquée ("clause 100") l'application de cette clause en son article 7-2 conduit à mettre hors de cause la S.A. COVEA FLEET.

Attendu, en conséquence, que les appelantes seront déboutées de toutes leurs demandes et les intimées et les parties intervenantes de leurs demandes plus amples.

Attendu que l'application de l'article 27 de la CMR relative aux intérêts et le principe de leur capitalisation en application de l'article 1154 du Code civil de même que l'application de l'article 23-4 prévoyant le remboursement des autres frais encourus en cas de perte de la marchandise ne font pas subsidiairement l'objet de contestation.

Attendu ainsi que le jugement déféré sera purement et simplement confirmé.

Attendu qu'il sera fait droit aux demandes d'indemnisation supplémentaire en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile de la société PACKARD BELL BV aux droits de NEC COMPUTERS INT. et de la société MITSUI SUMITOMO INSURANCE CY à hauteur de 1.500 € pour chacune à la charge des sociétés TRANSPORTS REVIGLIO et HAMANN INTERNATIONAL ;

qu'il sera fait droit à hauteur de 1.500 € à la demande sur le même fondement de la S.A. COVEA FLEET à l'encontre de la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO.

P A R C E S M O T I F S

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

– confirme le jugement.

– Déboute la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO et la S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL de toutes leurs demandes et les intimées et parties intervenantes de leurs demandes plus amples.

– Condamne in solidum la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO et la S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL à payer et porter à la société PACKARD BELL B.V., aux droits de la société NEC COMPUTERS INTERNATIONAL B.V., et à la société MITSUI SUMITOMO INSURANCE CY la somme de 1.500 € à chacune sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

– Condamne la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO à payer et porter sur le même fondement la somme de 1.500 € à la S.A. COVEA FLEET.

– Condamne la S.A.R.L. TRANSPORTS REVIGLIO et la S.A.S. HAMANN INTERNATIONAL aux dépens d'appel dont distraction au profit des S.C.P. d'avoués LABORY-MOUSSIE et ANDOUARD et CASTEJA-CLERMONTEL et JAUBERT.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Serge SAINT-ARROMAN, Président, et par Madame Véronique SAIGE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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