Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 8 mars 2006, 05-85.276, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit mars deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire LABROUSSE et les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Michel,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 14 juin 2005, qui, pour prise illégale d'intérêts, atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, faux en écriture publique et usage, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, 2 ans d'inéligibilité, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 7 et 8 du Code de procédure pénale, 432-12 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de prise illégale d'intérêt pour avoir, en sa qualité d'élu, par arrêté du 1er février 1993 recruté sa fille Barbara et, par arrêté du 2 novembre 1993, engagé son fils Pierre, tous deux comme agents municipaux, en violation des prescriptions légales relatives à ces contrats ;

"aux motifs, propres et adoptés, que la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale imposait dans sa rédaction contemporaine aux faits une limitation de la durée de trois ans des contrats de travail du personnel recruté sans concours et que cette exigence n'a pas été respectée en ce qui concerne les enfants du prévenu ; qu'en l'absence de toute délibération municipale, Michel X... a décidé seul des recrutements de ses enfants à compter du 1er février 1993 pour sa fille ainsi que du 2 novembre 1993 pour son fils ; que si le prévenu fait état d'une pratique courante dans les collectivités territoriales, cette tolérance ne saurait annihiler une règle législative qu'un élu se doit de respecter ; que la délibération municipale du 17 décembre 1992 ne concernait que la création d'un service loisirs-jeunesse ainsi que la création d'un poste de chargé de mission et non pas le contrat de travail au profit de l'un des enfants de l'élu ; qu'ainsi le maire, fort de son mandat municipal, a privilégié ses enfants au mépris des prescriptions légales et a ainsi pris un intérêt moral dans l'attribution de ces deux postes, alors qu'il avait la surveillance de ces opérations et en assurait le paiement ;

"alors que, le délit de prise illégale d'intérêt est une infraction instantanée qui se prescrit à compter du dernier acte par lequel le dépositaire de l'autorité publique prend ou reçoit, directement ou indirectement, un intérêt dans une opération dont il a l'administration ou la surveillance ; qu'en l'espèce, les arrêtés litigieux par lesquels le maire de la commune de Ronchin a engagé comme agents municipaux deux de ses enfants sont datés des 1er février et 2 novembre 1993, de sorte qu'à la date du 12 février 1997, jour du déclenchement de l'enquête préliminaire ordonnée par le procureur de la République, les faits reprochés étaient prescrits ;

qu'en omettant de constater l'extinction de l'action publique, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, si l'exception de prescription est d'ordre public et peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation, c'est à la condition que cette Cour trouve dans les constatations des juges du fond les éléments nécessaires pour en apprécier la valeur ; qu'à défaut de ces constatations, qui manquent en l'espèce, le moyen mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, 111-4, 432-12 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir commis le délit de prise illégale d'intérêts pour avoir, en sa qualité d'élu, par arrêté du 1er février 1993, recruté sa fille Barbara puis, par arrêté du 4 novembre 1993, engagé son fils Pierre comme agents municipaux, en violation des prescriptions légales relatives à ces contrats ;

"aux motifs, propres et adoptés, qu'en l'absence de toute délibération municipale, Michel X... a décidé seul des recrutements de ses enfants à compter du 1er février 1993, pour sa fille, ainsi que du 2 novembre 1993, pour son fils ; que si le prévenu fait état d'une pratique courante dans les collectivités territoriales, cette tolérance ne saurait annihiler une règle législative qu'un élu se doit de respecter ; que la délibération municipale du 17 décembre 1992 ne concernait que la création d'un service loisirs-jeunesse ainsi que la création d'un poste de chargé de mission et non pas le contrat de travail au profit de l'un des enfants de l'élu ; qu'ainsi le maire, fort de son mandat municipal, a privilégié ses enfants au mépris des prescriptions légales et a ainsi pris un intérêt moral dans l'attribution de ces deux postes, alors qu'il avait la surveillance de ces opérations et en assurait le paiement ;

"alors que, le droit au travail inscrit à l'article 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 constitue une liberté fondamentale ; que si l'intérêt personnel en matière de délit de prise illégale d'intérêt prévu à l'article 432-12 du Code pénal peut être constitué par la prise en compte d'un intérêt moral, il ne saurait pour autant être systématiquement caractérisé lorsque le contrat conclu par la personne investie d'un mandat électif l'a été au profit d'un membre de sa famille, sans que ne soit parallèlement rapportée la preuve d'un avantage quelconque, distinct de la seule relation familiale, sauf à violer la liberté fondamentale susvisée ; qu'en se bornant à indiquer que le prévenu avait privilégié ses enfants, sans vérifier si ceux-ci avaient ou non les compétences nécessaires pour assurer les fonctions proposées et si le prévenu avait l'espérance d'un avantage distinct, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, 111-4, 432-12 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir commis le délit de prise illégale d'intérêts pour avoir, entre le 15 mars et le 11 novembre 1995, en sa qualité d'élu, conclu avec la société Appel, dont l'un des associés était son fils, Jérôme X..., divers marchés publics portant sur l'exécution de travaux d'entretien et de rénovation de bâtiments communaux ;

"aux motifs que le prévenu a commis une prise illégale d'intérêt en confiant des travaux de rénovation et d'entretien des bâtiments communaux à la société Apel, dont son fils Jérôme était l'un des associés, sachant qu'il avait lui-même financé l'apport de celui-ci dans cette société ;

"alors que, le droit au travail inscrit à l'article 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 constitue une liberté fondamentale ; que si l'intérêt personnel en matière de délit de prise illégale d'intérêt prévu à l'article 432-12 du Code pénal peut être constitué par la prise en compte d'un intérêt moral, il ne saurait pour autant être systématiquement caractérisé lorsque le contrat conclu par la personne investie d'un mandat électif, l'a été au profit d'un membre de sa famille, sans que ne soit parallèlement rapportée la preuve d'un avantage quelconque, distinct de la seule relation familiale, sauf à violer la liberté fondamentale susvisée ; qu'en se bornant à indiquer que le prévenu avait privilégié l'un des ses enfants vérifier si la société dont celui-ci était l'un des associés avait ou non les compétences nécessaires pour assurer le marché proposé ni s'assurer que le prévenu avait l'espérance d'un avantage distinct, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, 111-4, 432-12 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir commis le délit de prise illégale d'intérêts pour avoir, en qualité de maire, conclu le 23 mai 1996 un contrat d'édition avec une association ayant pour président le concubin de sa fille ;

"aux motifs que le prévenu après avoir conclu un contrat sur la réalisation d'un livre sur la commune de Ronchin, confié à Christina Y..., a conclu un autre contrat portant sur l'édition de ce livre et sa mise en page, confié à l'association "fil de la vie", ayant pour président, François Y..., frère du rédacteur et concubin de Barbara X... ; que ce dernier contrat a donné lieu au versement d'un acompte de 80 000 francs réglé à l'association laquelle a reversé 20 000 francs à Barbara X... et 25 000 francs à Jérôme X..., son trésorier ; que le président a déclaré que le contexte familial avait été déterminant dans la décision de passer une commande du livre à l'association ; qu'ainsi le prévenu n'a pas contesté qu'il avait conclu ce contrat pour trouver un travail pour sa fille de sorte que le délit de prise illégale d'intérêt est caractérisé ;

"alors que, le droit au travail inscrit à l'article 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 constitue une liberté fondamentale ; que si l'intérêt personnel en matière de délit de prise illégale d'intérêt prévu à l'article 432-12 du Code pénal peut être constitué par la prise en compte d'un intérêt moral, il ne saurait pour autant être systématiquement caractérisé lorsque le contrat conclu par la personne investie d'un mandat électif, l'a été indirectement au profit d'un membre de sa famille, sans que ne soit parallèlement rapportée la preuve d'un avantage quelconque, distinct de la seule relation familiale, sauf à violer la liberté fondamentale susvisée ; qu'en se bornant à indiquer que le prévenu avait privilégié sa fille, sans vérifier si l'association pour laquelle elle travaillait avait ou non les compétences nécessaires pour assurer l'édition du livre litigieux ni s'assurer que le prévenu avait l'espérance d'un avantage distinct, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer Michel X..., maire de la commune de Ronchin, coupable de prise illégale d'intérêts pour avoir, en premier lieu, signé des arrêtés de nomination de sa fille et de l'un de ses fils en qualité d'agents municipaux, en deuxième lieu, attribué à la société Apel, dont l'un de ses fils était associé majoritaire, divers marchés publics d'entretien et de rénovation de bâtiments communaux et, enfin, conclu un contrat d'édition, au nom de la commune, avec l'association "Le Fil de la vie" ayant pour président le concubin de sa fille, et pour l'exécution duquel cette dernière a été rémunérée, la cour d'appel prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que le délit de prise illégale d'intérêts est caractérisé par la prise d'un intérêt matériel ou moral, direct ou indirect, la cour d'appel a fait une exacte application de l'article 432-12 du Code pénal, dont il n'appartient pas à la Cour de cassation d'apprécier la constitutionnalité ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 434-14 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics pour avoir confié au cabinet d'architecte Z... la réalisation d'un devis estimatif relatif au chantier de la salle des sports NIO, avant le lancement du concours de maîtrise d'oeuvre auquel cette entreprise devait ensuite participer, puis pour avoir modifié le cahier des charges sans procéder à un nouvel appel d'offres ;

"aux motifs que le 19 mars 1993 un concours d'architecte a été publié au bulletin officiel des annonces de marchés publics, pour la reconstruction de la salle des sports NIO à Ronchin ; que le 29 mai suivant, le cabinet Z... s'y est engagé pour une somme de 10 millions de francs, les deux autres architectes ayant concouru, s'étant abstenus de sorte que le marché a été attribué au cabinet Z... le 4 juin 1996 ; que ce projet a fait l'objet d'une modification pour une surélévation des plafonds entraînant un coût supplémentaire de 1,7 million de francs ; que le 25 juin suivant ce même cabinet a été retenu pour la réalisation du projet modifié ; que le prévenu a favorisé ce cabinet d'architecte en lui donnant accès au dossier avant la publication du concours et en lui confiant le marché modifié sans nouvel appel d'offres ; que si l'adjoint aux travaux a eu un rôle prépondérant dans la gestion de ce dossier puisque c'est lui qui ordonné que le devis estimatif soit réalisé par le cabinet Z..., le prévenu ne peut pour un marché d'un tel montant, se retrancher derrière son ignorance d'autant qu'il a été établi qu'il avait rencontré l'architecte A..., avant la remise des dossiers et qu'il a signé un extrait de délibération du conseil municipal daté du 18 juin 1996, destiné à la préfecture, faisant mention du choix du

cabinet Z... par le conseil municipal, à l'unanimité, tandis qu'aucune décision n'avait été prise lors de cette séance ; qu'ainsi, son intention était bien de favoriser ce cabinet d'architecture au mépris du Code des marchés publics ;

"alors qu'après avoir constaté que c'est à la date du 4 juin 1996 que le jury avait attribué le marché de la reconstruction de la salle des sports Nio à Ronchin au cabinet Z..., pour une somme de 10 millions de francs, la cour d'appel n'a pu sans se contredire énoncer ensuite que si l'intervention de M. B..., adjoint aux travaux, avait été prépondérante dans la gestion de ce dossier, il n'en demeurait pas moins que le maire était dûment informé de l'avantage concédé au cabinet d'architecte, puisqu'il avait signé un extrait de délibération du conseil municipal daté du 18 juin 1996, faisant mention du choix du cabinet Z... par le conseil municipal, à l'unanimité, tandis qu'à cette séance et à cette date aucune décision n'avait été prise ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que le choix de la société susvisée était antérieur à la date du 18 juin 1996, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs qui ne permet pas de justifier légalement la solution retenue" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de favoritisme dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la règle non bis in idem, des articles 432-14 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable du délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité dans les marchés publics pour avoir confié à la société Apel l'exécution de travaux d'entretien et de rénovation de bâtiments communaux dont celle de l'immeuble de la salle de tir sportif ronchinois, le tout pour un total excédant le montant à hauteur duquel une mise en concurrence était obligatoire, et avoir conclu le 22 novembre 1995 un contrat portant sur la réalisation d'un livre consacré à la ville de Ronchin et le 23 mai 1996, un contrat d'édition avec l'association "fil de la vie", le montant total des deux contrats excédant la somme de 300 000 francs sans qu'une mise en concurrence n'ait été réalisée ;

"aux motifs qu'entre le 15 mars 1995 et le 11 novembre 1995, Michel X... a conclu des travaux de rénovation des bâtiments communaux à hauteur de 274 681,74 francs à la société Apel, mais que s'agissant du montant des travaux réalisés sur l'immeuble de l'association "tir sportif ronchinois", il a tout d'abord fait facturer par la société Apel, une somme de 170 620 francs représentant le montant des travaux puis a versé à cette association une subvention du même montant destiné à régler directement cette facture pour masquer cette dépense et contourner ainsi la réglementation des marchés publics en évitant un appel à la concurrence ; qu'ainsi le maire a favorisé la société Apel en utilisant l'association comme un relais, pour méconnaître les conditions légales relatives au Code des marchés publics ; que Michel X... a tout d'abord, après approbation du conseil municipal, conclu un contrat sur la réalisation d'un livre sur la commune de Ronchin, confié à Christian Y..., puis a ensuite conclu un autre contrat portant sur l'édition de ce livre et sa mise en page, confié à l'association "le fil de la vie", ayant pour président, François Y..., frère du rédacteur et concubin de Barbara X... ; que le montant global de ces deux contrats, dépassait le seuil des 300 000 francs de sorte qu'une mise en concurrence aurait du être organisée en application du Code des marchés publics qui ne prévoit aucune dérogation pour les associations qui en sont attributaires ; que la mauvaise foi du prévenu résulte du caractère intrinsèquement familial qui s'attache à ces deux Conventions, l'infraction de favoritisme est constituée dans tous ses éléments ;

"alors qu'un même fait ne peut donner lieu, contre un même prévenu, à deux déclarations de culpabilité distinctes, lorsque chacune des incriminations visent à protéger la même valeur sociale ; que le délit de prise illégale d'intérêt commis par la personne investie d'un mandat électif, à l'occasion de la conclusion d'un marché public réalisée au profit d'un membre de sa famille, punissable d'une peine de cinq années d'emprisonnement, est incriminé dans la section III, du titre III, du Livre IV du Code pénal, qui sanctionne les atteintes à l'autorité de l'Etat, et plus précisément les manquements au devoir de probité, tout comme le délit de favoritisme, punissable d'une peine de deux années d'emprisonnement qui figure également dans la même section ;

qu'ainsi seule la qualification relevant de la plus haute acception pénale doit être préférée dès lors que le devoir de probité a été méconnu par la personne investie d'un mandat électif ; qu'en déclarant Michel X... simultanément coupable des délits prévus aux articles 432-12 et 432-14 du Code pénal pour la conclusion de contrats consentis à des sociétés ou des associations dans lesquelles se trouvaient ses enfants, la cour d'appel a violé la règle non bis in idem" ;

Attendu que les faits pour lesquels le prévenu a été déclaré coupable sous les qualifications de prise illégale d'intérêts et de favoritisme sont distincts ; qu'au demeurant, les infractions de prise illégale d'intérêts et de favoritisme protègent des intérêts distincts ;

Que dès lors le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le septième moyen de cassation, pris de la violation de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, du principe de la présomption d'innocence, des articles 121-3 et 432-14 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable du délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité dans les marchés publics pour avoir conclu des contrats avec des agences de voyage pour un montant total excédant le seuil des contrats soumis à concurrence ;

"aux motifs que la commune de Ronchin a conclu en 1995 et 1996 des contrats pour l'organisation de séjour pour enfants avec les agences de voyage ARTES et ADP 59 et a réglé à la première, une somme de 377 413 francs au titre de l'année 1995 et à la seconde une somme de 526 757,90 francs au titre de l'année 1995 ainsi qu'une somme de 716 709, 20 francs pour l'année 1996 ; que ces sommes sont supérieures au seuil autorisé par l'article 321 du Code des marchés publics, pour la passation des marchés sur mémoire ; que la nature similaire et la régularité des prestations fournies témoignent d'une unicité d'objet de sorte que le calcul du seuil déterminant les modalités du marché s'effectue annuellement pour chaque attributaire ; que si le prévenu invoque son ignorance de la nécessité de faire un appel d'offres pour des activités de cette nature, sa mauvaise foi est établie par la durée de ses différents mandats à la date des faits et par sa fonction de président de la commission d'appel d'offres au conseil général ;

"alors que, le délit prévu à l'article 432-14 du Code pénal est une infraction intentionnelle qui suppose que soit rapportée la preuve de la volonté d'enfreindre la loi ; qu'en se bornant à déduire cette intention de la réitération des mandats électifs du prévenu et de sa fonction de président de la commission d'appel d'offres au conseil général, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, en établissant une présomption de mauvaise foi à l'encontre de l'élu, violant dès lors le principe de la présomption d'innocence" ;

Attendu que, pour déclarer Michel X... coupable de favoritisme s'agissant des conventions conclues entre la mairie de Ronchin et les sociétés ADP 59 et Artes, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et dès lors que l'élément intentionnel du délit de favoritisme est caractérisé par l'accomplissement en connaissance de cause d'un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le huitième moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-1 et suivants du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable de faux et d'usage de faux dans une écriture publique et l'a condamné de ce chef ;

"aux motifs qu'une discordance a été constatée par la chambre régionale des comptes entre le registre des délibérations du conseil municipal pour la séance du 18 juin 1996 et les extraits de ce registre envoyés à la préfecture qui mentionnaient, en outre, le choix du cabinet Z... pour le marché de la salle de sports NIO ainsi qu'un virement de 80 000 francs en faveur de l'association "le fil de la vie" ; que ces ajouts ne sont pas contestés, le prévenu s'en défendant par une pratique généralisée à Ronchin comme dans un grand nombre de communes et par la connaissance qu'en avait le conseil municipal ; que toutefois en l'espèce, le conseil municipal n'a pas pu en connaître puisque seuls le résultat des opérations d'expertise concernant l'incendie de la salle de sports NIO ainsi que trois virements de crédits, autre que celui mentionné par le maire, ont été relatés sur le compte-rendu de séance ; que ces divergences ne sont pas anodines puisqu'elles concernent des faits pour lesquels Michel X... a été reconnu coupable de délit de prise illégale d'intérêts et d'avantages injustifiés et se rapportent à des dépenses soumises au contrôle préalable du préfet de sorte qu'elles ne peuvent être examinées comme de simples erreurs de retranscription ou d'interprétation ;

qu'ainsi Michel X... qui présidait la séance du 18 juin 1996 et qui a signé les extraits ne pouvait ignorer qu'il dénaturait, sur ces points, l'ordre du jour, les débats et les délibérations de cette séance ;

"alors que les délibérations des conseils municipaux transcrites sur le registre des délibérations, destinées à assurer la conservation des décisions prises par le conseil municipal, n'ont pas valeur d'acte authentique ; que les extraits du registre des délibérations du conseil municipal, signés par le maire et adressés au préfet, constituent des écritures publiques dont les mentions peuvent ainsi différer de celles inscrites sur le procès-verbal de séance du conseil municipal transcrit sur le registre des délibérations, sans que la vérité en soit altérée, dès lors que le retard, l'absence de transcription ou la transcription partielle d'une délibération sur le registre communal sont sans effet sur l'existence et la validité des délibérations elles-mêmes ; qu'en retenant le délit de faux en écriture publique sans avoir établi que les extraits de la délibération du conseil municipal datés du 18 juin 1996, dont certaines mentions ont été divulguées dans la presse locale du 20 juin 1996, ne reflétaient pas la réalité des délibérations, la cour d'appel a fait une fausse application de l'article 441-4 du Code pénal" ;

Attendu que, pour déclarer Michel X... coupable de faux en écriture publique et usage, l'arrêt relève que le prévenu, qui a signé un extrait du registre des délibérations du conseil municipal du 18 juin 1996 qu'il présidait, mentionnant, d'une part, la désignation du cabinet d'architecture Z... comme attributaire du marché de maîtrise d'oeuvre de la salle de sports municipale, d'autre part, un virement de 80 000 francs en faveur de l'association "Le Fil de la vie", ne pouvait ignorer qu'il dénaturait sur ces points l'ordre du jour, les débats et les délibérations de cette séance ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Labrousse conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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