Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 16 janvier 2007, 05-84.690, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize janvier deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... DE Y... Ricardo,

- Z... A... Juan B...,

- LA SOCIETE STAPLEFIELD INVESTMENTS,

partie intervenante,

- LA SOCIETE SEAPORT MANAGEMENT SERVICES, partie intervenante, contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS de la REUNION, en date du 23 juin 2005, qui, pour infractions à la police de la pêche en mer et refus d'obtempérer aux injonctions d'un commandant lors du contrôle en mer d'un navire, a condamné le premier à 75 000 euros d'amende, le second à 40 000 euros d'amende, a ordonné des mesures de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 12 avril 2004, un navire de pêche, qui disposait, sous l'identité de C..., d'une autorisation provisoire de naviguer délivrée par la marine marchande du Honduras, valable jusqu'au 1er juillet 2004, pour transiter entre l'île de Ross et l'île Maurice sans autorisation de pêcher, a, sous le nom de l'America I et en battant pavillon américain , quitté Port-Louis (Maurice) avant de changer d'identité et de pavillon en mer et de naviguer sous la première dénomination ; que, le 17 juin, ce bâtiment, repéré en action de pêche dans la zone économique australienne par le patrouilleur Albatros de la marine nationale française, a pris la fuite pour entrer en zone française dans laquelle il a pénétré en déclarant disposer à son bord de 60 tonnes de légines congelées ; que, le 21 juin, l'Albatros a localisé, à l'extérieur de la même zone, un écho dont la réaction de fuite était la même, le navire Apache confirmant les éléments précédemment transmis mais refusant à trois reprises la venue à bord de l'équipe de visite de la marine nationale ; que, le 22 juin, les autorités du Honduras ont donné leur accord aux autorités françaises pour un contrôle de C... ; que, le 23 juin, le patrouilleur Albatros a repêché dans la zone économique française des palangres provenant de C... déjà observées les 13 et 15 juin précédents sur la même position ; que, le 25 juin, en haute mer, à l'ouest de la zone économique française, le même patrouilleur a détecté à nouveau C... dont la poursuite a été engagée et dont le capitaine a refusé d'obtempérer aux injonctions de contrôle qui lui étaient adressées; que la visite à bord a permis de découvrir du matériel de pêche identique à celui repêché quelques jours auparavant ainsi qu'une cargaison de légines congelées ;

qu'un second patrouilleur français a découvert, le 11 juillet suivant, en zone économique exclusive française, du matériel de pêche provenant du navire America I, semblable aux apparaux trouvés à bord de C... ;

que l'analyse des disques durs des ordinateurs de la passerelle du navire ont établi sa présence en zone économique française du 9 au 11 juin ;

que le capitaine du navire, Ricardo X... de Y..., et le capitaine de pêche, Juan B... Z... A..., ont été poursuivis pour refus d'obtempérer aux injonctions d'un commandant de la marine nationale lors du contrôle en mer d'un navire, infraction prévue et réprimée par les articles 3, 4, 5, 8 alinéa 1 et 9 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994, désormais codifiés dans le code de la défense, pour pénétration d'un navire de pêche sans autorisation dans la zone économique exclusive s'étendant au large des terres australes et antarctiques françaises, infraction prévue et réprimée par l'article 4 de la loi n° 66-400 du 18 juin 1966, et pour pêche maritime sans autorisation dans la même zone , délit prévu et réprimé par le même texte, ainsi que par les articles 2 et 4 de la loi n° 83-582 du 5 juillet 1983 ; que l'exception de nullité de la procédure présentée par les prévenus et tirée de l'illégalité de l'arraisonnement a été rejetée ; que le tribunal a déclaré Ricardo X... de Y... coupable de l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés , Juan B... Z... A... coupable du seul délit de pêche illégale, leur a infligé, à chacun, une peine d'amende, a ordonné la confiscation du navire, du matériel de pêche ainsi que du produit de la pêche, à titre peine de substitution à l'emprisonnement , en assortissant ces mesures de confiscation de l'exécution provisoire et a prononcé sur les intérêts civils ;

que cette décision a été frappée d'appel par toutes les parties ; qu'en cause d'appel, la société Staplefield Investments et la société Seaport Management Services respectivement prises en leur qualité d'armateur, propriétaire du navire confisqué, et de propriétaire d'une partie de la marchandise confisquée, sont intervenues en application de l'article 484 du code de procédure pénale pour solliciter la restitution du navire et d'une partie du produit de la pêche ; que la cour d'appel, qui a débouté les sociétés intervenantes de leurs demandes, a confirmé le jugement en toutes ses dispositions mais a précisé que les peines de confiscation du navire et du matériel de pêche seraient prononcées à titre de peines complémentaires en application de l'article 10 de la loi du 18 juin 1966 et que la peine d'amende trouvait son soutien tout à la fois dans l'article 4 de la loi du 1er mars 1888 et dans l'article 8 de la loi du 15 juillet 1994 ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 111 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dite de Montego Bay, du 10 décembre 1982, 2 et 6 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer ; 170, 171, 174, 459 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure soulevée par les prévenus et les a déclarés coupables d'entrée sans autorisation dans la ZEE française, de pêche illicite dans cette ZEE et de refus d'obtempérer aux injonctions d'un commandant d'un bâtiment de l'Etat lors d'un contrôle en mer ;

"aux motifs que " il est indéniable que l'arraisonnement litigieux s'est déroulé dans les eaux internationales et non dans la zone économique exclusive française (ZEE) des terres australes" ;

que "toutefois, la marine nationale disposait lors de l'opération d'un certain nombre d'éléments objectifs, lui permettant de croire légitimement que le navire arraisonné avait été en action de pêche illégale dans la ZEE de telle sorte qu'elle ne faisait qu'exercer un droit de suite sur le navire Apache ex America" ; qu' "en effet, dès le 17 juin 2004, le patrouilleur "Albatros" a détecté au radar un navire dont le comportement était susceptible d'être celui d'un palangrier en pêche et que quelques instants plus tard ce navire prend une route de fuite et entre en ZEE française vers 8 heures 10 ; qu'il s'identifie comme étant un palangrier sous pavillon hondurien avec à son bord 60 tonnes de légines " ; que "le 21 juin 2004, l'Albatros a localisé un écho dont la réaction de fuite était la même que celle du 17 juin 2004, le navire " Apache" confirmant les éléments transmis mais refusant à trois reprises la venue à bord de l'équipe de visite de la Marine Nationale" ; que "le 23 juin 2004, en ZEE, l'Albatros localisait deux extrémités de palangres portant les inscriptions "America I" et " WB4816" grossièrement recouvertes et correspondant aux anciens noms et indicatif du bateau "Apache" ;

que "le 25 juin 2004 à l'ouest de la ZEE l'Albatros détectait un bateau qui prenait la fuite à son approche, et qui rattrapé, faisait la même déclaration qu'auparavant mais refusait toute vérification ainsi que toute modification de sa route et de sa vitesse étant observé que le navire de guerre constatait que "de nombreux objets sont jetés à la mer" ; que "lorsque le 25 juin l'Albatros procédait à l'arraisonnement après un tir de semonce et un tir d'arrêt en raison des refus de C..., les autorités françaises avaient suffisamment d'éléments pour légitimement juger que le palangrier s'était livré à des pêches illégales en ZEE et donc mettre fin au jeu de cache-cache auquel se livrait le palangrier" ; qu' "en outre le 21 juin lorsque l'Ambassade de France au Honduras adressait aux autorités de ce pays un télégramme indiquant que C... sous pavillon hondurien se livrait à des activités de pêche illégale, il y avait déjà des éléments suffisants pour envisager un arraisonnement en haute mer compte tenu du comportement de C... le 17 juin et le 21 juin étant observé que les autorités savaient qu'il y avait 60 tonnes de légines à bord ; que le renseignement donné aux autorités honduriennes n'était pas faux mais a procédé d'une extrapolation pertinente à partir d'éléments objectifs qui au demeurant ont été confortés par la découverte de palangres du 23 juin et par le comportement de C... le 25 juin avant l'arraisonnement qui n'a d'ailleurs été rendu nécessaire qu'à cause du refus de vérification comportant la visite à bord de la part du capitaine de C..." ; qu' "il résulte de la démonstration ci avant que l'arraisonnement n'a pas été illégal ; que le droit de suite a été légitimement exercé sans qu'il y ait eu fausse information" ;

"alors que, selon l'article 111 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dite de Montego Bay, auquel renvoient les articles 2 et 6 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994, le droit de poursuite en haute mer n'est possible que si la poursuite a commencé dans les eaux territoriales nationales, le navire étant à ce moment soupçonné d'avoir commis une infraction ; que dès lors qu'il était soutenu dans les conclusions déposées pour les prévenus, que le 17 juin 2004, le navire était entré légalement dans la ZEE après avoir déclaré qu'il transportait 60 tonnes de légines et y avoir été autorisé, la cour d'appel ne pouvait considérer que le droit de suite s'était exercé à cette date, sans répondre au chef péremptoire de conclusions soutenant que le navire disposait d'une autorisation d'entrée dans la ZEE ; que la cour d'appel constate par ailleurs uniquement que, le 21 juin 2004, le navire a une réaction de fuite, sans constater qu'il entre dans la ZEE française ; qu'ainsi, au jour de l'arraisonnement en haute mer, les constatations de la cour d'appel ne permettent pas d'affirmer qu'il existait des indices de pêche dans la ZEE française au moment où la poursuite en haute mer a commencé ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait sans mieux s'en expliquer et se prononcer sur les conclusions qui soutenaient que le 17 juin 2004 le navire avait reçu l'autorisation d'entrer dans la ZEE et ce d'autant moins, qu'elle n'a par ailleurs retenue l'infraction d'entrée sans autorisation

dans la ZEE que pour des faits commis antérieurement, considérer que les autorités françaises qui avaient arraisonné le navire en haute mer, compte tenu des soupçons de commission d'une infraction dans cette ZEE, avaient exercé leur droit de poursuite prévu par l'article 111 de la Convention des Nations Unions sur le droit de la mer dite de Montego Bay de 1982, ratifiée par la France le 11 avril 1996, article auquel renvoie les articles 2 et 6 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994" ;

Attendu qu'il ne résulte ni du jugement ni des conclusions déposées que les demandeurs, qui ont fait valoir devant le tribunal correctionnel que les conditions posées par l'article 110 de la Convention de Montego Bay relatives au droit de visite des navires en haute mer n'étaient pas réunies lors de l'arraisonnement de leur bâtiment, aient soulevé devant cette juridiction, avant toute défense au fond, l'exception de nullité qu'ils entendent désormais tirer d'une mise en oeuvre par les autorités françaises d'un droit de poursuite selon des modalités non conformes à l'article 111 de ladite convention ;

Que, si la cour d'appel a cru devoir répondre à cette dernière argumentation, le moyen qui la reprend devant la Cour de cassation, est irrecevable par application de l'article 385 du code de procédure pénale ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 de la loi n° 66-400 du 18 juin 1966 relative à l'exercice de la pêche maritime et à l'exploitation des produits de la mer dans les terres australes et antarctiques françaises, préliminaire, 463, 591, 593 du code de procédure pénale ; défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de pêche illicite et a condamné Ricardo X... De Y... à payer une amende de 75 000 euros et Juan B... Z... A... une amende de 40 000 euros et a ordonné la confiscation du navire, du matériel de pêche et du produit de la pêche se trouvant sur le navire, après avoir rejeté leur demande d'expertise ;

"aux motifs qu'outre les motifs des premiers juges que la cour adopte, il convient en outre d'ajouter qu'il y a impossibilité à expertiser les légines saisies sur le navire dès lors qu'elles ont été vendues et que par conséquent elles ne sauraient être expertisées " ; que "l'infraction de pêche illégale est contestée par les prévenus" ; qu' "une série de faits constatés et qui se conjuguent démontrent suffisamment qu'il y a eu pêche illégale" ; que "le changement de pavillon fait en hâte suite à une vente du navire entre deux sociétés qui apparaît comme ayant été réalisé pour les besoins de la cause, a permis alors que le navire se rendait en ZEE de changer opportunément d'identité et de pavillon" ; que "le comportement du navire entre le 17 juin et le 25 juin 2004, le jeu de cache cache avec l'Albatros, la découverte de palangres en ZEE avec bouées portant indications démontrant qu'elles venaient de C... ex America 1, l'action de fuite du navire, le jet de nombreux objets à la mer, le matériel de pêche découvert à bord et identique à celui repêché en ZEE, les légines congelées à bord et les appâts congelés, l'usine de pêche stoppée mais les traces de poissons frais, d'abats et d'appâts, les disparitions d'ordinateurs, les mémoires effacées, l'absence d'un journal de pêche et d'une comptabilité du poisson pêché, les incohérences du journal de navigation, la disparition de pages du cahier de suivi d'événement au PC machine, l'absence de cahier de relevé des paramètres machine, le relevage le 11 juillet 2004, en ZEE, d'une palangre identifiée avec son matériel annexe identique au matériel découvert sur C..., sont des éléments graves et concordants qui permettent de juger que le capitaine et le capitaine de pêche ont pêché illégalement en ZEE française où le navire s'est trouvé au plus tard dès le 9 juin 2004, les arguments soulevés par Ricardo X... De Y... et Juan B... Z... A... étant contredits par tous les éléments matériels relevés" ;

"et aux motifs adoptés que, "quant bien même, si tant est que l'espèce contenue dans les cales de C... fut une légine étrangère aux eaux sous souveraineté française, la possibilité que le palangrier ait pu pêcher dans les eaux internationales de Williams' D..., est exclue à la simple lecture des relevés GPS sur l'informatique de bord, relevés qui indiquent non seulement que le palangrier a séjourné en ZEE française avant la date du 17 juin 2004, mais qui ne portent pas mention d'un séjour sur la zone de Williams D..." ; qu' "en outre le matériel de pêche de C... retrouvé par l'Albatros, puis par l'Osiris en zone française, atteste suffisamment que tout ou partie de la cargaison a été prélevée en zone économique exclusive" ; que "les prévenus n'établissent pas qu'ils aient pêché l'entière cargaison de légine hors ZEE " ;

"alors que selon l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, toute personne doit disposer des moyens d'assurer sa défense ; qu'il en va nécessairement ainsi lorsque les juges constatent l'existence d'une infraction par présomption ; que pour établir l'absence de pêche illicite, les prévenus soutenaient que le poisson découvert sur le navire n'avait pas été pêché dans la ZEE française et demandaient une expertise pour pouvoir apporter la preuve des faits ; que pour rejeter la demande d'expertise, la cour d'appel, s'appropriant les motifs du jugement, a constaté que le navire n'avait pas pêché dans les eaux internationales de Williams D... comme permettait de le constater l'analyse du GPS ; que cependant, le tribunal avait par ailleurs constaté que les mémoires du GPS qui avaient été effacées ne permettaient pas de connaître le trajet du navire ; que de tels motifs contradictoires ne permettaient pas de s'assurer que le navire avait pêché dans la ZEE française; que, par ailleurs, le seul constat de l'impossibilité matérielle de procéder à une telle expertise, du fait de la destruction du poisson, aurait du amener la cour d'appel à considérer que devant l'impossibilité pour les prévenus d'établir leur innocence, leur relaxe s'imposait" ;

Attendu que, pour déclarer Ricardo X... de Y... et Juan B... Z... A... coupables des faits de pêche illégale qui leur sont reprochés, commis courant juin 2004 dans la zone économique exclusive des îles Kerguelen, l'arrêt, qui s'appuie sur des constatations effectuées par procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve contraire, relève qu'entre le 9 et le 15 juin, à une période où l'entrée dans cette zone n'avait fait l'objet d'aucune déclaration de la part des prévenus, le navire à bord duquel ils se trouvaient, a été localisé sur des positions, situées à l'intérieur de ladite zone, où ont été repêchées des palangres identifiées comme appartenant à ce bâtiment ;

Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'ou il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné à l'avocat des demandeurs, pris de la violation des articles 111-3 et 132-3 du code pénal, ensemble les articles 2 de la loi du 1er mars 1888, 4, alinéas 1er et 3, de la loi n° 66-400 du 18 juin 1966, dans leur rédaction en vigueur au moment des faits et 3 de la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 ;

Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 3 de la loi n° 83-582 du 5 juillet 1983 relative au régime de la saisie et complétant la liste des agents habilités à constater les infractions dans le domaine de la pêche maritime, 3 de l'ordonnance n 98-523 du 24 juin 1998 relative au régime de la pêche maritime dans le territoire des Terres australes et antarctiques françaises, 484, 591 et 593 du code de procédure pénale ; défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la confiscation du navire et du matériel de pêche et du produit de la pêche ;

"aux motifs que "au regard des dispositions de la convention de Montégo Bay ratifiée par la France et donc intégrée dans le système français, l'emprisonnement pour pêche illégale n'est pas prévue ; qu' "en revanche que la loi du 18 juin 1966 prévoit en son article 10 que le navire et le matériel peuvent être saisis et que la "confiscation des engins" peut être prononcée étant précisé que cet article n'a été aboli ni par un texte national, ni par un texte international" ; que "dans cet article, il n'est nullement précisé que le terme "engins" ne viserait que les matériels saisis sur les navires et non les navires eux-mêmes ; que "concernant l'amende, elle est prévue par l'article 4 modifiée de la loi du 1er mars 1968 étant observé qu'en outre le refus d'obtempérer peut être sanctionné lui aussi par une peine d'amende s'agissant de l'article 8 de la loi du 16 juillet 1964" ; que "par conséquent, la cour peut à la fois prononcer une peine d'amende et ordonner la confiscation du navire, des matériels de pêche saisis et du produit de la pêche illégale" ; que "sur le quantum des peines, il convient de relever qu'en l'espèce, il s'est agi d'une véritable action de piraterie, préméditée et parfaitement organisée requérant une application ferme de la loi pénale" ; que "la cour confirmera le montant des amendes à l'encontre de Ricardo X... De Y... et Juan B... Z... A... et ordonnera la confiscation du produit de la pêche effectuée illicitement dans la ZEE soit 60 tonnes, du matériel ayant utilisé pour commettre l'infraction telle qu'énoncé dans les inventaires joints à la procédure et enfin du navire utilisé soit C... ex America 1 battant pavillon hondurien étant observé que les confiscations du navire et du matériel seront prononcées au profit de l'Etat (service des domaines) et que la confiscation du produit de la pêche, le sera au profit du Territoire des Terres australes et Antarctiques françaises " ;

"alors que, d'une part, l'article 10 de la loi n° 66-400 du 18 juin 1966 sur l'exercice de la pêche maritime et l'exploitation des produits de la mer dans les Terres australes et antarctiques françaises, a été abrogé par l'article 3 de l'ordonnance n° 98-524 du 24 juin 1998 relative au régime de la pêche maritime dans le territoire des terres australes et antarctiques françaises ; que dès lors la cour d'appel ne pouvait s'appuyer sur une disposition abrogée au moment des faits pour prononcer la peine de confiscation du navire et alors qu'une telle mesure n'est prévue par aucune autre disposition applicable dans les terres australes et antarctiques ;

"alors que, d'autre part, selon le principe de la personnalité des peines, la confiscation ne peut porter que sur des objets dont le prévenu est propriétaire ; que la cour d'appel ne pouvait légalement ordonner la confiscation d'objets n'appartenant pas aux prévenus mais à deux sociétés, Staplefield Investments SA et Seaport Management Services LLC, dont la mauvaise foi n'avait pas été caractérisée ;

"alors que, de troisième part, en refusant de faire droit à la demande d'expertise pour déterminer si le poisson pêché l'avait été dans la zone d'exclusion française et dans quelle mesure, par des motifs contradictoires, en estimant qu'une partie au moins de la pêche s'était faite dans la ZEE française, et au vu d'une impossibilité de procéder à une telle expertise du fait de la destruction de la marchandise, la cour d'appel qui a prononcé une peine de confiscation de la totalité du poisson pêché, sans disposer d'éléments permettant de s'assurer que celle-ci portait sur un produit pêché illégalement comme le prévoit l'article 4 de la loi n° 83-582 du 5 juillet 1983, a violé la disposition précitée et le principe de la personnalité des peines ;

"alors que, de quatrième part, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions qui soutenaient que les prévenus apportaient la preuve que 7519 tonnes de poissons se trouvant dans les cales de C... n'avaient pas été pêchées dans la ZEE française au cours d'une précédente campagne de pêche et ne pouvaient en tout état de cause être considérées comme pêchées illégalement ;

"alors qu'en tout état de cause, en application de l'article 484 du code de procédure pénale, la cour d'appel est compétente pour statuer sur les restitutions dans les conditions prévues par les articles 475 à 481 dudit code ; que les juges sont tenus de faire droit à une demande de restitution émanant du propriétaire d'un bien placé sous main de justice, lorsque celui-ci n'a pas été mis en cause comme auteur de l'infraction et lorsque les produits en cause ne sont pas dangereux ; que, les sociétés Staplefield Investments SA et Seaport Management Services LLC sont régulièrement intervenues devant la cour d'appel pour demander la restitution du produit de la pêche, du matériel de pêche et du navire qui leur appartenait ; que notamment, il était soutenu qu'au moins 7 519 tonnes de légines étaient la propriété de la société Seaport Management Services LLC, dès lors qu'il n'était pas établi que le poisson avait été pêché dans la ZEE par les prévenus ;

que, faute pour la cour d'appel de s'être prononcée sur la demande de restitution de ces sociétés, elle a violé l'article 484 du code de procédure pénale" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu les articles 111-3 et 132-3 du code pénal , ensemble les articles 2 de la loi du 1er mars 1888, 4, alinéas 1er et 3, dans leur rédaction en vigueur au moment des faits, de la loi n° 66-400 du 18 juin 1966 et 3 de la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976, ainsi que les articles 2, 3, dans sa rédaction en vigueur au moment des faits, et 4 de la loi n° 83-582 du 5 juillet 1983 ;

Attendu que, d'une part, une seule action ne peut faire l'objet de qualifications distinctes et de peines séparées, l'action unique devant être réprimée sous sa plus haute expression pénale et seules les peines afférentes à la qualification ainsi retenue pouvant être prononcées ;

Attendu que, d'autre part, aux termes de l'article 132-3 du code pénal, lorsque, à l'occasion d'une même procédure, la personne poursuivie est reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, chacune des peines encourues peut être prononcée ; que toutefois, lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu'une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé ;

Attendu qu'enfin, selon l'article 111-3 du code pénal, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Ricardo X... de Y... et Juan B... Z... A... ont été poursuivis pour refus d'obtempérer aux injonctions d'un commandant lors du contrôle en mer d'un navire, délit puni de 150 000 euros d'amende par application de l'article 8 de la loi du 15 juillet 1994 , devenu l'article L.1521-9 du code de la défense, pour pénétration d'un navire de pêche dans la zone économique exclusive des terres australes et antarctiques françaises sans signaler son entrée, infraction sanctionnée de 150 000 euros d'amende, par application combinée de l'article 3 de la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 et de l'article 4, alinéa 1er de la loi n° 66-400 du 18 juin 1966, ainsi que pour pêche maritime sans autorisation dans la zone économique exclusive s'étendant au large des terres australes et antarctiques françaises, délit puni d'une amende de 150 000 euros augmentée, au-delà de 2 tonnes de poisson pêché, de 75 000 euros par tonne ainsi que des peines complémentaires de la confiscation du matériel de pêche et des produits de la pêche, le tout par application combinée de l'article 3 de la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976, de l'article 4, alinéas 1er et 3, alors en vigueur, de la loi n° 66-400 du 18 juin 1966 et des articles 2 et 4 de la loi n° 83-582 du 5 juillet 1983 ;

Attendu quaprès les avoir déclarés coupables, Ricardo X... de Y..., de ces trois infractions, Juan B... Z... A..., de la dernière, l'arrêt, qui constate qu'au regard de la Convention de Montego Bay ratifiée par la France et donc intégrée dans le système français, l'emprisonnement pour pêche illégale n'est pas encouru par les capitaines étrangers pour les infractions commises en zone économique exclusive, énonce, avant de fixer les peines, que la confiscation du navire et celle du matériel de pêche peuvent être ordonnées sur le fondement de l'article 10 de la loi du 18 juin 1966, et ajoute qu'une amende peut être infligée aux prévenus tout à la fois sur le fondement de l'article 4, modifié de la loi du 1er mars 1888, réprimant le délit de pêche illégale de 75 000 euros d'amende, et sur celui de l'article 8 de la loi du 15 juillet 1994, réprimant le délit de refus d'obtempérer de 150 000 euros d'amende ; que les juges condamnent, par voie de conséquence, Ricardo X... de Y... à 75 000 euros d'amende, Juan B... Z... A... à 40 000 euros d'amende et prononcent des mesures de confiscation du navire et du matériel de pêche, outre une mesure de confiscation du produit de la pêche, sans préciser le fondement de cette dernière condamnation ;

Mais attendu que, si les faits de pêche maritime sans autorisation reprochés aux prévenus sont constitutifs d'un délit puni d'une peine d'amende à titre de peine principale tant par l'article 2, et non par l'article 4 de la loi du 1er mars 1888, que par l'article 4 de la loi du 18 juin 1966, qu'il convient de combiner avec l'article 3 de la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976, la cour d'appel qui devait, d'une part, pour fixer la peine d'amende infligée à chacun d'entre eux, se référer, en présence de textes prévoyant tous le prononcé à titre de peine principale d'une seule peine d'amende, au texte répressif prévoyant la peine de même nature la plus élevée, c'est-à-dire à l'article 4, alinéas 1er et 3, de la loi du 18 juin 1966, et qui ne pouvait, d'autre part, prononcer que les seules peines complémentaires de confiscation du matériel de pêche et des produits des pêches réalisées en infraction, non pas sur le fondement de l'article 10 de la loi du 18 juin 1966, abrogé par l'article 3 de l'ordonnance n° 98-523 du 24 juin 1998, ratifiée par la loi n° 99-1038 du 9 décembre 1999, mais sur celui des articles 2 et 4 de la loi du 5 juillet 1983, à l'exclusion de la peine de confiscation du navire qui n'était pas prévue par la loi et qui n'aurait pu être prononcée au moment des faits qu'à titre de peine de substitution, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

qu'elle s'étendra à toutes les peines mais sera limitée à elles, dés lors que les déclarations de culpabilité n'encourent pas la censure ;

Et sur le quatrième moyen de cassation, pris de violation des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable l'action civile exercée par le Comité régional des Pêches Maritimes et Elevage marin de la Réunion et lui a alloué 1 euro de dommages et intérêts ;

"alors que selon les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, et sauf dispositions législatives particulières, l'exercice de l'action civile devant les juridictions répressives n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement subi un préjudice matériel ou moral découlant directement des faits, objet de l'infraction poursuivie ;

qu'en l'espèce, dès lors que la cour d'appel ne constatait pas que le Comité Régional des Pêches Maritimes et Elevage marin de la Réunion pêchait dans la ZEE française, comme les autres parties civiles, ou que ce comité était habilité par la loi à agir contre les infractions ne leur ayant pas personnellement causé un préjudice, elle ne pouvait la déclarer recevable à agir et lui allouer des dommages et intérêts sans violer les articles précités" ;

Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ces articles, et sauf dispositions législatives particulières, l'exercice de l'action civile devant les juridictions répressives n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement subi un préjudice matériel ou moral découlant directement des faits, objet de l'infraction poursuivie ;

Attendu que, pour admettre la constitution de partie civile du Comité régional des pêches maritimes et élevages marins de la Réunion, l'arrêt retient que cet organisme est recevable à agir au titre de son préjudice moral à même d'être fixé à un euro ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si cet organisme, dont la constitution était contestée, se trouve habilité, en cas d'infractions à la police de la pêche, à se constituer partie civile en vertu d'une disposition législative applicable dans les terres australes et antarctiques françaises, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, sur l'action publique, en ses seules dispositions relatives aux peines et, sur l'action civile, en ses seules dispositions civiles s'appliquant au Comité régional des pêches maritimes et élevages marins, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 23 juin 2005, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Castagnède, Mme Radenne conseillers de la chambre, Mme Guihal, MM. Chaumont, Delbano conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Fréchède ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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