Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 12 septembre 2006, 05-87.609, Inédit
Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 12 septembre 2006, 05-87.609, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 05-87.609
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mardi 12 septembre 2006
Décision attaquée : cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, 2005-11-03, du 03 novembre 2005- Président
- Président : M. COTTE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze septembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant : Sur le rapport de Mme le conseiller RACT-MADOUX, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et de Me SPINOSI, avocats en la Cour ; Vu la communication faite au Procureur général ; Statuant sur le pourvoi formé par : - LA SOCIETE IVECO FRANCE, partie civile, contre l'arrêt de cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 3 novembre 2005, qui l'a déboutée de ses demandes, après relaxe de Jean-Claude X... des chefs d'escroquerie et d'abus de confiance et de Jean-Claude Y... du chef d'escroquerie ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ; "en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Jean-Claude X... et Jean-Claude Y... du chef d'escroquerie et, en conséquence, a débouté la société Iveco France SA, partie civile, de l'ensemble de ses demandes ; "aux motifs que, "si Jean-Claude X... et Jean-Claude Y... ont reconnu que la garantie d'Iveco avait parfois été sollicitée hors des strictes limites prévues par les clauses conventionnelles écrites, il y a lieu de considérer, d'une part, que les témoignages de Jean-Pierre Z... et de Jean-François A... confirment l'existence d'une pratique commerciale plus souple et d'une tolérance acceptée par les services compétents d'Iveco ; que celle-ci, d'autre part, n'allègue en réalité, au titre des manoeuvres frauduleuses qu'elle impute aux prévenus, que de simples mensonges écrits qui ne peuvent suffire à caractériser le délit d'escroquerie" ; "1 ) alors que, constitue une manoeuvre frauduleuse la présentation à un constructeur automobile de fausses demandes de garantie assorties de la production de factures inexactes ; qu'en retenant qu'il ne serait imputé aux prévenus que de simples mensonges écrits insuffisants pour caractériser l'escroquerie, cependant que la présentation de fausses demandes de prise en charge au titre de la garantie constructeur assorties de la production de factures inexactes constitue une manoeuvre frauduleuse au sens de l'article 313-1 du code pénal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "2 ) alors qu'en retenant que la garantie d'Iveco avait parfois été sollicitée et obtenue hors des strictes limites prévues par les clauses conventionnelles, révélant ainsi l'existence d'une pratique commerciale plus souple et d'une tolérance acceptée par les services compétents d'Iveco, sans établir que la tolérance d'Iveco avait été précisément sollicitée et obtenue dans le cas des demandes de garantie visées à la prévention, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ; "3 ) alors qu'en retenant l'existence d'une pratique commerciale plus souple et d'une tolérance acceptée par les services compétents d'Iveco tout en constatant que les prévenus avaient usé de mensonges écrits pour obtenir la garantie constructeur, révélant ainsi qu'ils avaient volontairement trompé la partie civile afin de la déterminer à verser une garantie qu'ils savaient ne pas être due, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'imposaient" ; Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 313-1 du code pénal ; Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Jean-Claude X..., président de la société Vir, locataire-gérante d'un fonds de commerce de garage appartenant à la société Iveco France, et Jean-Claude Y..., salarié de la société Vir, ont été cités devant le tribunal correctionnel pour avoir, notamment, trompé la société Iveco France en lui présentant des factures de travaux sur des véhicules de clients, qui comportaient de fausses indications destinées à permettre une prise en charge au titre de la garantie du constructeur, alors que cette garantie n'était pas due, et d'avoir ainsi obtenu le paiement de ces factures ; Attendu que, pour confirmer la relaxe des deux prévenus, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ; Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la présentation de fausses factures pour obtenir indûment une garantie constitue une manoeuvre frauduleuse, et non pas un simple mensonge écrit, cette manoeuvre excluant l'existence d'une pratique commerciale acceptée par la partie civile, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; D'où il suit que la cassation est encourue ; Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ; "en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Jean-Claude X... du chef d'abus de confiance et, en conséquence, a débouté la société Iveco France SA, partie civile, de l'ensemble de ses demandes ; "aux motifs que, "d'une part, le prévenu objecte à bon droit, pour les six véhicules suivants, que leur vente a été opérée lors de la période envisagée par lesdits contrats et que, par conséquent, il ne peut lui être fait grief d'avoir, à leur égard, conformément au contrat de concession, cherché des acquéreurs pour : type 3510 CCJ châssis 303610, type MP 440 E42 châssis 058630, type MP 440 E42 châssis 058135, type 3510 CCJ châssis 100854, type 35 C13 châssis 105095, type 35S11 V12 châssis 239482 ; d'autre part, les "contrats de dépôt- mandat de vente" en vigueur pour les deux autres véhicules litigieux disposaient que si Vir trouvait acquéreur, elle avait le choix entre leur achat en vue de la revente, et la vente directe par Iveco ; or la partie civile produit pour le véhicule type L 9V9H2-châssis 238174, la photocopie d'un chèque de 131.333,40 francs émis le 18 octobre 1999 par la SARL FMB à l'ordre d'Iveco même ; qu'en ce qui concerne le véhicule type 35C 11V-châssis 236769, livré le 15 octobre 1999 à la société LCM, Iveco reconnaît elle-même qu'elle a régularisé sa vente par l'intermédiaire de son nouveau concessionnaire Covi ; que dans ces conditions la preuve des détournements imputés à Jean-Claude X... n'est pas établie en l'espèce et que le différend commercial entre Iveco et Vir ne peut trouver d'implication pénale" ; "1 ) alors que, constitue un abus de confiance le fait de détourner, au préjudice d'autrui, un bien quelconque qui ne lui a été remis qu'à charge de le représenter ou d'en faire un usage déterminé ; qu'en vertu du contrat de dépôt souscrit auprès de la société Iveco France, la société Vir avait le choix, si elle trouvait un acquéreur pour les véhicules en dépôt, entre leur achat en vue de la revente ou leur vente directe par Iveco ; qu'en se contentant d'observer que certaines ventes étaient intervenues pendant la période de validité des contrats de dépôt et que d'autres avaient été régularisées par l'intermédiaire d'un nouveau concessionnaire, sans établir que les ventes litigieuses avaient été réalisées par la société Vir dans les conditions impératives imposées par la partie civile, soit par l'achat direct des véhicules par la société Vir en vue de leur revente soit par leur vente directe par la société Iveco France, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, impropres à écarter l'abus de confiance poursuivi ; "2 ) alors que, dans ses conclusions d'appel (p. 45), la partie civile n'excluait pas, à titre subsidiaire, que la société Iveco France ait remis gracieusement ses véhicules à la société Vir à charge pour elle d'en trouver acquéreur ; que la société Vir bénéficiant d'un mandat d'encaisser le prix de vente des véhicules de la société Iveco France, l'absence de reversement des fonds à cette dernière constitue un abus de confiance ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions de la partie civile, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ; "3 ) alors qu'en retenant que les ventes des six véhicules en dépôt étaient intervenues pendant la période de validité des contrats de dépôt, cependant qu'il ressort des conclusions de la partie civile (p. 35) notamment que le véhicule type 3510 CCJ châssis 100854 a été vendu le 9 octobre 1999, soit postérieurement à l'expiration du contrat de dépôt y afférent, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ; "4 ) alors qu'en retenant que la société Iveco France produisait pour le véhicule type L9V9H2-châssis 238174 la photocopie d'un chèque émis par la SARL FMB à l'ordre d'Iveco même, cependant qu'il ressort des conclusions de la partie civile (p. 52) que le préjudice subi à raison de ce véhicule considéré, évalué à la somme de 115.173 francs, n'était pas indemnisé, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ; Vu l'article 593 du code de procédure pénale ; Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; Attendu que, pour confirmer la relaxe de Jean-Claude X..., également cité du chef d'abus de confiance, pour avoir détourné huit camions confiés à la société Vir à titre de dépôt ou avec un mandat de les vendre et de restituer le prix à la société Iveco, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ; Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de la partie civile, qui faisait valoir qu'en application des "contrats de dépôt - mandat de vente " qui liaient la société Vir à la société Iveco, la première n'était pas propriétaire des véhicules et que le prévenu était tenu, soit de restituer les véhicules remis sans contrepartie à titre de dépôt, soit de représenter les fonds issus des ventes réalisées par la société Vir pour le compte de la société Iveco, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ; Par ces motifs : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Reims, en date du 3 novembre 2005, en ses seules dispositions civiles concernant Jean-Claude X..., Jean-Claude Y... et la société Iveco France, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Reims et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : Mme Randouin ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;