Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 1 mars 2005, 02-20.680, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré, que M. X... a été mis en redressement judiciaire sur le fondement de l'article L. 624-5 du Code de commerce, en qualité de gérant de droit ou de fait des sociétés Groupe Sodexic, Gemini international et Sodexic développement ; que la cour d'appel, après avoir sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'action pénale intentée à l'encontre de M. X... pour abus de biens sociaux, a prononcé la liquidation judiciaire de celui-ci après avoir constaté que cette action avait donné lieu à un arrêt de la cour d'appel du 8 juin 2000 condamnant M. X... ;

Sur le premier moyen, en ce qu'il concerne les sociétés Groupe Sodexic et Sodexic développement :

Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir prononcé sa liquidation judiciaire et dit, en conséquence, que le passif de cette liquidation comprendrait le passif de la société Groupe Sodexic et de la société Sodexic développement, alors, selon le moyen :

1 / que l'autorité de la chose jugée au pénal s'attache uniquement à ce qui a été tranché par le juge ; qu'en décidant que la demande de M. X... tendant à l'annulation des rapports d'expertise ordonnée en matière civile se heurtait à l'autorité de la chose précédemment décidée par le juge pénal au motif inopérant que ce dernier s'était appuyé sur ces rapports dans sa décision, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil par fausse application ;

2 / que le juge ne peut fonder sa décision sur une expertise à laquelle le défendeur n'a été ni appelé ni représenté, et n'a donc pas été en mesure de présenter à l'expert ses observations au cours d'une discussion contradictoire ; que M. X... soutenait qu'il n'avait eu la possibilité de rencontrer M. Y... qu'une seule fois pour l'introduire auprès des services comptables et qu'il n'avait été convoqué à aucune des opérations d'expertises ; qu'en décidant que le principe du contradictoire avait été respecté dès lors que "le rapport de M. Y... a été régulièrement versé aux débats et soumis à sa libre discussion", la cour d'appel a violé les articles 16 et 160 du nouveau Code de procédure civile, ensemble les droits de la défense ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant fondé sa décision sur l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt correctionnel du 8 juin 2000, devenu définitif, les motifs de l'arrêt portant sur la régularité de l'expertise ordonnée par le juge-commissaire sont surabondants ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, en ce qu'il concerne les sociétés Groupe Sodexic et Sodexic développement :

Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt d'avoir dit que le passif de sa liquidation judiciaire, prononcée en application de l'article L. 624-5 du Code de commerce, comprendrait, outre son passif propre, l'intégralité du passif de la société Groupe Sodexic et de la société Sodexic développement, alors, selon le moyen, que, comme toute atteinte portée aux biens, les sanctions pécuniaires doivent être proportionnées à l'objectif d'intérêt général qu'elles poursuivent, c'est-à-dire raisonnables par rapport à la gravité des fautes à réprimer et individualisées ; que l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre d'un dirigeant, en application de l'article L. 624-5 du Code de commerce, a le caractère d'une mesure punitive ; qu'en décidant que le passif de la liquidation judiciaire de M. X... comprendrait l'intégralité du passif de la société Groupe Sodexic et de la société Sodexic développement, sans rechercher si cette sanction était proportionnée aux fautes commises par M. X... et adaptée à sa situation personnelle, la cour d'appel a violé l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'en retenant que le passif du dirigeant d'une société mis en procédure collective sur le fondement de l'article L. 624-5 du Code de commerce comprend, outre le passif personnel de celui-ci, le passif de la société, la cour d'appel a fait l'exacte application de ce texte et n'a pas encouru le grief du moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche, qui ne concerne que la société Gemini international :

Vu l'article 1351 du Code civil ;

Attendu que pour prononcer la liquidation judiciaire de M. X..., en qualité de dirigeant de droit ou de fait de la société Gemini international, et dire que le passif de la liquidation judiciaire de M. X... comprendra le passif de la société Gemini international, l'arrêt retient qu'il a été irrévocablement jugé par la chambre correctionnelle de la cour d'appel, dans son arrêt du 8 juin 2000, que M. X... a été gérant de fait des trois sociétés Groupe Sodexic, Sodexic développement et Gemini international, et que cette décision pénale s'impose aux parties comme à la juridiction dans la présente instance ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la juridiction pénale, qui a condamné M. X... pour abus de biens sociaux commis au préjudice des sociétés Groupe Sodexic et Sodexic développement dans l'intérêt de la société Gemini international, n'a pas précisé, dans son arrêt du 8 juin 2000, si M. X... était associé ou dirigeant de droit ou de fait de cette société, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, qui ne concerne que la société Gemini international :

Vu l'article L. 624-5 du Code de commerce ;

Attendu que pour prononcer la liquidation judiciaire de M. X..., en qualité de dirigeant de droit ou de fait de la société Gemini international, et dire que le passif de la liquidation judiciaire de M. X... comprendra le passif de la société Gemini international, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le rôle que M. X... a joué dans l'organisation et la gestion de la nébuleuse juridique constituée par les sociétés Groupe Sodexic, Sodexic développement et Gemini international ressort comme prépondérant ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans constater que M. X... avait exercé en toute indépendance une activité positive de gestion et de direction de la société Gemini international, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les premier et deuxième moyens en ce qu'ils concernent la société Gemini international :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a prononcé sur le fondement de l'article L. 624-5 du Code de commerce la liquidation judiciaire sans période d'observation de M. X..., en sa qualité de dirigeant de droit et de fait de la SARL Gemini international, et dit que le passif de la liquidation judiciaire de M. X... comprend le passif de la SARL Gemini international, l'arrêt rendu le 5 septembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille cinq.

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