Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 15 juin 1999, 98-84.874, Inédit
Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 15 juin 1999, 98-84.874, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 98-84.874
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mardi 15 juin 1999
Décision attaquée : cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle 1998-04-29, du 29 avril 1998- Président
- Président : M. GOMEZ
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant : Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ; Statuant sur le pourvoi formé par :- X... Christian, contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, du 29 avril 1998, qui, pour vente en soldes en dehors de la période fixée, l'a condamné à 25 000 francs d'amende ; Vu le mémoire produit ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er et 2 de la loi du 30 décembre 1906 sur les ventes au déballage, 2 du décret du 26 novembre 1962, 33 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996, 112-1 du Code pénal, 6, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; " en ce que l'arrêt attaqué a condamné Christian X... à une amende de 25 000 francs pour soldes sans autorisation ; " aux motifs que la société Prisunic a initié au niveau national une campagne publicitaire intitulée " les six jours Prisunic ", commençant délibéré (sic) quelques jours avant les soldes traditionnels de printemps autorisés par arrêtés préfectoraux et destiné (sic) manifestement à s'y relier tout en les anticipant de quelques jours pour prendre ses concurrents de vitesse ; qu'au cours de cette campagne et dès avant l'ouverture des soldes légaux, a été constaté (sic) l'apposition de panneaux " soldes " sur différentes marchandises mises en vente au magasin Prisunic de Grenoble, signe non seulement d'une violation formelle de la loi mais aussi et surtout de la confusion délibérément recherchée entre l'opération " les six jours de Prisunic " et les soldes ordinaires ; que, par ailleurs, l'élément intentionnel de l'infraction s'évince naturellement et nécessairement du caractère volontaire de cette opération et de la confusion sciemment recherchée avec les soldes généraux de la même époque ; " et aux motifs adoptés des premiers juges, qu'à la suite d'une erreur malencontreuse, des étiquettes " soldes " avaient été apposées sur certains articles ; qu'elles étaient aussitôt retirées par une vendeuse à qui le fonctionnaire (de la DDCCRF) signalait cette erreur ; que les fonctionnaires de la DDCCRF ont constaté que les articles portant des étiquettes " baisse des prix " étaient les mêmes le 24 juin et le 3 juillet, que l'ensemble de l'affichage annonçant des réductions de prix était inchangé à l'exception des affiches " les 6 jours Prisunic " qui avaient été remplacées par des affiches " bons soldes jusqu'à moins 50 % de réduction " en fonction des arrêtés préfectoraux ; qu'il est ainsi établi qu'il y a continuité dans l'action commerciale entre les deux périodes et que l'opération intitulée " les 6 jours Prisunic " était une opération de soldes déguisée ; " 1) alors qu'une loi nouvelle abrogeant une incrimination pénale s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur ; que la loi du 30 décembre 1906, qui soumettait à autorisation spéciale du maire les soldes organisés en dehors des soldes saisonniers autorisés par le préfet, a été abrogée par l'article 33 de la loi du 5 juillet 1996 ; que, dès lors, l'élément légal de l'infraction de soldes sans autorisation municipale faisait défaut ; qu'en condamnant néanmoins le prévenu de ce chef, la cour d'appel a méconnu le principe sus-rappelé et violé les textes visés au moyen ; " 2) alors qu'un même fait ne peut donner lieu à une double déclaration de culpabilité ; qu'en cas de conflits entre deux qualifications, le texte le plus spécial doit prévaloir ; que la loi du 30 décembre 1906, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits objet de la poursuite, soumettait à autorisation préfectorale les soldes saisonniers et à autorisation municipale les autres soldes ; qu'en l'espèce, l'opération commerciale litigieuse ayant eu lieu avant la période fixée par le préfet pour les soldes saisonniers, aucune autorisation préfectorale n'était requise, l'autorisation du maire étant seule exigée ; que par suite, la qualification de soldes non autorisés par le préfet n'était pas applicable aux faits de la cause, seule l'étant éventuellement celle des soldes non autorisés par le maire ; qu'en déclarant néanmoins le prévenu coupable également d'infraction à l'arrêté préfectoral du 24 décembre 1991 fixant la date des soldes saisonniers, la cour d'appel a méconnu les principes énoncés et violé les textes visés au moyen ; " 3) alors que seuls constituent des soldes soumis à autorisation les ventes au détail, à caractère occasionnel, précédées de publicité et annoncées comme tendant à l'écoulement accéléré d'un stock prédéterminé et non renouvelable de marchandises ; que, dès lors, en déclarant le prévenu coupable de soldes illicites sans constater que le stock de marchandises mis en vente était prédéterminé et non renouvelable, ni davantage que l'opération litigieuse avait été annoncée comme tendant à l'écoulement accéléré dudit stock, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément matériel de l'infraction et a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ; " 4) alors que toute décision doit comporter des motifs propres à la justifier ; qu'en l'espèce la prévention visait la seule infraction de soldes sans autorisation et non l'utilisation irrégulière du mot " soldes ", qui constitue une incrimination distincte ; d'où il suit qu'en se fondant, pour entrer en voie de condamnation, sur la circonstance que l'étiquette soldes avait été apposée par erreur sur des articles objet de l'opération commerciale " les six jours Prisunic ", la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé les textes visés au moyen ; " 5) alors que la responsabilité pénale s'apprécie au temps de l'action ; qu'ainsi, la légalité de l'opération " les six jours Prisunic " doit s'apprécier en elle-même, au regard des règles qui lui sont propres et indépendamment des règles applicables aux soldes saisonniers qui ont eu lieu ultérieurement ; d'où il suit qu'en se fondant, pour déclarer illicite l'opération litigieuse, sur la circonstance qu'il y avait continuité dans l'action commerciale entre les deux périodes, les juges du fond ont statué par un motif inopérant et violé les textes visés au moyen ; " 6) alors que la prévention visait uniquement le délit de soldes sans autorisation et non celui d'emploi irrégulier du mot " soldes " ; que, dès lors, en déduisant l'élément intentionnel de l'infraction de la confusion qui aurait été sciemment recherchée entre l'opération " les six jours Prisunic " et les soldes ordinaires, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé les textes visés au moyen ; " 7) alors, en toute hypothèse, qu'en se fondant, pour déclarer l'intention frauduleuse établie, sur la circonstance que la campagne " les six jours Prisunic " constituait une opération de soldes déguisée, organisée au niveau national par la direction de la société, sans rechercher si cette dernière connaissait la date des soldes ordinaires fixée par le préfet dans le département de l'Isère, les juges du fond n'ont pas caractérisé la volonté qu'aurait eue le prévenu de susciter une confusion entre les deux opérations dans l'esprit du public et ont privé leur décision de base légale au regard des textes visés au moyen " ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'un agent de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a constaté qu'une opération promotionnelle intitulée " les six jours Prisunic " était en cours, le 24 juin 1996, dans un magasin du même nom et que cette campagne publicitaire avait été suivie, quelques jours plus tard, de soldes saisonniers ; que, sur le fondement des articles 1 et 2 de la loi du 30 décembre 1906 sur les ventes au déballage, Christian X..., président de la société Prisunic, est poursuivi pour avoir fait procéder à une vente de marchandises sous forme de soldes, sans autorisation spéciale du maire de la ville et en violation des prescriptions de l'arrêté préfectoral fixant au 28 juin la date du début des soldes saisonniers ; Attendu que, pour caractériser l'infraction, les juges d'appel relèvent que les mêmes articles d'habillement, accompagnés de l'étiquette " baisse des prix ", ont fait l'objet de l'opération promotionnelle, puis des soldes, et que l'ensemble de l'affichage annonçant des réductions de prix est demeuré le même au cours des deux périodes ; que seuls les panneaux comportant l'inscription " les 6 jours Prisunic " ont été remplacés par ceux indiquant " bons soldes jusqu'à moins de 50 % de réduction " ; que certains articles ont été offerts à la vente avec une étiquette " soldes " avant l'ouverture de la période de soldes ; que les juges en déduisent que l'opération initiale constitue des soldes déguisés, anticipant délibérément de quelques jours sur la période réglementaire des soldes saisonniers pour " prendre les concurrents de vitesse " ; Attendu qu'en statuant ainsi, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués ; que, si, par suite de l'abrogation de la loi du 30 décembre 1906 par celle du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, le fait de réaliser des soldes sans autorisation du maire n'est plus punissable, la condamnation prononcée n'en est pas moins justifiée dès lors que le fait de réaliser des soldes en dehors des périodes fixées par arrêté préfectoral est réprimé tant par la loi abrogée, en vigueur à la date des faits, que par la loi nouvelle, désormais applicable ; D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ; Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er de la loi du 30 décembre 1906, 121-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; " en ce que l'arrêt attaqué a imputé à Christian X..., président directeur général de la société Prisunic, l'infraction relevée au magasin Prisunic de Grenoble ; " aux motifs propres ou adoptés des premiers juges, que la campagne intitulée les " 6 jours Prisunic " présente les caractéristiques d'une opération organisée au niveau national par la direction de la société ; que la délégation de pouvoirs consentie à Stéphane X... ne présente qu'un caractère partiel et limité, puisqu'il y est indiqué que son titulaire a pour prérogative " la mise en vente des articles et produits objet de campagnes publicitaires nationales ou régionales aux conditions prévues par lesdites campagnes " ; que ce texte indique clairement que le directeur du magasin n'a aucun pouvoir en ce domaine ; que la délégation de pouvoirs de Stéphane X... réserve l'obligation de participer aux campagnes nationales, telles que celles incriminées, dans les formes et aux dates arrêtées au niveau national ; " 1) alors que le chef d'entreprise peut s'exonérer de sa responsabilité pénale en déléguant ses pouvoirs à un préposé pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour veiller à l'application de la loi ; qu'en déclarant ineffective la délégation de pouvoirs consentie à Stéphane X... sans rechercher, comme l'y avait invité le prévenu, si l'intéressé avait le pouvoir de vérifier la conformité de l'opération commerciale litigieuse aux conditions légales, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ; " 2) alors qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était à nouveau invitée par le prévenu, si ce dernier n'était pas dans l'impossibilité d'assurer personnellement le contrôle de la campagne publicitaire, la cour d'appel n'a pas, derechef, légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ; " 3) alors que l'initiative intempestive prise par un préposé exonère le chef d'entreprise de sa responsabilité pénale ; qu'en l'espèce, le prévenu avait fait valoir que Stéphane X... avait seul décidé de faire figurer des vêtements dans l'opération promotionnelle en cause, alors que ces marchandises étaient exclues par la direction de ce type de campagne afin d'éviter toute confusion avec les soldes ; qu'en délaissant ce chef péremptoire des conclusions, propre à exonérer Christian X... de sa responsabilité pénale, la cour d'appel n'a pas, une nouvelle fois, légalement justifié sa décision et a violé les textes visés au moyen " ; Attendu que, pour imputer la responsabilité pénale de l'infraction au président de la société Prisunic, les juges d'appel se prononcent par les motifs reproduits au moyen ; Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine de la portée de la délégation de pouvoirs consentie par le prévenu au directeur salarié du magasin, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; Que le moyen doit, dès lors, être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Ferrari conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ; Avocat général : M. Cotte ; Greffier de chambre : Mme Krawiec ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;