Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 30 novembre 1992, 91-86.526, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente novembre mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire de Z... de MASSIAC, les observations de la société civile professionnelle Michel et Christophe NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

BARBET Catherine,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre correctionnelle, en date du 30 octobre 1991, qui, pour pratique de prix illicites, l'a condamnée au paiement de 2 amendes de 2 000 francs chacune et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de d l'homme et du citoyen de 1789, 7-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 4 du Code pénal, 38 de la Constitution du 4 octobre 1958, 1er et 61 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, 33 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, 1er de l'arrêté n° 8236/A du 28 juin 1982, L. 162-38 du Code de la sécurité sociale, 1er du décret n° 88854 du 28 juillet 1988, 1 et 3 de l'arrêté du 3 novembre 1987, et 593 du Code de procédure pénale, violation de la loi et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable d'avoir contrevenu à l'arrêté du 3 novembre 1987 relatif aux prix et tarifs des directeurs des laboratoires d'analyses médicales ;

"aux motifs que l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 a maintenu en vigueur les arrêtés réglementant certains prix et secteurs, et notamment l'arrêté n° 82-36/A du 28 juin 1982, pénalement sanctionné ; que les dispositions de celui-ci ont cessé d'être applicables en vertu d'un arrêté du 3 novembre 1987 pris en application de l'article L. 162-38 du Code de la sécurité sociale ; qu'un décret n° 88-854 du 28 juillet 1988 dispose que les infractions aux dispositions des arrêtés pris en application de l'article L. 162-38 du Code de la sécurité sociale sont punis de peines d'amende ; qu'il résulte de la combinaison de ces trois derniers textes que les prix et tarifs d'honoraires des professions médicales et paramédicales échappent au régime général des prix fixés par l'ordonnance du 1er décembre 1986, et obéissent désormais à des règles autonomes ; que l'Administration considère que la valeur de la lettre-clé "B" applicable à la date des faits poursuivis était celle de 1,76 francs bien que cette valeur ne résulte que d'un document d'application temporaire ; que légalement, la valeur de la lettreclé "B" est donc restée fixée à 1,53 francs, l'application de valeurs supérieures à ce montant résultant d'une simple tolérance administrative ; que toute inexactitude dans l'un ou l'autre des éléments, qui a pour effet de majorer le prix, entre dans les prévisions de l'arrêté du 3 novembre 1987 et par conséquent du décret du 28 juillet 1988 ; qu'en conséquence, l'inobservation de la cotation des actes est punissable aussi bien que l'inobservation de la valeur réglementaire de la lettre-clé ;

"alors que, d'une part, toute infraction doit être définie en

termes clairs et précis pour exclure d l'arbitraire ; que la contravention à un arrêté fixant les prix et tarifs d'honoraires des professions médicales et paramédicales et à la nomenclature des actes de biologie médicale n'est constituée que si la réglementation des prix et de la nomenclature n° 86-1243 du 1er décembre 1986, qui maintient en vigueur un arrêté du 28 juin 1982, dont le non-respect était pénalement réprimé et dont les dispositions ont été déclarées inapplicables par un arrêté du 3 novembre 1987, ne peut servir de fondement à une poursuite du chef de prix illicites ; que d'autre part, le décret du 28 juillet 1988 sanctionne les infractions aux arrêtés pris en application de l'article L. 162-38 du Code de la sécurité sociale et notamment à l'arrêté du 3 novembre 1987, qui vise aussi l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il ressort encore de l'arrêt attaqué que la valeur légale de lettreclé "B" étant celle de 1,53 francs, l'application de valeurs supérieures à ce montant ne relevait que d'une tolérance administrative ; que dès lors, la réglementation des prix et tarifs d'honoraires des directeurs de laboratoires d'analyses médicales n'était, à l'époque des faits, déterminée de façon ni précise ni certaine ; que la contravention à une telle réglementation ne saurait être sanctionnée pénalement ;

"alors que, d'autre part, les lois et les règlements comportant une sanction pénale doivent être strictement interprétés ; que ce principe interdit aux juges du fon 'étendre le champ d'application de la loi pénale à un cas non prévu pour compléter les lacunes d'un texte ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les faits reprochés ont été constatés avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 19 octobre 1990 pris en application de l'article L. 162-38 du Code de la sécurité sociale et aux termes duquel les prix des actes de biologie médicale ne peuvent dépasser ceux qui résultent de la nomenclature et du tarif des lettres-clés ; que les dispositions de l'arrêté du 3 novembre 1987, seules applicables aux faits de l'espèce, concernent non pas la cotation des actes mais les prix et tarifs d'honoraires des professions médicales et paramédicales ; que la cour d'appel ne pouvait, dès lors, retenir que l'inobservation de la cotation des actes était punissable" ;

Vu lesdits articles ;

Attendu qu'il n'appartient pas aux juridictions correctionnelles de prononcer par induction, présomption ou analogie ou par des motifs d d'intérêt général ; qu'une peine ne peut être appliquée que si elle est édictée par la loi ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'en février 1990 des agents de l'administration de la concurrence sont intervenus dans les locaux du laboratoire dirigé par Catherine X... et ont constaté dans 2 dossiers médicaux que celle-ci, dans la facturation de ses analyses médicales, avait continué à utiliser l'ancienne nomenclature et non celle résultant de l'arrêté du ministre de la Santé en date du 30 novembre 1989 ; que Catherine X... a, de ce fait, été poursuivie devant le juge de police pour pratique de prix illicites sur le fondement de l'article L. 162-38 du Code de la sécurité sociale, du décret du 28 juillet 1988 pris pour l'application de ce texte et de l'arrêté du 30 novembre 1989 ;

Attendu que, pour déclarer Catherine X... coupable des faits visés à la prévention, la cour d'appel énonce que le fait poursuivi ne consiste pas en une simple inobservation de la nomenclature, qui

échapperait en elle-même à toute sanction pénale, mais en une inobservation globale du tarif des actes de biologie médicale ; que dans le régime existant, le tarif s'enten e l'ensemble des éléments à partir desquels le prix doit être calculé, c'est-à-dire la désignation de l'acte, sa cotation selon la nomenclature et la valeur de la lettre-clé ; que toute inexactitude, dans l'un ou l'autre de ces éléments, qui a pour effet de majorer le prix, entre nécessairement dans les prévisions de l'arrêté du 3 novembre 1987 pris pour l'application de l'article L. 162-38 du Code de la sécurité sociale et, par voie de conséquence, dans celles du décret du 28 juillet 1988 et des sanctions prévues par ce texte ; que l'inobservation de la cotation des actes est donc punissable aussi bien que l'inobservation de la valeur règlementaire de la lettre-clé ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'arrêté du 30 novembre 1989 fixant la nomenclature des actes de biologie médicale est étranger au domaine de la règlementation des prix et ne saurait servir de base à des poursuites pénales pour pratique de prix illicite, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés ;

Que, dès lors, la cassation est encourue ;

Par ces motifs ; d

CASSE et ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 30 octobre 1991, et attendu que les faits ne sont susceptibles d'aucune autre qualification pénale ;

DIT n'y avoir lieu à RENVOI ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. de Z... de Massiac conseiller rapporteur, MM. Tacchella, Gondre, Hébrard, Hecquard, Culié, Pinsseau, Mme Baillot conseillers de la chambre, M. Y..., Mmes A..., Verdun conseillers référendaires, M. Libouban avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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