Cour de Cassation, Chambre sociale, du 20 janvier 1999, 96-45.042, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mme Roseline X..., demeurant ...,

en cassation d'un jugement rendu le 2 septembre 1996 par le conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc (Section encadrement), au profit de la société Typo Lorraine imprimerie Fremont, société anonyme dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 25 novembre 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Richard de la Tour, conseiller référendaire rapporteur, MM. Finance, Lanquetin, conseillers, M. Besson, conseiller référendaire, M. Kehrig, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Richard de la Tour, conseiller référendaire, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que Mme X... a été engagée par la société Typo Lorraine imprimerie comme chargée de clientèle à compter du 15 juin 1992 ; que sa rémunération était composée d'un salaire fixe et de commissions sur les travaux effectués sur les affaires traitées par elle, les commissions étant portées à son compte à la fin du mois suivant la facturation, mais acquises définitivement seulement après encaissement des factures ; que Mme X... a démissionné le 26 janvier 1994 et a quitté son emploi le 25 février 1994 à l'issue de son préavis ; que la société Typo Lorraine imprimerie a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes et notamment un trop perçu sur salaires ; que Mme X... a demandé reconventionnellement le paiement de sommes à titre de rappels de salaires, de commissions et de dommages-intérêts pour absence de fourniture de l'attestation ASSEDIC et du bulletin de paie ;

Sur les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens réunis :

Attendu que Mme X... fait grief au jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc, 2 septembre 1996) d'avoir fait droit aux demandes de l'employeur et de l'avoir déboutée de ses demandes reconventionnelles en paiement de rappel de salaires et de commissions, alors, selon le moyen, premièrement, que dans ses conclusions, Mme X... contestait le fait que certaines factures n'aient pas été encaissées, que certaines commissions avaient déjà été déduites et qu'il appartenait à l'employeur d'établir que le non-paiement des factures ne lui était pas imputable ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, le conseil de prud'hommes a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, deuxièmement, que Mme X... avait demandé le paiement de commissionnements indirects ; que le conseil de prud'hommes n'a pas examiné ces demandes, qui ne sont mentionnées ni dans les motifs, ni dans le dispositif du jugement ; qu'en statuant ainsi, le conseil de prud'hommes a violé les articles 5 et 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, troisièmement, que Mme X... contestait le décompte des commissions et soutenait que l'employeur ne rapportait pas la preuve de ce que les factures n'avaient pas été effectivement encaissées pour des raisons indépendantes de la volonté de l'employeur ; que le conseil de prud'hommes n'a pas examiné les justifications produites par Mme X... et a violé les articles 9 du nouveau Code de procédure civile et 1315 du Code civil ; et alors, quatrièmement, que Mme X... faisait valoir que le droit à commissions lui était acquis, même en cas de non-encaissement des factures, à moins que l'employeur ne démontre que ce n'est pas par son fait que l'encaissement n'a pu avoir lieu, ce qui était le cas pour un certain nombre de factures ; que c'était à l'employeur d'apporter la preuve de la non-imputabilité à lui-même du non-paiement de la facture ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si ce n'était pas du fait de l'employeur que les factures n'avaient pas été réglées, le conseil de prud'hommes a violé les articles 1134 et 1315 du Code civil ;

Mais attendu que le conseil de prud'hommes, appréciant souverainement les pièces qui étaient produites, a évalué les salaires et les commissions qui étaient dues à Mme X... ; que, sous couvert de défaut de réponses à conclusions, de défaut de motivation et de violation de la loi, les moyens ne tendent qu'à remettre en discussion devant la Cour de Cassation les éléments de fait et de preuve qui ont été souverainement appréciés par les juges du fond et qu'ils doivent être rejetés ;

Sur le sixième moyen pris en sa première branche :

Attendu que Mme X... fait encore grief au jugement de l'avoir déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour non-remise du bulletin de paie de février 1994, alors, selon le moyen, qu'en retenant que Mme X... avait retrouvé un emploi en mars 1994 alors que ces faits n'étaient pas dans le débat et en ne reconnaissant pas l'existence d'un préjudice malgré le retard apporté à la délivrance du bulletin de paie, le conseil de prud'hommes a violé les articles 1382 du Code civil, L. 143-3 du Code du travail et 7 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que la procédure prud'homale étant orale, les moyens retenus par les juges du fond sont présumés, sauf preuve contraire, non rapportée en l'espèce, avoir été débattus contradictoirement devant eux ;

Et attendu, ensuite, que le conseil de prud'hommes a estimé que la salariée n'avait pas subi de préjudice résultant de la remise tardive du bulletin de paie ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le cinquième moyen :

Vu l'article 2 de la loi n° 78-49 du 10 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle ;

Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande portant sur le paiement de son salaire de base en février 1994, le conseil de prud'hommes a décidé qu'ayant cessé son activité le 25 février 1994, elle avait droit au 25/30e de son salaire de base ;

Attendu, cependant, que la retenue par heure d'absence d'un salarié payé au mois doit être en principe égale au quotient du salaire mensuel par le nombre d'heures de travail dans l'entreprise pour le mois considéré ; qu'en statuant comme il l'a fait, alors qu'il lui appartenait de rechercher l'horaire de travail dans l'entreprise et de déterminer le salaire dû à Mme X... en multipliant la rémunération horaire par le nombre d'heures de travail réellement effectuées, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;

Et sur le sixième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article R. 351-5 du Code du travail ;

Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour remise tardive de l'attestation ASSEDIC, le conseil de prud'hommes énonce que la salariée ne rapporte pas la preuve d'un préjudice résultant de la remise tardive de ce document puisqu'elle dit avoir retrouvé un emploi dès mars 1994 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la non-remise à un salarié des documents ASSEDIC lui permettant de s'inscrire au chômage entraîne nécessairement pour lui un préjudice qui doit être réparé par les juges du fond, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de paiement d'un complément de salaire et de dommages intérêts pour défaut de remise des documents Assedic, le jugement rendu le 2 septembre 1996, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Verdun ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.

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