Cour de Cassation, Chambre sociale, du 18 novembre 1998, 96-42.379, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / la société Forges et Laminoirs de Breteuil, société anonyme, dont le siège est ..., représentée par le Président du conseil d'administration,

2 / M. Y..., ès qualités d'administrateur judiciaire de la société anonyme Forges et Laminoirs de Breteuil, demeurant ... de l'Epée, 75005 Paris,

3 / M. X..., ès qualités de représentant des créanciers de la société anonyme Forges et Laminoirs de Breteuil, demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 5 mars 1996 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale), au profit :

1 / de Mme Christine B..., demeurant ...,

2 / du Groupement des ASSEDIC de la Région Parisienne (GARP), dont le siège est ...,

défendeurs à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 6 octobre 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Le Roux-Cocheril, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Carmet, Boubli, Ransac, Chagny, Bouret, conseillers, M. Frouin, Mmes Girard, Barberot, Lebée, M. Richard de la Tour, Mme Andrich, conseillers référendaires, M. De Caigny, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Le Roux-Cocheril, conseiller, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Forges et Laminoirs de Breteuil, de M. Y..., ès qualités et de M. X..., ès qualités, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme A..., les conclusions de M. De Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu que Mme B..., engagée le 8 mars 1992 par la société Forges et Laminoirs de Breteuil en qualité de responsable achat magasin a été licenciée pour motif économique le 19 mai 1994 ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Rouen, 5 mars 1996) d'avoir alloué à la salariée une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen, d'une part, que la seule exigence de l'article L. 122-14-2 du Code du travail est l'énonciation d'un motif précis de sorte que, notamment, la référence à "une réorganisation impliquant la réduction des effectifs" constitue l'énoncé du motif économique exigé par la loi ; que dès lors en constatant que la société connaissait d'importantes difficultés d'ordre économique auxquelles elle s'était référée dans sa lettre de rupture et qui étaient consacrées par la décision du Tribunal de commerce et en décidant que cette mention était insuffisante, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et ainsi violé l'article L. 122-14-2 du Code du travail, alors, d'autre part, qu'en déclarant que cette formulation ne permettait pas à la salariée de déterminer en quoi son poste était affecté par les difficultés et les mesures prises, d'autant que les critères de licenciement sont définis lors de l'élaboration du plan de redressement auquel participe seulement le comité d'entreprise qui informe les salariés ultérieurement, la cour d'appel a ajouté aux exigences de l'article L. 122-14-2 limitées à la seule énonciation du motif économique imposant les mesures de licenciement, à l'exclusion de l'énumération en détail des obligations en résultant dans chaque service et sur chaque poste et de l'énonciation des critères retenus en application de l'article L. 321-1-1, et ainsi violé l'article L. 122-14-2 du Code du travail ; alors, en outre que si l'obligation de reclassement peut justifier l'adaptation du salarié à des fonctions légèrement différentes par l'amélioration de son niveau de compétence, voire l'acquisition de connaissance complémentaire, en revanche elle exclut une formation complète en vue de l'obtention d'une qualification ;

que dès lors en déclarant que l'employeur aurait dû proposer à Mme B... le poste de secrétaire de direction occupé par Mme Z..., en l'y adaptant après formation, sans examiner les profils des deux postes, celui de responsable de magasin tenu par le passé par Mme B... et celui de secrétaire de direction confié à Mme Z..., imposant des compétences totalement distinctes pour l'exercice de fonctions centrées les unes sur la gestion et la comptabilité du magasin, les autres sur la maîtrise de la dactylographie, la sténographie, la gestion et l'organisation de plannings, d'où il résultait que la salariée, ignorante de ces dernières techniques, étaient totalement inapte à cet emploi de secrétaire de direction qui lui aurait imposé l'acquisition d'une telle qualification, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ; et alors enfin qu'en déclarant que l'employeur n'établissait pas que la connaissance de la langue anglaise était impérativement nécessaire sans rechercher si, comme l'avait relevé le conseil de prud'hommes, la nationalité anglaise du repreneur n'imposait pas à l'évidence la maîtrise et la pratique courante de cette langue par la secrétaire de la nouvelle direction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement décidé que la lettre de licenciement, qui se bornait à faire référence à un jugement du tribunal de commerce adoptant un plan de redressement, n'était pas motivée ; dès lors qu'il n'est pas précisé dans la lettre de licenciement que le jugement avait autorisé les licenciements pour motif économique ;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Forges et Laminoirs de Breteuil à payer à Mme A... la somme de 12 000 francs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.

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