Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 23 mars 2004, 03-83.083, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois mars deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les observations de la société civile professionnelle THOMAS-RAQUIN et BENABENT, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Frédéric, - LA SOCIETE ROGER DE LYON CHARCUTIER, devenue la SOCIETE SALAISONS DU DOUESY, civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 26 mars 2003, qui, pour tromperie et publicité de nature à induire en erreur, a condamné, le premier, à 3 000 euros d'amende, et ordonné la publication de la décision ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6 du Code de la consommation, 2 du décret n° 93-999 du 9 août 1993, 111-3, 111-4, 121-3 du Code pénal, 1134 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Frédéric X... coupable de tromperie et de publicité de nature à induire en erreur ;

"aux motifs que "l'article 9 du décret n° 93-999 relatif aux préparations à base de foie gras prévoit que la dénomination de vente ne peut faire référence à la présence de truffes que s'il s'agit de Tuber Melanosporum et que si le taux de truffes est au minimum de 3 %, que pour les produits de charcuterie, le taux de truffes garanti peut être compris entre 3 % et 1 %, la dénomination de vente étant alors complétée par la mention "truffé à X %" et, enfin, que l'utilisation des brisures ou de pelures de truffe n'est pas autorisée ;

que l'article 13 du même décret dispose que la dénomination de vente de produits de charcuterie peut faire référence au foie gras si la proportion de foie gras mis en oeuvre est d'au moins 20 % et que, dans ce cas, la dénomination de vente est complétée par les termes

: "au foie d'oie" ou "au foie de canard" ; que la fiche technique du pâté en croûte en cause mentionne la présence dans ce produit de 20 % de foie gras de canard, de sorte que les termes "foie de canard" peuvent figurer dans sa dénomination ; que la dénomination complète du produit telle qu'elle figure sur les étiquettes est : "Pate Croute Truffe (1%) au Foie de Canard - NT (20% de foie gras de canard dans la farce) ; que ces étiquettes indiquent parmi les ingrédients la présence de "truffes (1%)" ; que les agents de la DDCCRF ont constaté que cette farce au foie de canard renfermait en réalité des brisures de truffes ; que la société "Roger de Lyon Charcutier" en indiquant sur les étiquettes de son pâté en croûte le taux de truffes garanti, comme l'exige l'alinéa 2 de l'article 9 du décret du 9 août 1993, ne se conforme qu'en apparence aux prescriptions de ce texte puisqu'elle fait entrer dans la composition de ce produit des brisures de truffes dont l'utilisation est prohibée par le dernier alinéa dudit article ; que c'est à tort qu'elle ne s'estime pas tenue par cette prohibition dès lors que la "dénomination de vente" du pâté en cause ne comporterait pas les termes de "foie gras" ; qu'en effet, il faut entendre par dénomination de vente l'intitulé complet de la désignation du produit qui, en l'occurrence, précise la présence de "20% de foie gras de canard dans la farce" ;

qu'au surplus, l'indication "au foie de canard" implique la mise en oeuvre d'au moins 20% de foie gras, la référence expresse au foie gras dans la dénomination n'étant qu'une faculté ; que ne pas user de cette faculté ne saurait dispenser la société "Roger de Lyon Charcutier" de l'observation des prescriptions de l'article 9 précité dans leur intégralité ; qu'en garantissant à ses cocontractants un pâté dont la farce comportant 20 % de foie gras de canard est "truffée à 1%", cette société leur fait croire qu'elle se conforme aux entières prescriptions de ce texte alors qu'en réalité elle utilise des brisures de truffes qui ne sont pas autorisées, ce qui caractérise le délit de tromperie sur les qualités substantielles du produit ; qu'il résulte du procès-verbal établi le 31 mars 1999 que, dans les locaux de la SA Sabe Intermarché de Pontcharra-sur-Turdine, étaient mises en vente deux pièces de ce pâté en croûte avec une étiquette ainsi libellée : Pâté en croûte truffé 1% au foie de canard NT (20% de foie gras de canard dans la farce) ; que l'indication "truffé 1%" qui est portée en violation du décret du 9 août 1993, ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, est de nature à induire en erreur sur la composition et les qualités substantielles du produit ainsi mis en vente ; que le délit de publicité trompeuse est en conséquence constitué" ;

"alors que, d'une part, le décret du 9 août 1993 ne s'applique qu'aux préparations à base de foie gras dont la dénomination revendique la présence de foie gras dans les conditions prévues par son article 2 qui est d'interprétation stricte ;

qu'en déclarant ce décret applicable à un pâté de foie de canard en croûte, non mentionné par ledit article 2, la cour d'appel a méconnu la règle de l'interprétation stricte de la loi pénale et violé les textes précités ;

"et aux motifs que, "des constatations opérées par les fonctionnaires de la DDCCRF, il résulte que trois produits de la société Roger de Lyon, le minicoktail truffé 1,5%, le véritable saucisson brioché truffé lyonnais (1,5% de truffes) et le pâté en croûte traiteur au foie de canard truffé 1% comportaient des champignons noirs dans la même proportion que les brisures de truffes ; que F. X... a déclaré : "Je considère que le Code des usages de la charcuterie ne m'interdit pas de mettre des champignons noirs dans mes produits dans la mesure où j'en fais référence dans la composition de mes produits" ; mais que le Code des usages de la charcuterie prévoit que la mention "Truffe" ou "Aux Truffes" impose l'utilisation exclusive de truffes du genre Tuber Mecanosporum, variétés VITT et Moscahtum, et Tuber Brumale, à l'exclusion des variétés cibarium, aestivum, magnatum et uncinatum ; que cette disposition qui réserve la mention "truffé" à l'emploi de deux genres de truffes bien déterminés et exclut des truffes de moindre qualité, interdit l'ajout de champignons noirs dans un produit vendu avec cette mention ; qu'admettre le contraire reviendrait à vider de tous sens la prescription précitée ; que l'adjonction de champignons noirs dont l'aspect et la couleur évoquent la truffe mais dont les qualités gustatives et le prix sont très différents, a pour effet de tromper l'acheteur sur la nature "truffé" au sens de la réglementation des produits en vente ; que la double indication de l'adjonction de champignons noirs dans les ingrédients entrant dans la fabrication de trois produits incriminés et du pourcentage de "truffes", en réalité de brisures de truffes, que ceux-ci contenaient réellement, n'ôte pas aux faits leur caractère délictueux de tromperie sur les qualités substantielles desdits produits, dès lors que les exigences réglementaires attachées à la mention "truffé" n'étaient pas respectées ; que constitue une publicité trompeuse de nature à induire en erreur sur la composition et les qualités substantielles, les étiquettes de ces produits proposés à la vente qui comportaient la mention "truffé" alors que lesdits produits renfermaient également des champignons noirs, ce que n'autorise pas une telle mention ; que l'acheteur qui prenait soin de lire la liste des ingrédients, imprimée en caractères minuscules difficilement perceptibles pour le consommateur moyen, était d'autant plus induit en erreur que figurait sur les étiquettes du saucisson brioché une photographie représentant deux tranches de ce produit et faisant apparaître de nombreuses brisures de couleur noire qui ne pouvait qu'évoquer la présence de truffes, eu égard à la mention figurant dans la dénomination" ;

"alors que, d'une part, en vertu du principe de la légalité des délits, seule, une disposition expresse interdisant l'ajout supplémentaire de champignons noirs aurait pu servir de base à une sanction pénale ; qu'en ne précisant pas le texte d'où serait résultée l'interdiction d'ajouter des champignons noirs à des produits truffés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision et a violé les textes précités ;

"alors que, en outre, si le Code des usages de la charcuterie subordonne la mention "truffé" à la présence de truffes d'un genre déterminé à l'exclusion d'autres truffes, ses prescriptions sont satisfaites dès lors que les truffes utilisées correspondent au genre exclusivement admis ; qu'en énonçant que les exigences relatives à la nature des truffes admises interdisait par elle-même l'ajout supplémentaire de champignons noirs, la cour d'appel a fait une interprétation extensive du Code des usages de la charcuterie et a violé à nouveau les textes précités ;

"et aux motifs qu' "il convient d'ajouter que le Code des usages de la charcuterie prévoit que la mention "truffé" impose un minimum de 3 % à la mise en oeuvre sauf si la mention est immédiatement suivie du pourcentage de truffes ajoutées ; qu'en ce qui concerne le "saucisson brioché truffé lyonnais" qui contenait 1,5% de truffes, le pourcentage de truffes, inférieur à 3%, était indiqué de manière décalée par rapport à la mention "truffé" et en caractères peu apparents" ;

"alors que, de plus, il ressort de l'étiquette du saucisson brioché que le pourcentage de 1,5% était mis en évidence par une mention spéciale dans un encart centré sous la dénomination de vente contenant le mot truffé ; qu'en énonçant qu'il y avait décalage et que les caractères de la mention du pourcentage de truffes étaient peu apparents, la cour d'appel a dénaturé cette mention claire et précise et a dès lors violé à nouveau les textes précités ;

"alors que, enfin, il n'y a pas de délit sans intention de le commettre ; que, pour aucun des produits, la cour d'appel n'a caractérisé la conscience, chez Frédéric X..., de tromper ses cocontractants, professionnels de la distribution ou d'induire en erreur le consommateur ; qu'elle a derechef violé les textes précités" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Chaumont conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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