Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 3 octobre 2006, 05-86.718, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois octobre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de Me LUC-THALER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA SOCIETE COMPTABILITE et CONSEIL AUX ENTREPRISES, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DIJON, en date du 12 octobre 2005, qui, dans l'information suivie sur sa plainte, contre Marguerite X..., épouse Y..., Sandrine Z... et Anne-Marie LE A..., épouse B..., des chefs de vols, violation du secret professionnel et abus de confiance pour les deux premières et de recel pour la troisième, a constaté l'extinction de l'action publique par l'effet de l'amnistie ;

Vu les mémoires ampliatif et rectificatif produits ;

Vu le désistement de la demanderesse à l'égard d'Anne-Marie Le A... ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 311-1, 314-1, 321-1 et 121-7 du code pénal, de l'article 3 de la loi 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie et des articles 6, 575, alinéa 2-3 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a constaté l'extinction de l'action publique par l'effet de la loi d'amnistie ;

"aux motifs qu'il ressort du dossier de la procédure qu'en litige avec leur employeur au sujet de la classification de leurs emplois, Marguerite Y... et Sandrine Z... ont photocopié les pièces litigieuses afin de pouvoir rapporter la preuve devant le conseil de prud'hommes de la nature des tâches par elles réalisées ;

que ce litige, né à l'occasion du contrat de travail, constitue en application des dispositions de l'article L. 511-1 du code du travail un conflit individuel du travail ; qu'aucune qualification faisant encourir une peine de dix années d'emprisonnement au moins n'apparaît, à supposer les faits dénoncés établis, pouvoir être retenue ; que l'action publique concernant lesdits faits - nécessairement commis avant le 23 mai 2000, date du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile - est en conséquence éteinte par l'effet de l'amnistie en application des dispositions de l'article 3 de la loi 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie et de l'article 6 du code de procédure pénale ;

"alors que, si l'article 3-1 de la loi d'amnistie n° 2002-1062 du 6 août 2002 prévoit que sont amnistiés les délits passibles de moins de dix ans d'emprisonnement commis à l'occasion de conflits du travail, ce texte ne peut concerner des vols de documents, violation du secret professionnel, recel de ces objets et abus de confiance commis au préjudice de leur employeur avant même tout litige les opposant à ce dernier et portant sur des documents confidentiels appartenant à des tiers qui, comme la partie civile le soulignait dans son mémoire d'appel, n'ont été que partiellement utilisés au cours du procès qui a ultérieurement opposé les mises en examen à leur employeur ; qu'en invoquant ce texte pour déclarer l'action publique éteinte par l'amnistie, la chambre de l'instruction l'a donc violé, ce qui doit entraîner la cassation de sa décision en application de l'article 575, alinéa 2-3 et 593 du code de procédure pénale" ;

"alors que, d'autre part, après avoir relevé qu'Anne-Marie B... avait été mise en examen du chef de recel de vol et de violation du secret, la chambre de l'instruction qui n'a pas constaté que cette dernière infraction continue avait pris fin avant le 17 mai 2002, date avant laquelle les infractions visées par l'article 1 er de la loi d'amnistie bénéficiant de cette mesure, a, une nouvelle fois, violé ce texte ainsi que les articles 6, 575, alinéa 2-3 et 593 du code de procédure pénale, en déclarant l'action publique éteinte par l'amnistie" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que la société Comptabilité et conseil aux entreprises a porté plainte et s'est constituée partie civile contre Marguerite Y... et Sandrine Z... des chefs de vols, violation du secret professionnel et abus de confiance, exposant que ces salariées ont produit devant le juge prud'homal des photocopies de documents appartenant à l'entreprise ou à des tiers ; qu'à l'issue de l'information ouverte des chefs de vol et violation du secret professionnel, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu ;

Attendu que saisie de l'appel de la seule partie civile, la chambre de l'instruction, a déclaré l'action publique éteinte en application de l'article 3-1 de la loi d'amnistie du 6 août 2002 ;

Mais attendu qu'en prononçant de la sorte, alors que les délits de vol et d'abus de confiance dénoncés préexistaient à tout conflit du travail, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 12 octobre 2005, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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