Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 26 juin 2002, 01-88.474, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 01-88.474
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six juin deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY et les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La SOCIETE ROUME BOUFFLERS, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 7 novembre 2001, qui, dans la procédure suivie contre l'ASSOCIATION HISTORIQUE de RIBAGNAC pour la SAUVEGARDE du CHATEAU de BRIDOIRE et autres, du chef de violation de domicile, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 226-4, 226-7 et 432-8 du Code pénal et 8 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;
"en ce que la Cour a jugé que les éléments constitutifs du délit de violation de domicile ne se retrouvaient pas dans les faits poursuivis imputés aux intimés et a débouté la partie civile de toutes ses demandes ;
"aux motifs propres que "...c'est par une exacte analyse des faits poursuivis ayant fait l'objet d'énonciations suffisantes et selon des motifs qui répondaient à l'argumentation reprises en cause d'appel par la partie civile qui doivent être approuvés, que le tribunal a jugé que le délit de violation de domicile n'était caractérisé en aucun de ses éléments ; il suffit encore d'ajouter que le fait d'être propriétaire d'un immeuble bâti ne permet pas, de la façon dont l'entend la partie civile, de s'y dire chez soi au sens de domicile protégé par les dispositions de l'article 226-4 du Code pénal, alors qu'au contraire il résulte à l'évidence du débat qu'elle n'a sous aucune forme depuis moult années, manifesté une présence en ce lieu dont pourrait se déduire son intention de s'y établir pour y demeurer ou y séjourner fusse de façon très momentanée et de conférer à cet immeuble le caractère d'un domicile ..." ;
"et aux motifs adoptés que "les dispositions de l'article 226-4 du Code pénal ont pour but, non la protection de la propriété privée mais celle du lieu où habite effectivement la personne ; ces dispositions sanctionnent le non-respect de la vie privée et protègent chaque citoyen de l'introduction de tout tiers dans un lieu où il demeure, même s'il est absent ; le château de Bridoire, qui est évidemment un lieu susceptible de servir d'habitation, ne peut être considéré comme un domicile : il est quasiment vide de meubles meublants dignes de ce nom, il est dans un état de délabrement intérieur avancé, il n'offre aucune commodités étant dépourvu d'eau, d'électricité et de chauffage ; au surplus, il est constant qu'il n'a pas été occupé par ses propriétaires ou tous ses occupants de leurs chefs depuis de très nombreuses années : il est "ni habité ni habitable" en l'état ; par ailleurs, l'introduction des prévenus, qui a été rendue possible par l'ouverture d'un cadenas protégeant le château posé par le président de l'association poursuivie, s'est réalisée sans manoeuvres frauduleuses, menaces, voies de fait ou contraintes ; les très nombreux témoignages entendus au cours des débats des personnes dénoncées par les prévenus, mais qui, pour la plupart, ne se trouvaient pas sur place le jour des faits et donc n'ont rien vu, ne contrebattent pas ces données issues du dossier" ;
"alors que, selon l'article 226-4 du Code pénal, la notion de domicile dont la violation est sanctionnée, s'entend comme le lieu où une personne, qu'elle y habite ou non, a "le droit de se dire chez elle", qu'en jugeant que le château de Bridoire ne pouvait être qualifié de domicile, au motif adopté que le château n'est ni habité ni habitable et au motif propre que la demanderesse n'aurait pas "manifesté une présence en ce lieu dont pourrait se déduire son intention de s'y établir pour y demeurer", la cour d'appel a ajouté des conditions au texte de l'article précité et, partant, violé les dispositions susvisées ;
"alors qu'en tout état de cause, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, de sorte que l'association, qui avait elle-même provoqué le pillage du château l'ayant rendu inhabitable, ne pouvait se prévaloir de cette circonstance pour faire juger qu'il ne présentait pas le caractère d'un domicile au sens de l'article 226-4 du Code pénal" ;
Attendu que, pour considérer au regard de l'action civile, que le délit de violation de domicile n'était pas établi, les juges du second degré retiennent, par motifs propres et adoptés, que le château de Bridoire n'est ni habité ni habitable en l'état ; qu'il ajoutent que la partie civile n'a sous aucune forme, depuis de nombreuses années, manifesté une présence en ce lieu dont pourrait se déduire son intention de s'y établir pour y demeurer ou y séjourner momentanément ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, seul constitue un domicile, au sens de l'article 226-4 du Code pénal, le lieu où une personne, qu'elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux, ce texte n'ayant pas pour objet de garantir les propriétés immobilières contre une usurpation ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche, doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 322-1 et suivants et R. 632-1 du Code pénal et 470, 512 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;
"en ce que la cour d'appel de Bordeaux a jugé que le délit de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui n'était pas constitué et qu'il n'y avait donc pas lieu à requalification ;
"aux motifs que "s'il appartient au juge de restituer aux faits poursuivis leur véritable qualification, c'est à la condition de ne point substituer des faits distincts à ceux de la prévention ; par suite demeure prohibée la requalification sollicitée par la partie civile, le délit de destruction ou dégradation d'un bien appartenant à autrui recouvrant des éléments totalement distincts et étrangers aux faits compris dans la saisine" ;
"alors, d'une part, qu'il ressort des débats qui se sont déroulés devant le tribunal et les juges d'appel que le cadenas posé par la société Sotraco a été détruit par les membres de l'association, laquelle a ensuite apposé son propre cadenas sur les portes d'entrée du château, faits constitutifs de délit de destruction de biens d'autrui réprimé par les articles 322-1 et suivants du Code pénal ; qu'en jugeant que ces faits étaient "distincts et étrangers de faits compris dans la saisine" pour refuser la requalification proposée par la demanderesse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors, d'autre part, que les juridictions répressives ont le devoir de caractériser les faits de la prévention sous toutes le qualifications dont ils sont susceptibles, que l'article R. 632-1 du Code pénal prohibe le fait de déposer, d'abandonner ou de jeter des ordures, déchets, matériaux ou tout autre objet, de quelque nature qu'il soit, en un lieu public ou privé, à l'exception des emplacements désignés à cet effet par l'autorité administrative compétente, si ce dépôt n'est pas effectué par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation ; qu'en l'espèce, il ressortait des débats que les prévenus avaient abandonné de nombreuses banderoles et affiches, ainsi qu'un cadenas accroché à la porte du château ; qu'en s'abstenant de requalifier les faits reprochés, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de motifs et a violé les dispositions précitées" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que l'introduction des prévenus dans le château s'est réalisée grâce à l'ouverture d'un cadenas posé par le président de l'association poursuivie ;
Attendu que, pour rejeter les prétentions de la partie civile tendant à la requalification des faits en délit de destruction ou dégradation d'un bien appartenant à autrui, les juges relèvent que les éléments de ce délit sont étrangers à leur saisine ;
Qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître ses pouvoirs ;
Qu'en effet, s'il appartient au juge répressif de restituer à la poursuite sa qualification pénale véritable, y compris lorsqu'il statue sur la seule action civile, c'est à la condition qu'il puise les éléments de sa décision dans les faits dont il est saisi ;
Que tel n'était pas le cas en l'espèce, les faits poursuivis n'étant pas susceptibles de revêtir une autre qualification pénale, qu'elle soit délictuelle ou contraventionnelle ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Ponroy conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;