Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 7 novembre 2001, 00-86.745, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept novembre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de Me FOUSSARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- A... Philippe,

1) contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 19 décembre 1996, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'escroqueries et exercice illégal de la profession de banquier, a rejeté sa requête aux fins d'annulation d'actes de la procédure ;

2) contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 12 septembre 2000, qui, pour ces mêmes infractions, l'a condamné à 4 ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans, à 10 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, et a statué sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit ;

I-Sur le pourvoi contre l'arrêt du 19 décembre 1996 ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 et 75 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, de l'article 405 ancien du Code pénal, de l'article 313-1 du Code pénal, ensemble les articles 18, 151, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que les arrêts attaqués (chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 19 décembre 1996 et cour d'appel d'Aix-en-Provence du 12 septembre 2000) ont refusé d'annuler la commission rogatoire du 12 juin 1995, déclaré Philippe A... coupable d'exercice illégal de la profession de banquier et d'escroqueries ; en répression, l'a condamné à la peine de quatre ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, outre l'interdiction pendant dix ans des droits civils, civiques et de famille, et l'a condamné, solidairement avec d'autres prévenus, à payer des dommages et intérêts ;

" aux motifs que " sur le caractère prétendument général de la commission rogatoire querellée, la lecture de la mission confiée au SRPJ, " poursuivre l'enquête débutée par votre service sous la référence PV 3495/ 94 en vue de parvenir à l'identification et à l'interpellation de tous les complices et coauteurs ", démontre que cette commission rogatoire, conformément aux dispositions de l'article 151 du Code de procédure pénale, ne prescrit que les actes d'instruction se rattachant directement aux faits objet de la saisine du juge d'instruction, rappelés dans la référence 3495/ 94, qui est celle du procès-verbal initial d'enquête cote D 2 fondant la saisine du juge ; que, de ce fait, la commission rogatoire, qui définit la stricte mission des officiers de police judiciaire délégataires, est régulière et n'encourt pas la nullité invoquée ; que sur la prétendue cotation irrégulière de la commission rogatoire du 12 juin 1995, celle-ci a été retournée au juge d'instruction de Nice après exécution, le 18 janvier 1996, (D 162) ; que c'est donc à cette date que le magistrat instructeur l'a normalement insérée dans son dossier d'information et l'a cotée avec les pièces d'exécution s'y rapportant ; qu'en effet, il n'est exigé par aucun texte que figure au dossier, pendant la durée de son exécution, une copie du mandement d'une commission rogatoire en cours d'exécution ; que, par ailleurs, il résulte de la procédure que la commission rogatoire a été régulièrement adressée au juge mandant dans le respect du délai fixé par l'article 151 du Code de procédure pénale, ainsi que l'établit le bordereau d'envoi du 10 janvier 1996 ; qu'en ce qui concerne les griefs tirés de l'inobservation des dispositions de l'article 18, alinéa 4, du Code de procédure pénale, ils ne sont pas plus pertinents que les précédents, les fonctionnaires du SPRJ de Marseille, antenne de Nice, destinataires de la commission rogatoire incriminée ayant compétence sur le ressort du tribunal de Grasse de par l'organisation administrative interne de ce service ; que, de ce fait, ces fonctionnaires n'étaient pas tenus d'aviser le procureur de la République de Grasse de leurs déplacements dans son secteur, ce qui, en tout état de cause, n'est pas prescrit à peine de nullité et ne concerne pas la partie requérante qui ne peut invoquer aucun grief de ce fait ; qu'enfin, concernant la notion d'urgence critiquée dans la requête en nullité, celle-ci est souverainement appréciée par le juge d'instruction ; que, comme le relève avec raison le ministère public, elle s'explique en l'espèce par le souci, en procédant à des investigations rapides (notamment perquisitions), d'éviter tout risque de disparition de preuves ou d'indices ; qu'ainsi, le moyen de nullité doit être écarté " (arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 19 décembre 1996, avant-dernier et dernier paragraphe, et page 10, paragraphes 1, 2, 3, 4 et 5) ;

" alors que, premièrement, pour être régulière, la commission rogatoire doit indiquer, très précisément, les actes d'information à accomplir ; que tel n'est pas le cas d'une commission rogatoire confiant à un officier de police judiciaire la mission d'accomplir tous les actes d'instruction relatifs aux faits poursuivis ; qu'au cas d'espèce, la commission rogatoire du 12 juin 1995 a confié une mission au SRPJ de Grasse consistant à " poursuivre l'enquête débutée par votre service sous la référence PV 3495/ 94 en vue de parvenir à l'identification et à l'interpellation de tous les complices et coauteurs " ; qu'en outre, cette commission rogatoire précisait qu'il fallait " procéder à toutes auditions, confrontations, perquisitions et saisies utiles à la manifestation de la vérité en faisant, vu l'urgence, application de l'article 18-4 du Code de procédure pénale " ; qu'ainsi, la commission rogatoire délivrée le 12 juin 1995 déléguait l'ensemble des pouvoirs confiés, en principe, au juge d'instruction, aux officiers délégataires ; qu'elle était donc entachée de nullité ; que, pour avoir décidé le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

" alors que, deuxièmement, si l'état d'urgence, tel que visé par l'article 18-4 du Code de procédure pénale, relève de l'appréciation du juge d'instruction, dès lors que ce dernier motive sa décision, cette motivation doit être correcte en droit et en fait ;

que Philippe A... faisait valoir (requête en nullité, page 3, 5) que la société PSI ayant été mise en liquidation judiciaire, l'ensemble des documents et pièces pouvant éventuellement intéresser l'information en cours se trouvaient entre les mains d'un liquidateur judiciaire, auxiliaire de justice, de telle sorte que le juge d'instruction ne pouvait retenir l'existence de l'urgence ; qu'en énonçant, pour refuser de prononcer l'irrégularité de la commission rogatoire fondée sur l'urgence, que l'urgence s'expliquait par le souci de procéder à des investigations rapides et d'éviter tout risque de disparition de preuves ou d'indices, sans rechercher, comme le faisait valoir Philippe A..., si, eu égard à l'existence d'une procédure de liquidation judiciaire, il n'y avait aucun risque de dissipation de preuves ou d'indices, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ;

" et alors que, troisièmement, lorsqu'en raison de l'urgence, les officiers de police judiciaire sont admis à enquêter sur l'ensemble du territoire, le procureur de la République territorialement compétent doit en être avisé ; qu'au cas d'espèce, la commission rogatoire du 12 juin 1995, fondée sur l'urgence, a confié les actes d'investigation au SRPJ situé dans le ressort du tribunal de grande instance de Grasse ; qu'en refusant d'annuler les actes exécutés par les officiers de police judiciaire alors qu'il était constant que le procureur de la République n'avait pas été avisé, les juges du fond ont, une nouvelle fois, violé les textes susvisés " ;

Attendu que, pour rejeter la requête en nullité d'une commission rogatoire, la chambre d'accusation se détermine par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, elle a fait l'exacte application des articles 18, alinéa 4, 81 et 152 du Code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 et 75 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, de l'article 405 ancien du Code pénal, de l'article 313-1 du Code pénal, ensemble les articles 97, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

" en ce que les arrêts attaqués (chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 19 décembre 1996 et cour d'appel d'Aix-en-Provence du 12 septembre 2000) ont refusé d'annuler la commission rogatoire du 12 juin 1995, déclaré Philippe A... coupable d'exercice illégal de la profession de banquier et d'escroqueries ; en répression, l'a condamné à la peine de quatre ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, outre l'interdiction pendant dix ans des droits civils, civiques et de famille, et l'a condamné, solidairement avec d'autres prévenus, à payer des dommages et intérêts ;

" aux motifs que " l'examen de la procédure fait apparaître que le procès-verbal de perquisition et de saisie de scellés n° 1 à 3 en date du 13 juin 1995 et coté D 44 est signé de Philippe A... qui a assisté à l'intégralité des opérations de perquisition menées dans son bureau et à son domicile ; que, lors de son audition en garde à vue (cote D 49), Philippe A... s'est expliqué sur les documents saisis à son bureau et placés sous scellé n° 2, inventorié dans les locaux du SRPJ (cote D. 51) ;

qu'ainsi, aucun grief ne peut être invoqué, les documents relevant du scellé n° 2 ayant été présentés-sous la cotation de l'inventaire-à Philippe A... lors de son interrogatoire ; que s'il ressort de la procédure que les documents placés sous scellés n° 1 et 3 n'ont pas fait l'objet d'inventaires détaillés, le requérant lui-même expose n'avoir jamais été entendu sur ces pièces ; qu'il pouvait, ainsi que le rappelle le ministère public, en demander restitution ou copie (articles 99 et 97, alinéa 5, du Code de procédure pénale) ; qu'en tout état de cause, il ne peut être soutenu que cette saisie ait porté atteinte aux droits du requérant ; que la restitution d'un certain nombre de documents à l'épouse de Philippe A... n'est que l'application des dispositions de l'article 97, alinéa 3, du Code de procédure pénale, selon lequel l'officier de police judiciaire ne maintient que la saisie des documents qui lui paraissent utiles à la manifestation de la vérité ; qu'aucune irrégularité pouvant entraîner une quelconque annulation ne ressort de cette situation " (arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 19 décembre 1996, page 10, dernier paragraphe, et page 11, paragraphes 1, 2, 3, 4, 5 et 6) ;

" alors que, premièrement, tous les objets et documents placés sous main de justice sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés ; qu'il n'en va autrement que si le procès-verbal de perquisition et de saisie précise les difficultés qui ont justifié un retard dans l'établissement de l'inventaire ; qu'au cas d'espèce, il est constant que les documents placés sous scellé n° 2 n'ont été inventoriés que le lendemain de la saisie ; que, cependant, le procès-verbal ne constate à aucun moment les circonstances qui ont justifié un tel retard dans l'établissement de l'inventaire ; qu'en refusant néanmoins d'annuler la saisie du scellé n° 2 au motif que Philippe A... avait été interrogé sur ce point, les juges du fond se sont fondés sur des motifs inopérants et ont violé les textes susvisés ;

" alors que, deuxièmement et en tout cas, il est constant, au cas d'espèce, les pièces et documents saisis sous les scellés n° 1 et 3 n'ont fait l'objet d'aucun inventaire ; que les saisies n° 1 et 3 étaient donc nulles ; que, pour avoir jugé le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

" et alors que, troisièmement et en toute hypothèse, en énonçant, pour refuser d'annuler les saisies n° 1 et 3, que Philippe A... n'avait jamais été entendu sur ces pièces et que, dès lors, il n'avait subi aucune atteinte à ses droits, les juges du fond se sont encore prononcés aux termes de motifs inopérants et ont violé les textes susvisés " ;

Attendu que, pour déclarer régulières les saisies de documents pratiquées au domicile et au bureau de Philippe A..., la chambre d'accusation retient que l'intéressé, qui a assisté à toutes les opérations de perquisition et de saisie dont il a signé le procès-verbal, s'est expliqué sur celles-ci et qu'il n'a pas été porté atteinte aux droits de la défense ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 et 75 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, de l'article 405 ancien du Code pénal, de l'article 313-1 du Code pénal, ensemble les articles 154, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

" en ce que les arrêts attaqués (chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 19 décembre 1996 et cour d'appel d'Aix-en-Provence du 12 septembre 2000) ont refusé d'annuler la commission rogatoire du 12 juin 1995, déclaré Philippe A... coupable d'exercice illégal de la profession de banquier et d'escroqueries ; en répression, l'a condamné à la peine de quatre ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, outre l'interdiction pendant dix ans des droits civils, civiques et de famille, et l'a condamné, solidairement avec d'autres prévenus, à payer des dommages et intérêts ;

" aux motifs que " contrairement à ce qu'énonce la requête en nullité, le procès-verbal coté D. 45 de mise en garde à vue de Philippe A... mentionne, en sa page 2, l'information du juge d'instruction de Nice par les officiers de police judiciaire du placement en garde à vue de Philippe A... ; que ce dernier étant placé en garde à vue à Nice, le juge d'instruction de Nice a régulièrement prolongé cette mesure à l'expiration d'un délai de 24 heures (D 48) ; qu'aucune irrégularité ne peut être relevée sur ce point, aucun texte n'interdisant à l'officier de police judiciaire territorialement compétent de conduire dans ses services une personne interpellée pour y être entendue dans le cadre d'une mesure de garde à vue " (arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 19 décembre 1996, page 11, avant-dernier et dernier paragraphes, et page 12, paragraphe 1er) ;

" alors que, lorsque les officiers de police judiciaire, saisis sur commission rogatoire, ayant compétence dans un ressort distinct de celui du juge d'instruction, décident de placer en garde à vue une personne, ils doivent, d'une part, informer le magistrat instructeur chargé de l'information de leur décision et, d'autre part, présenter cette personne au juge d'instruction du ressort dans lequel a lieu la garde à vue ; qu'au cas d'espèce, la commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nice confiait les actes d'instruction à des officiers de police judiciaire du ressort du tribunal de grande instance de Nice ;

que, par ailleurs, il est constant que c'est en exécution de cette commission rogatoire que Philippe A... a été placé en garde à vue ;

que, cependant, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nice n'a jamais été avisé de la mise en garde à vue de Philippe A... ; que, pour avoir néanmoins refusé d'annuler la garde à vue de Philippe A..., les juges du fond ont violé les textes susvisés " ;

Attendu que, pour écarter la requête en nullité de la garde à vue subie par Philippe A..., la chambre d'accusation retient que le juge d'instruction mandant de Nice a été avisé du placement en garde à vue de l'intéressé, dans cette ville, et qu'il a lui-même prolongé cette mesure ;

Attendu que, par ces constatations, les juges ont justifié leur décision ;

Qu'ainsi, le moyen, qui manque en fait ne saurait être admis ;

II-Sur le pourvoi contre l'arrêt du 12 septembre 2000 ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 10 et 75 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

" en ce que l'arrêt attaqué (cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 septembre 2000) a déclaré Philippe A... coupable d'exercice illégal de la profession de banquier et, en répression, l'a condamné à la peine de quatre années d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, outre l'interdiction pendant dix ans des droits civils, civiques et de famille, et l'a condamné solidairement, avec d'autres prévenus, à verser des dommages et intérêts ;

" aux motifs que " de même, sa participation en connaissance de cause à la gestion de PSI conduit à le retenir dans les liens de la prévention du chef d'exercice illégal de la profession de banquier " (arrêt de la cour d'appel d'Ai-en-Provence du 12 septembre 2000, page 17, avant dernier paragraphe) ;

" alors que les juges du fond doivent motiver leur décision et, notamment, caractériser, à l'égard du prévenu, tous les éléments constitutifs de l'infraction dont ils décident de le déclarer coupable ; qu'au cas d'espèce, en condamnant Philippe A... du chef d'exercice illégal de la profession de banquier, sans assortir leur décision de motifs et sans notamment caractériser à son encontre des actes positifs d'accomplissement d'opérations de banque à titre habituel, les juges du fond ont violé les textes susvisés " ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 408 ancien du Code pénal, de l'article 413-1 du Code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

" en ce que l'arrêt attaqué (cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 septembre 2000) a déclaré Philippe A... coupable d'escroquerie et, en répression, l'a condamné à la peine de quatre ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve outre l'interdiction pendant dix ans d'exercer les droits civils, civiques et de famille, et l'a condamné solidairement, avec divers autres prévenus, à verser des dommages et intérêts aux parties civiles ;

" aux motifs que " ce dernier réfute toute participation aux délits qui lui sont reprochés, soulignant que les mises en cause par les co-mis en examen sont sans valeur probante, que c'est sous la gérance d'Henri Z... que l'objet de la société a été détourné, à son insu, vers une activité délictueuse, qu'il n'a perçu par chèques ou en espèces aucune somme de Plein Sud, qu'à aucun moment il n'a été gérant de fait de la société ; que, tant dans son audition par la police que lors de son interrogatoire de première comparution, Joseph X..., recruté comme démarcheur par Henri Z..., a déclaré avoir voulu rencontrer en la personne de Philippe A... le gérant de fait de Plein Sud ; qu'il fait état d'une entrevue au palais des festivals de Cannes à laquelle auraient participé Henri Z..., Philippe A..., Emile B... et lui-même, entrevue au cours de laquelle aurait été convenu le montant des commissions à percevoir, Joseph X... se disant à cette occasion " impressionné par la notoriété de Philippe A... " ; " qu'entendu simultanément, Emile B..., recruté dans les mêmes conditions que Joseph X..., confirmait avoir souhaité rencontrer en la personne de Philippe A... le " porteur majoritaire " de 75 % des parts ; qu'il attestait de l'entrevue du palais des festivals, ajoutant avoir eu le sentiment que Philippe A... connaissait très bien l'activité de Plein Sud et semblait gérer également cette société ; que rien ne permet de mettre en doute la véracité de ces deux déclarations simultanées ;

qu'il a été présenté au prévenu divers documents faisant notamment l'objet du scellé 460/ 2 saisis à son domicile ; que l'ensemble de ces documents attestent de l'implication personnelle de Philippe A... dans l'opération de Mallemort, seule opération de promotion immobilière réalisée par la société Plein Sud et financée par un prêt de plus d'un million de francs accordé par la Banque Hypothécaire Européenne ; que, notamment, est caractérisé le rôle de décideur de Philippe A... qui indique (pièce 81) à Henri Z... " à régler 94 994, 54 francs urgent " et qui apparaît le principal interlocuteur de l'établissement bancaire ainsi que des services de l'équipement ;

que, par ailleurs, si Philippe A... détenait des lettres de clients mécontents datées de 1994, il possédait également des documents fiscaux de 1993 (pièce 60), 1994 (pièces 1, 2, 3) ayant trait à l'activité de Plein Sud, documents et déclarations signés par lui ; que c'est à lui qu'ont été réclamés par la BHE les bilans 1990 et 1991 des sociétés Plein Sud Immobilier et Agrada ; que l'opération de Mallemort, dans laquelle il reconnaît avoir eu un rôle essentiel, a été utilisée par Henri Z... pour faire miroiter aux victimes d'escroqueries d'autres placements aux rendements exceptionnels ;

que, de même, avaient été proposés en garantie de l'investissement de M. Y..., en 1989, les terrains de la société Les Issambrs dont Philippe A... était le gérant que Philippe A... ne peut soutenir que ces opérations aient été réalisées à son insu compte tenu de sa participation à la gestion de Plein Sud, telle qu'elle résulte des éléments évoqués supra ; que, d'autre part, Henri Z..., après être revenu lors d'une confrontation sur les accusations portées à l'encontre de son coprévenu quant au rôle de gérant de fait qui était le sien et quant aux rémunérations en espèces qu'il lui versait, a démenti cette rétractation par lettre expliquant qu'elle lui avait été dictée par Philippe A... ; qu'enfin, Philippe A... a reconnu, lors de son audition par les services de police, que divers documents faisant l'objet du scellé 3 faisaient apparaître de nombreux prêts effectués au profit de ses différentes sociétés par des particuliers en échange d'intérêts versés par celles-ci ; que les taux pratiqués (jusqu'à 18 % d'intérêts) lui interdisaient de s'acquitter des intérêts, compte tenu des fluctuations du marché immobilier, tout en précisant que ces clients n'étaient pas ceux de PSI ; que bien que des investigations n'aient pas été menées sur ce point, force est de reconnaître que ces documents témoignent du mécontentement de très nombreux prêteurs ayant investi des sommes considérables dans l'espoir de rendements subséquents et n'obtenant ni intérêts ni remboursements, faits similaires à ceux dont il est prévenu ; que l'ensemble de ces éléments déterminent la conviction de la Cour quant à la culpabilité du prévenu du chef d'escroquerie, sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur l'authenticité ou non de la lettre faisant l'objet de la cote D. 352 arguée de faux par Philippe A... " (arrêt de la cour d'appel d'Ai-en-Provence du 12 septembre 2000, page 16, paragraphes 3, 4, 5, 6 et 7, et page 17, paragraphes 1, 2, 3, 4, 5 et 6) ;

" alors que l'escroquerie suppose, d'une part, que soit caractérisée l'existence de manoeuvres frauduleuses et, d'autre part, que ces manoeuvres frauduleuses aient été déterminantes d'une remise ; qu'au cas d'espèce, en retenant que Philippe A... dans les liens de la prévention sans jamais caractériser à son encontre l'existence de manoeuvres frauduleuses déterminantes d'une remise, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 et 75 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, de l'article 408 ancien du Code pénal, des articles 111-3, 131-10, 131-26, 313-1 et 313-7 du Code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale et du principe de légalité des peines ;

" en ce que l'arrêt attaqué (cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 septembre 2000) a déclaré Philippe A... coupable d'escroquerie et d'exercice illégal de la profession de banquier et a prononcé à son encontre l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour une durée de 10 ans ;

" alors que nul ne peut être puni, pour un crime ou un délit, d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ; que si la loi prévoit que la personne déclarée coupable du délit d'escroquerie peut faire l'objet de l'interdiction d'exercer les droits civiques, civils et de famille, c'est seulement dans les limites prévues par l'article 131-26 du Code pénal ; qu'aux termes de ce texte, l'interdiction ne peut excéder une durée de 5 ans en cas de condamnation pour un délit ;

qu'au cas d'espèce, en prononçant l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour une durée de 10 ans alors que l'escroquerie est un délit, les juges du fond ont violé les textes et principes susvisés " ;

Vu l'article 111-3 du Code pénal, ensemble l'article 131-26 du même Code ;

Attendu que nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;

Attendu qu'après avoir condamné Philippe A... des chefs d'escroqueries et d'exercice illégal de la profession de banquier, la cour d'appel a prononcé à son encontre, pour 10 ans, une interdiction des droits civiques, civils et de famille ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 131-26 du Code pénal limite cette interdiction à 5 ans en cas de condamnation pour délit, les juges ont méconnu les textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Et sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 408 ancien du Code pénal, de l'article 313-1 du Code pénal, de l'article 1382 du Code civil, ensemble les articles 2, 3, 515, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué (cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 12 septembre 2000) a condamné Philippe A..., solidairement avec d'autres prévenus, à verser aux époux D...-Y...la somme de 850 000 francs à titre de dommages et intérêts, et 3 000 francs en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

" aux motifs que les demandes des parties civiles à l'encontre d'Henri Z..., gérant de Plein Sud, sont recevables dès lors que la procédure collective n'a pas été étendue à son patrimoine personnel a fortiori à l'encontre de Philippe A... ; que les parties civiles justifient de leur préjudice par la production des divers contrats sur lesquels figurent les sommes investies ; qu'elles ont dû, par ailleurs, pour faire valoir leurs droits (...), exposer des frais qu'il serait inéquitable de laisser à leur charge ; que la Cour dispose en conséquence d'éléments suffisants pour fixer le montant des sommes qui leur sont dues, compte tenu des sommes investies et divers autres préjudices (...) aux époux D...-Y...: 850 000 francs à titre de dommages et intérêts, 3 000 francs par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

" alors que sont irrecevables, en cause d'appel, les demandes nouvelles ; qu'en vertu de ce principe, sont irrecevables la constitution de partie civile et la demande de dommages et intérêts présentées pour la première fois en cause d'appel ; qu'au cas d'espèce, il résulte du jugement entrepris que les époux D...-Y...n'étaient ni présents, ni représentés devant le tribunal correctionnel et n'ont présenté aucune demande de dommages et intérêts ; qu'en leur allouant, en cause d'appel, une somme à titre de dommages et intérêts, alors que leur demande était nouvelle comme présentée pour la première fois, les juges du fond ont violé les textes susvisés " ;

Vu l'article 515 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'est irrecevable, devant la cour d'appel, une demande formée par une partie qui n'était ni présente, ni représentée devant le tribunal correctionnel ;

Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que les époux Y..., qui n'étaient pas parties civiles devant les premiers juges, se sont vus allouer des dommages et intérêts par la cour d'appel ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, les juges du second degré ont méconnu l'article et le principe susmentionnés ;

D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;

Et sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 408 ancien du Code pénal, de l'article 313-1 du Code pénal, de l'article 1382 du Code civil, ensemble les articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Philippe A..., solidairement avec d'autres prévenus, à verser des dommages et intérêts aux parties civiles ;

" aux motifs que les demandes des parties civiles à l'encontre d'Henri Z..., gérant de Plein Sud, sont recevables dès lors que la procédure collective n'a pas été étendue à son patrimoine personnel et a fortiori à l'encontre de Philippe A... ; que les parties civiles justifient de leur préjudice par la production des divers contrats sur lesquels figurent les sommes investies ;

" alors que, premièrement, le juge correctionnel, statuant sur les intérêts civils, doit se prononcer dans les limites des conclusions dont il est saisi ; qu'au cas d'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué (pages 14 et 15, et pages 19 et 20), que les juges du fond ont accordé aux parties civiles une somme supérieure à celle qu'elles avaient demandée ; qu'ainsi, l'arrêt a été rendu en violation des textes susvisés ;

" et alors que, deuxièmement, et en tous cas, les motifs contradictoires de l'arrêt attaqué ne permettent pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les juges du fond ont statué dans les limites des conclusions des parties civiles " ;

Vu l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que les juges sont tenus de réparer le dommage né de l'infraction dans la limite des conclusions ou des demandes des parties ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des conclusions des parties civiles que le montant des dommages et intérêts qui leur a été alloué excède celui de leurs demandes ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes et les principes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est, derechef, encourue ;

Et, sans qu'il soit besoin d'examiner le 5ème moyen ;

I-Sur le pourvoi contre l'arrêt du 19 décembre 1996 ;

Le REJETTE ;

II-Sur le pourvoi contre l'arrêt du 12 septembre 2000 ;

Sur l'action publique :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé en ce qu'il a condamné Philippe A... à 10 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Sur l'action civile :

CASSE et ANNULE le même arrêt en toutes ses dispositions et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi dans les limites des cassations ainsi prononcées ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Roger conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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