Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 4 juin 2002, 01-85.987, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre juin deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle TIFFREAU, avocat en la Cour ;

Vu la communicaition faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Roger,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 29 mars 2001, qui, pour mise en vente de denrées falsifiées ou toxiques, l'a condamné à 100 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er et 15-2 du décret du 15 avril 1912, L. 213-3 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Roger X... coupable d'avoir exposé, mis en vente ou vendu des denrées servant l'alimentation de l'homme, des boissons ou des produits agricoles ou naturel qu'il savait être falsifiés, corrompus ou to ues, en l'espèce des compléments alimentaires contenant du coenzyme Q10 et de la créatine, substances non autorisées ;

"aux motifs que "le 27 novembre 1998, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du Bas-Rhin a relevé lors d'un contrôle d'un magasin diététique à Strasbourg, la détention et la mise en vente de deux produits dénommés "Ubiform Coenzyme Q10" et "Coenzyme Q10" commercialisés sous la marque Vit'all et mise sur le marché français par RCS Distribution ; la "coenzyme Q10" n'a pas fait l'objet d'une autorisation d'emploi, aucun arrêté n'a prévu l'incorporation du "Coenzyme Q10" dans les denrées alimentaires, bien au contraire cette substance chimique a fait l'objet d'un avis défavorable du conseil supérieur d'hygiène public de France le 11 juin 1996 ; le 2 février 1999 un procès-verbal de saisie effectué à la société RCS distribution dont Roger X... est le PDG, a constaté la vente de :

- créatine complexe

- créatine HMB

- malto créatine, et la présence de préemballage pour leur vente ;

l'examen des documents commerciaux révélait que les compléments alimentaires étaient achetés auprès d'une société belge ;

entendu, Roger X... a indiqué commercialiser ces compléments alimentaires depuis juin de l'année 1998 et a indiqué au procès-verbal de déclaration ne s'être pas préalablement informé de leur conformité aux normes françaises par des analyses ou autre contrôle ;

cette saisie a été effectuée car bien que la créatine n'ait fait l'objet d'aucune autorisation d'emploi en alimentation humaine, la mise en vente de compléments alimentaires à base de créatine était observée dans les magasins spécialisés et les clubs de sport ;

l'article 1er du décret du 15 avril 1912 interdit l'addition dans les denrées alimentaires destinées à la consommation humaine de tout produit chimique qui n'a pas fait l'objet d'une autorisation par voie d'arrêté ;

l'article 15-2 du décret du 15 avril 1912 définit les compléments alimentaires comme étant "des produits destinés à être ingérés en complément de l'alimentation courante, afin de pallier l'insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers" ;

ces produits ne peuvent contenir que des substances d'addition dont l'emploi a été autorisé par un texte puis après avis de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments ;

Roger X... conteste les infractions, faisant valoir que la liste positive n'est pas applicable aux compléments alimentaires, qu'en tout état de cause la liste positive est conforme au Traité de Rome et ce d'autant plus que le produit est commercialisé en Belgique ; il est constant que Roger X... a mis à la vente des substances non autorisées par les arrêtés pris en application de l'article 1er du décret du 15 avril 1912, puisqu'en l'espèce les produits incriminés qui ne sont ni des médicaments ni des produits diététiques soumis à la réglementation des aliments destinés à une alimentation particulière relevaient en tant que compléments alimentaires des règles générales applicables aux denrées alimentaires soit à la réglementation de la liste positive instaurée par le décret du 15 avril 1912 complété par des décrets subséquents et notamment le décret du 10 avril 1996 devenu l'article 15-2 du décret du 15 avril 1912 définissant les compléments alimentaires ; contrairement aux allégations du prévenu, il n'existe pas de directive communautaire relative aux compléments alimentaires dès lors la procédure d'autorisation préalable instaurée par la législation nationale, n'est pas constitutive d'une mesure d'effet équivalent à ceux d'une restriction quantitative au sens de l'article 30 du traité CE dès lors que cette mesure est justifiée par la nécessité de protéger la santé et la sécurité des personnes conformément à l'article 36 du traité CE ;

en l'espèce, le conseil supérieur d'Hygiène public de France a émis un avis défavorable le 11 juin 1996 pour l'emploi de Coenzyme Q10, aucun avis n'a été émis pour la créatine mais des risques d'incidence sur le foie et les reins ont été émis par les scientifiques de sorte que l'autorisation par "la liste positive" de commercialisation du produit n'a pas été donnée ; la législation nationale par la liste positive a pour finalité de protéger la santé publique et le consommateur et ne contrevient pas ainsi au Traité de Rome ; il résulte de ce qui précède que Roger X... a commis les infractions qui lui sont reprochées, il convient en conséquence d'entrer en voie de condamnation à son encontre et de le déclarer coupable des infractions d'objets de la prévention" (arrêt attaqué, p. 3 à 5) ;

"alors que les "produits chimiques" qui ne peuvent être additionnés aux marchandises et denrées destinées à l'alimentation humaine sans autorisation de l'Administration sont les "additifs alimentaires" au sens de l'article 2 du décret n° 89-674 du 18 septembre 1989, c'est-à-dire "toute substance habituellement non consommée comme aliment en soi et habituellement non utilisé comme ingrédient caractéristique dans l'alimentation, possédant ou non une valeur nutritive, et dont l'adjonction naturelle aux denrées alimentaires, dans un but technologique au stade de leur fabrication, transformation, préparation, traitement, conditionnement, transport ou entreposage, a pour effet, ou peut raisonnablement être estimée avoir pour effet, qu'elle devient elle-même ou que ses dérivés deviennent, directement ou indirectement, un composant de ces denrées alimentaires" ; qu'en l'espèce, en déclarant le prévenu coupable de falsification, au prétexte que les produits litigieux étaient composés de coenzyme Q10 et de créatine, et que ces "substances chimiques" n'étaient pas autorisées, sans justifier qu'il s'agissait d'additifs alimentaires au sens du décret de 1989 précité, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société RCS Distribution a commercialisé en France, sous la marque Vit'all, des produits fabriqués par une société belge, contenant les uns du coenzyme Q 10, les autres de la créatine ; que Roger X..., président de la société, est poursuivi, en application l'article L. 213-3, alinéa 1, 2 , du Code de la consommation, pour exposition, mise en vente ou vente de denrées falsifiées ou toxiques ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ce délit, l'arrêt infirmatif attaqué retient, par les motifs repris au moyen, que les denrées alimentaires qu'il a ainsi commercialisées comme compléments alimentaires contiennent des substances non autorisées par les arrêtés pris en application de l'article 1er du décret du 15 avril 1912 ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'en effet, un produit commercialisé comme complément alimentaire, qui n'est ni un médicament, ni un produit diététique soumis à la réglementation des aliments destinés à une alimentation particulière, relève des règles applicables aux denrées alimentaires et ne peut, par application de ce texte, être additionné de substances autres que celles dont l'emploi est autorisé par arrêté ministériel ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 28 et 30 du Traité de Rome, 8 et 9 de la directive 83-189 CEE du 28 mars 1983 (consolidée par la directive 98-34/CE), 1er et 15-2 du décret du 15 avril 1912, L. 213-3 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Roger X... coupable d'avoir exposé, mis en vente ou vendu des denrées servant l'alimentation de l'homme, des boissons ou des produits agricoles ou naturel qu'il savait être falsifiés, corrompus ou toxiques, en l'espèce des compléments alimentaires contenant du coenzyme Q10 et de la créatine, substances non autorisées ;

"aux motifs que "le 27 novembre 1998, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du Bas-Rhin a relevé lors d'un contrôle d'un magasin diététique à Strasbourg, la détention et la mise en vente de deux produits dénommés "Ubiform Coenzyme Q10" et "Coenzyme Q10" commercialisés sous la marque Vit'all et mise sur le marché français par RCS Distribution ; la "coenzyme Q10" n'a pas fait l'objet d'une autorisation d'emploi, aucun arrêté n'a prévu l'incorporation du "Coenzyme Q10" dans les denrées alimentaires, bien au contraire cette substance chimique a fait l'objet d'un avis défavorable du conseil supérieur d'hygiène public de France le 11 juin 1996 ;

le 2 février 1999 un procès-verbal de saisie effectué à la société RCS distribution dont Roger X... est le PDG, a constaté la vente de :

- créatine complexe

- créatine HMB

- malto créatine, et la présence de préemballage pour leur vente ;

l'examen des documents commerciaux révélait que les compléments alimentaires étaient achetés auprès d'une société belge ;

entendu, Roger X... a indiqué commercialiser ces compléments alimentaires depuis juin de l'année 1998 et a indiqué au procès-verbal de déclaration ne s'être pas préalablement informé de leur conformité aux normes françaises par des analyses ou autre contrôle ; cette saisie a été effectuée car bien que la créatine n'ait fait l'objet d'aucune autorisation d'emploi en alimentation humaine, la mise en vente de compléments alimentaires à base de créatine était observée dans les magasins spécialisés et les clubs de sport ;

l'article 1er du décret du 15 avril 1912 interdit l'addition dans les denrées alimentaires destinées à la consommation humaine de tout produit chimique qui n'a pas fait l'objet d'une autorisation par voie d'arrêté ; l'article 15-2 du décret du 15 avril 1912 définit les compléments alimentaires comme étant "des produits destinés à être ingérés en complément de l'alimentation courante, afin de pallier l'insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers" ;

ces produits ne peuvent contenir que des substances d'addition dont l'emploi a été autorisé par un texte puis après avis de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments ; Roger X... conteste les infractions, faisant valoir que la liste positive n'est pas applicable aux compléments alimentaires, qu'en tout état de cause la liste positive est conforme au Traité de Rome et ce d'autant plus que le produit est commercialisé en Belgique ; il est constant que Roger X... a mis à la vente des substances non autorisées par les arrêtés pris en application de l'article 1er du décret du 15 avril 1912, puisqu'en l'espèce les produits incriminés qui ne sont ni des médicaments ni des produits diététiques soumis à la réglementation des aliments destinés à une alimentation particulière relevaient en tant que compléments alimentaires des règles générales applicables aux denrées alimentaires soit à la réglementation de la liste positive instaurée par le décret du 15 avril 1912 complété par des décrets subséquents et notamment le décret du 10 avril 1996 devenu l'article 15-2 du décret du 15 avril 1912 définissant les compléments alimentaires ; contrairement aux allégations du prévenu, il n'existe pas de directive communautaire relative aux compléments alimentaires dès lors la procédure d'autorisation préalable instaurée par la législation nationale, n'est pas constitutive d'une mesure d'effet équivalent à ceux d'une restriction quantitative au sens de l'article 30 du traité CE dès lors que cette mesure est justifiée par la nécessité de protéger la santé et la sécurité des personnes conformément à l'article 36 du traité CE ; en l'espèce, le conseil supérieur d'Hygiène public de France a émis un avis défavorable le 11 juin 1996 pour l'emploi de Coenzyme Q10, aucun avis n'a été émis pour la créatine mais des risques d'incidence sur le foie et les reins ont été émis par les scientifiques de sorte que l'autorisation par "la liste positive" de commercialisation du produit n'a pas été donnée ;

la législation nationale par la liste positive a pour finalité de protéger la santé publique et le consommateur et ne contrevient pas ainsi au Traité de Rome ; il résulte de ce qui précède que Roger X... a commis les infractions qui lui sont reprochées, il convient en conséquence d'entrer en voie de condamnation à son encontre et de le déclarer coupable des infractions d'objets de la prévention" (arrêt attaqué, p. 3 à 5) ;

"alors que le prévenu soutenait que l'interdiction faite en France de commercialiser des compléments alimentaires additionnés de substances chimiques non expressément autorisées par l'Administration, interdiction résultant des dispositions du décret du 15 avril 1912 modifié, lui était inopposable, dès lors que l'exigence d'une autorisation administrative constituait une règle technique au sens de la directive 83/189/CE du 28 mars 1983 (consolidée par la directive 98/34/CE), que cette règle n'avait pas été notifiée à la Commission conformément à la procédure d'information organisée par ladite directive, et que dans un arrêt du 30 avril 1996 (CIA Security International), la cour de justice des communauté européennes avait dit pour droit que les articles 8 et 9 de cette directive devaient être interprétés en ce sens que les particuliers pouvaient s'en prévaloir devant le juge national, auquel il incombait de refuser d'appliquer une règle technique nationale qui n'avait pas été notifiée à la commission ; qu'en omettant de répondre à ce chef d'articulation essentiel, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, les dispositions générales de l'article 1er du décret du 15 avril 1912, ainsi que celles de l'article 15-2, dernier alinéa, de ce texte, qui définissent les compléments alimentaires, n'étant pas des règles techniques, au sens de la directive 83-189/CEE du 28 mars 1983, le moyen, qui, sous couleur d'un défaut de réponse aux conclusions du demandeur, allègue que lesdites dispositions ne seraient applicables, faute d'avoir été notifiées à la Commission des Communautés européennes, n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-3 du Code de la consommation, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a, sur l'action civile, condamné Roger X... à payer à l'Association Force Ouvrière Consommateurs (AFOC) de la Sarthe et à la société Orgeco, chacune, la somme de 10 000 francs ;

"aux motifs que "l'Association Force Ouvrière Consommateurs de la Sarthe et l'Orgeco de la Sarthe se constituent partie civile, il leur sera alloué à chacune d'elle 10 000 francs à titre de dommages-intérêts outre une indemnité au titre des frais irrépétibles" (arrêt attaqué, p. 5) ;

"alors qu'en accueillant la constitution de partie civile de l'Association Force Ouvrière Consommateurs (AFOC) de la Sarthe et de l'Orgeco de la Sarthe, sans justifier qu'elles avaient personnellement subi un préjudice résultant directement de l'infraction, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, faute d'avoir été proposé devant les juges du fond, le moyen, mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Roman conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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